Secousse boursière à la BRVM : quand les valeurs vedettes lâchent-prise d’environ 7 %
Les points clés :
Une forte vague de prises de bénéfices a entraîné un recul marqué de l’indice principal, le BRVM Composite, de -0,50 % à 342,65 points lors de la séance du 31 octobre 2025.
Les grosses capitalisations ont été particulièrement touchées : 23 titres en baisse contre seulement 16 en hausse, avec des pertes allant jusqu’à -7,50 % pour des sociétés comme SAFCA, Filtisac ou encore Tractafric Motors CI.
Malgré la correction, le volume des échanges reste solide (~2 milliards FCFA) et certaines valeurs résistent voire surperforment, notamment Solibra CI (+7,49 %) et Sicable CI (+7,25 %).
La séance du 31 octobre 2025 à la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) a surpris nombre d’observateurs. Dès l’ouverture, une atmosphère de prudence s’est installée, que l’on pourrait qualifier de repli stratégique : après une séquence haussière, des investisseurs ont décidé de sécuriser leurs gains, entraînant une correction d’environ 7 % sur certaines valeurs vedettes. Le BRVM Composite, principal baromètre de l’ensemble des valeurs cotées dans l’Union monétaire ouest-africaine, a ainsi clôturé à 342,65 points, en recul de 0,50 %.
Les grands perdants de la séance sont légion. Lorsqu’une société comme CFAO Motors CI représente une perte de capitalisation de l’ordre de 33,55 milliards FCFA, l’effet domino sur l’indice est significatif. Des valeurs comme SAFCA, Filtisac, Tractafric Motors CI, Nestlé CI ou encore Bank of Africa Mali ont toutes subi des baisses proches ou égales à la limite maximale autorisée (-7,47 % à -7,50 %). Ce phénomène traduit non seulement un retournement de tendance à court terme, mais peut également signaler une réévaluation du risque associé aux grands noms de la cote.
Pourtant, tout n’était pas négatif au cours de cette journée. Solibra CI a atteint son plafond de variation à +7,49 %, et Sicable CI (+7,25 %) ou NEI-CEDA (+7,14 %) ont connu des hausses marquées. Ces performances contrastées confirment que la séance n’était pas généralisée à l’ensemble du marché : certains titres ont été choisis par les acheteurs, peut-être en anticipation de revalorisations. Le volume total des échanges a atteint environ 2 milliards FCFA, contre 1,47 milliard la veille, signe d’une liquidité accrue malgré la correction.
Au regard de l’historique de l’indice, il convient de replacer cette séance dans un contexte plus large. Le BRVM Composite avait atteint un sommet symbolique en mai 2025, franchissant il y a peu la barre des 300 points après une forte remontée. Le marché, en nette progression ces derniers mois, affichait jusqu’à présent un regain de confiance. Cette prise de profit massive apparaît donc comme un ajustement logique, plutôt qu’une crise immédiate. Les investisseurs semblent simplement réduire certains positions « profitables » avant potentiellement de repartir.
Mais derrière cette correction se cachent des signaux à surveiller. Premièrement, la concentration de la baisse sur les grandes capitalisations montre que le marché reste dépendant des « blue chips ». Lorsque ces acteurs majeurs fléchissent, l’indice global en souffre. Deuxièmement, le fait que certaines valeurs aient résisté ou grimpé indique qu’une rotation sectorielle est peut-être en cours, avec des investisseurs privilégiant des titres perçus comme sous-évalués ou porteurs de croissance. Troisièmement, la solidité des volumes suggère que la correction n’est pas le fruit d’un désintérêt du marché mais d’un repositionnement stratégique.
Les implications pour les émetteurs et les investisseurs sont multiples. Les sociétés cotées doivent être conscientes que la tolérance aux résultats jugés « décevants » est moindre dans un contexte de marché mature. Les investisseurs, quant à eux, doivent apprécier que la volatilité peut être plus forte dans ce marché à moindre profondeur que les grandes places mondiales, et que les points d’entrée peuvent se présenter lors de ces corrections.
Enfin, côté régulateur et acteurs de marché, cette journée rappelle la nécessité d’une diversification plus poussée de la liste cotée, d’un élargissement de la base investisseur (notamment institutionnel), et d’un renforcement de la gouvernance et de la transparence pour attirer de nouveaux capitaux. Des études antérieures ont déjà souligné que le marché de l’UEMOA via la BRVM reste dominé par la Côte d’Ivoire et par quelques sociétés majeures, ce qui peut accentuer les effets de contagion.
Pourquoi est-ce important ?
Pour l’économie ouest-africaine, le comportement de la BRVM est un indicateur clé. Cette séance de correction, loin d’être anecdotique, signale que les marchés régionaux entrent dans une phase de maturité où la volatilité, le volume et la rotation des actifs prennent de l’ampleur. Cela incite à une réflexion sur la solidité, la transparence et la profondeur du marché financier régional.
D’une part, pour les économies de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), un marché boursier actif et crédible est un vecteur de mobilisation de l’épargne locale, de financement des entreprises et de valorisation des actifs. La BRVM, en tant que plateforme commune à plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Sénégal, Mali, Togo, Bénin, Burkina Faso, Niger, Guinée-Bissau), joue un rôle de catalyseur régional. Une correction saine dans le cadre d’une valorisation croissante est sans doute un signe de normalisation plutôt que de fragilité.
D’autre part, la performance des titres et la réaction du marché ont un impact direct sur la confiance des investisseurs, tant locaux qu’internationaux. Le fait que des sociétés aient pu grimper fortement dans la même séance que des reculs sévères montre un marché sélectif. Cela favorise la culture de l’analyse, de la gouvernance d’entreprise et de la transparence, facteurs qui renforceront à terme l’attractivité du marché régional et sa capacité à attirer des capitaux.
Enfin, à l’échelle des entreprises, cet épisode rappelle que la bourse n’est pas un simple terrain de spéculation : les fondamentaux, la valeur ajoutée, la gouvernance et la performance opérationnelle comptent. Pour les pays ouest-africains, développer un marché boursier capable d’accompagner le financement du développement et de lever des capitaux en direction de l’économie réelle est un objectif stratégique. Une correction telle que celle observée constitue une occasion de progrès collectif : rehausser les standards, diversifier les émetteurs, renforcer la culture de marché.
En somme, la séance de la BRVM révèle et rappelle que la finance régionale se structure, que les risques existent mais que les opportunités persistent. Pour les acteurs économiques ouest-africains, cette dynamique doit être analysée, comprise et intégrée dans une stratégie de développement plus large.