Le Togo face au blanchiment d’argent : où en est le pays selon l’Indice AML 2025 ?
Les points clés :
L’Indice Basel Anti-Money Laundering (AML) 2025 classe le Togo parmi les juridictions à risque élevé de blanchiment d’argent et de criminalité financière.
Sur 177 pays évalués, le Togo se situe à un score de 6,44 sur 10, reflet de vulnérabilités persistantes dans les dispositifs de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Ce classement met en lumière des défis dans les cadres réglementaires, la transparence financière et la gouvernance, malgré des progrès régionaux dans certains pays d’Afrique subsaharienne.
Depuis sa première publication en 2012, l’Indice Basel AML du Basel Institute on Governance s’est imposé comme une référence mondiale pour évaluer la vulnérabilité des juridictions aux risques liés au blanchiment d’argent et à la criminalité financière, ainsi que leur capacité à lutter contre ces fléaux. L’édition 2025, rendue publique le 8 décembre 2025, repose sur des données provenant de 17 sources publiques telles que le Groupe d’action financière (GAFI), la Banque mondiale ou encore Transparency International, couvrant cinq domaines essentiels : qualité des cadres AML/CFT (Anti-Money Laundering/Countering Financing of Terrorism), corruption et fraude, transparence financière, transparence publique et risques juridiques.
Les scores attribués vont de 0 (risque faible) à 10 (risque élevé), permettant une lecture quantitative du niveau de vulnérabilité d’un pays. Dans ce classement, le Togo figure avec un score de 6,44, ce qui le place dans la catégorie des juridictions à risque élevé, bien au-dessus du seuil de 6,08 utilisé pour délimiter les pays les plus exposés. Cette position situe le Togo dans le peloton de tête des risques en Afrique derrière des pays comme la République démocratique du Congo ou le Tchad mais devant d’autres, tout en indiquant que des progrès demeurent nécessaires.
L’indice ne mesure pas la quantité réelle de blanchiment, mais évalue plutôt la vulnérabilité structurelle d’un système financier à ces pratiques et sa capacité institutionnelle à les combattre. Ainsi, un score élevé signifie que des lacunes réglementaires, des faiblesses de gouvernance ou des insuffisances dans les mécanismes de surveillance peuvent favoriser l’exploitation du système financier par des activités illicites. Au Togo, cela met en exergue des défis persistants dans l’application effective des obligations AML/CFT par certains acteurs du secteur financier et au-delà.
L’Afrique subsaharienne dans son ensemble continue de faire face à une vulnérabilité relativement élevée, avec une moyenne régionale de risque autour de 6,14, mais les tendances 2025 montrent que environ 70 % des pays de la région ont amélioré leurs scores, en partie grâce à des réformes ciblées et des sorties du FATF (Financial Action Task Force) de la liste de surveillance accrue, ce qui traduit une dynamique positive.
Sur le continent, certains États africains ont réussi à réduire leur exposition au risque de blanchiment. Dans l’édition 2025, Botswana, Seychelles et Maurice figurent parmi les rares pays classés en faible exposition, avec des scores inférieurs à 4,70, suggérant des cadres AML plus robustes ou mieux appliqués. À l’inverse, des juridictions comme la République démocratique du Congo, le Tchad ou la Guinée équatoriale se trouvent parmi les plus exposées, posant un contraste saisissant avec les pays mieux placés.
Le classement du Togo survient à une période où la communauté internationale renforce l’attention portée à la transparence financière, à la lutte contre les flux illicites et aux mécanismes de conformité. Des efforts régionaux, tels que ceux menés par la GIABA (Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest), visent à améliorer les cadres AML/CFT par des formations, des réformes législatives et une meilleure coopération transfrontalière. Cette dynamique met en évidence à la fois les défis et les opportunités pour les pays de la région, dont le Togo.
Pourquoi est-ce important ?
Le classement du Togo dans la catégorie des juridictions à risque élevé de blanchiment d’argent a des implications multiples pour son économie et sa gouvernance. Une vulnérabilité élevée peut affecter la confiance des investisseurs étrangers et des partenaires financiers, augmenter le coût des services financiers et limiter l’accès aux marchés internationaux. Les flux de capitaux illicites, incluant ceux générés par la corruption, la fraude ou la criminalité organisée — peuvent saper les efforts de développement, détourner des ressources publiques et renforcer l’ombre des économies informelles.
Pour l’économie ouest-africaine, un renforcement des cadres AML/CFT est essentiel non seulement pour se conformer aux normes internationales, mais aussi pour attirer des investissements productifs. Une meilleure maîtrise des risques liés au blanchiment peut favoriser une intégration plus profonde dans la zone CFA/UEMOA, renforcer la stabilité financière régionale et améliorer l’efficacité des politiques publiques.
Les progrès observés dans certains pays africains en 2025 montrent qu’une action concertée — via des réformes institutionnelles, une application renforcée de la réglementation et une coopération régionale plus étroite — peut abaisser le niveau de risque. Pour le Togo, s’engager dans ces voies est non seulement une exigence de conformité, mais aussi un levier de développement économique durable, de protection du secteur financier et d’intégration harmonieuse dans l’économie mondiale. Ce faisant, le pays contribuera à améliorer le climat des affaires, la transparence et la résilience de ses institutions face aux défis transnationaux que posent le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.