À Lomé, grâce à AJEDI et REFED/S, une infirmerie change la donne pour les femmes du port de pêche
Les points clés :
Une infirmerie a été inaugurée le 9 décembre 2025 au port de pêche de Lomé (POPEL), offrant aux femmes transformatrices de poissons un accès direct à des soins adaptés.
Le projet, soutenu notamment par UNFPA, inclut des services de santé reproductive, de planification familiale, de prise en charge des violences basées sur le genre et des soins de proximité.
Cette initiative, portée par les ONG locales REFED/S et AJEDI, constitue une avancée sociale majeure, améliorant les conditions de travail des femmes du port et soutenant la pérennité de la filière halieutique.
Pendant des années, les femmes du port de pêche de Lomé, mareyeuses, transformatrices, commerçantes, ont exercé dans des conditions rudes. Malgré un travail intense, souvent de l’aube jusqu’à tard en soirée, elles n’avaient pas de structure de santé à proximité. Les besoins médicaux, les risques liés à la manipulation de produits de la mer, le poids d’un travail physique constant, mais aussi les enjeux de santé reproductive ou de droits des femmes restaient difficiles à gérer. Beaucoup renonçaient aux soins, faute de temps, de ressources ou d’information.
C’est dans ce contexte que l’inauguration, le 9 décembre 2025, de l’« infirmerie communautaire du POPEL » apparaît comme une avancée majeure. Lors de la cérémonie, les responsables de la communauté portuaire, des organisations de femmes et des partenaires internationaux dont l’UNFPA, ont salué cette initiative comme une reconnaissance de l’importance du rôle des femmes dans la dynamique portuaire et halieutique. L’intervention du représentant adjoint de l’UNFPA, M. Vidzraku Koffi, a souligné que ce centre n’est pas seulement un lieu de soins, mais un instrument de dignité, de sécurité et de santé pour les femmes et les jeunes.
Grâce à ce nouveau centre, les femmes du port accèdent désormais à un ensemble de services adaptés : consultations médicales courantes, santé reproductive, planification familiale, prévention et prise en charge des infections sexuellement transmissibles, soutien et orientation pour les survivantes de violences basées sur le genre (VBG), premiers soins sur site. Cette palette de services répond directement aux réalités du port : un lieu d’activité dense, souvent précaire, où les déplacements vers les hôpitaux ou centres de santé éloignés étaient coûteux en temps et en argent.
Un des témoignages les plus forts fut celui de Togbé Kayiwa, transformatrice de poissons, âgée de 39 ans : « Ce centre, c’est une grande joie pour nous. Nous travaillons ici depuis des années sans avoir d’endroit pour nous soigner. Souvent, quand on tombe malade, on continue malgré la douleur. Aujourd’hui, on sait qu’on peut venir ici, être écoutées et soignées. Ça montre que notre travail est reconnu. »
Le projet a été porté localement par les ONG REFED/S et AJEDI, qui ont mené des campagnes de sensibilisation auprès des femmes transformatrices et mareyeuses, notamment sur les violences basées sur le genre, les droits à la santé, et les mécanismes de protection. Grâce à leur travail de terrain, le centre ne s’inscrit pas seulement comme un bâtiment, mais comme un espace de solidarité, d’information et de soutien communautaire.
Contexte : un port dynamique, une filière halieutique stratégique
Le port de pêche de Lomé (POPEL) n’est pas un simple port artisanal ; il s’inscrit dans un ensemble plus large d’activités maritimes et halieutiques qui font du Togo un acteur régional. En 2021, le volume de poissons débarqués à Lomé avait connu une hausse de 18 % par rapport à l’année précédente, selon des données du ministère de l’économie maritime, de la pêche et de la protection côtière.
Par ailleurs, le secteur de la pêche reste un pilier de l’économie maritime togolaise, fourni en produits halieutiques de consommation locale et participe à la sécurité alimentaire. Dans ce cadre, la mise en place d’une infirmerie dédiée aux femmes du port apparaît comme un maillon essentiel pour garantir la durabilité de la filière.
Cette initiative s’inscrit dans une stratégie plus large du gouvernement togolais de développement des infrastructures sanitaires et du renforcement de l’accès aux soins. Dans la région Maritime, un plan de développement hospitalier a été lancé en 2025 pour améliorer la gouvernance, la qualité des soins et l’accès équitable aux services de santé.
Santé, genre, dignité : un triple enjeu social et économique
L’infirmerie du POPEL institue une rupture symbolique et concrète : pour la première fois, les travailleuses de la pêche, jusqu’ici marginalisées, disposent d’un accès facilité aux soins. Cela va bien au-delà de la simple santé : c’est une question de dignité, de reconnaissance du travail des femmes, de sécurité sociale, et de justice économique. Dans un secteur où l’informalité domine, où les bateaux et les poissons partent pour la consommation locale ou les marchés urbains, garantir la santé des acteurs, en particulier des femmes, c’est garantir la pérennité de la chaîne de valeur.
En offrant des services de planification familiale ou de prise en charge des violences, l’infirmerie répond aussi aux réalités souvent ignorées des femmes dans l’économie de la mer. Elle peut contribuer à réduire les inégalités, à renforcer le rôle des femmes dans la filière, et à améliorer leur productivité et leur bien-être.
Le rôle des ONG locales, REFED/S, AJEDI, est un facteur déterminant. Leur ancrage communautaire, leur connaissance des dynamiques sociales et des besoins concrets, et leur capacité à mobiliser les femmes autour des questions de santé et de droits sont essentiels. Leur implication transforme un projet infrastructurel en projet social, communautaire et inclusif.
Pourquoi c’est important ?
Parce qu’un port ne se mesure pas seulement en tonnes de marchandises, mais en êtres humains. L’inauguration de l’infirmerie communautaire du POPEL est une illustration que développement économique, justice sociale, santé et inclusion peuvent et doivent aller de pair.
Pour le Togo, c’est un pas concret vers un modèle de développement plus humain, plus résilient et plus équitable. Dans un contexte de transformations rapides, modernisation du port de Lomé, hausse du trafic maritime, ambitions pour la pêche et la logistique, il devient essentiel d’intégrer la dimension sociale et humaine.
Pour l’Afrique de l’Ouest et les pays côtiers, le projet représente un exemple à suivre. Les ports, le long des littoraux, emploient des milliers de femmes et d’hommes; souvent, leur santé, leurs droits, leur dignité sont négligés. Donner la priorité à des centres de soins communautaires, à la santé reproductive, à la protection contre les violences, c’est investir dans la stabilité sociale, la productivité, et la durabilité des filières maritimes.
Enfin, cela montre qu’avec des partenariats intelligents, entre ONG locales, institutions internationales comme l’UNFPA, pouvoirs publics, il est possible de construire des infrastructures sociales adaptées aux réalités locales. L’infirmerie du POPEL n’est pas une fin en soi, mais un symbole : celui d’un Togo qui reconnaît l’importance de la santé, de la dignité et du travail des femmes dans son développement.