Niobium, le métal discret qui vaut des milliards en Afrique


Les points clés :

  • Le projet Kanyika, dirigé par Globe Metals & Mining, vise à créer la première grande mine de niobium d’Afrique, rompant l’hégémonie brésilienne qui contrôle environ 90 % du marché mondial de ce métal stratégique.

  • La mise en production, désormais repoussée à 2028, dépend de la sécurisation des financements, de la finalisation d’une étude de faisabilité et d’accords d’achat à long terme, malgré des prolongations accordées par le gouvernement malawite.

  • Le projet, évalué à 250 millions USD d’investissement pour générer jusqu’à 5,6 milliards USD de revenus sur 23 ans, constitue une opportunité rare pour diversifier l’approvisionnement global et renforcer la base économique du Malawi.


Dans un contexte où les métaux critiques deviennent des éléments clés de la transformation industrielle mondiale, l’Afrique est en train de franchir une étape importante avec le projet Kanyika, potentiellement la première grande mine de niobium du continent. Le niobium est un métal essentiel pour la production d’aciers à haute résistance, ainsi que pour des secteurs stratégiques comme l’aéronautique, les véhicules électriques, la construction et les technologies avancées. Cette dynamique est d’autant plus pertinente que l’approvisionnement mondial est extrêmement concentré : le Brésil représente près de 90 % de la production mondiale, selon les données de l’US Geological Survey et de différents observateurs du marché.

Le développement du Kanyika Niobium Project, porté par la société australienne Globe Metals & Mining (ASX: GBE), reflète cette quête d’autonomie dans les chaînes d’approvisionnement en matières premières critiques. Annoncé comme le premier grand projet de niobium en dehors du Brésil depuis plusieurs décennies, il a cependant connu des retards persistants. Plus d’un an après un premier report, Globe Metals & Mining n’a toujours pas lancé les travaux de construction. Dans une mise à jour publiée fin décembre 2025, l’entreprise expliquait être encore en phase de mobilisation de financements et de préparation des études techniques nécessaires. Initialement prévu pour une mise en production début 2026, le calendrier a été repoussé à 2028, avec une deuxième phase envisagée pour 2029.

Ces délais ont été acceptés par les autorités de Lilongwe, qui ont accordé des prolongations successives du délai d’initiation des travaux. Le gouvernement malawite continue de soutenir le projet, qui s’inscrit dans une stratégie nationale de valorisation des ressources minières et de diversification économique. Le projet Kanyika est bâti autour d’une étude de faisabilité actualisée, que Globe Metals & Mining entend finaliser d’ici mars 2026, préalable essentiel à la décision finale d’investissement (FID).

Les chiffres révélés par les études précédentes montrent l’ampleur des ambitions économiques de Kanyika. Il est estimé que le projet pourrait produire environ 73 250 tonnes de pentoxyde de niobium (Nb₂O₅) et 3 240 tonnes de pentoxyde de tantale (Ta₂O₅) sur une durée de vie projetée de 23 ans. L’investissement initial de 250 millions USD qui couvre les infrastructures minières, l’installation de traitement et les installations logistiques devrait générer des revenus cumulés de l’ordre de 5,6 milliards USD sur toute la période d’exploitation.

Sur le plan commercial, le développement de Kanyika a déjà attiré l’attention de acheteurs potentiels internationaux. Plusieurs mémorandums d’accord (MOU) non contraignants ont été signés, notamment avec des sociétés comme Neo Performance Materials Inc., qui prévoit d’acheter jusqu’à 150 tonnes par an de pentoxyde de niobium dans le cadre de la première phase de production. Ces accords structurants pour les flux futurs sont essentiels pour assurer la viabilité financière du projet et faciliter l’accès à des financements supplémentaires.

Au-delà de son rôle économique direct, Kanyika s’inscrit dans un cadre plus large de diversification des sources d’approvisionnement en métaux critiques. Une dépendance excessive au Brésil expose les industries mondiales à des risques de perturbation des chaînes d’approvisionnement, notamment dans des secteurs technologiques et de défense. Une diversification vers des zones comme l’Afrique serait perçue comme un atout stratégique pour les pays importateurs, notamment en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, qui s’efforcent de sécuriser des approvisionnements stables pour soutenir les transitions industrielles et énergétiques.

Sur le plan local, Kanyika promet des retombées économiques importantes pour le Malawi. L’État bénéficiera d’une participation gratuite de 10 % dans la mine, ainsi que d’une redevance de 5 % sur les revenus générés par la production, permettant de renforcer les recettes publiques. Par ailleurs, un accord de développement communautaire (CDA) prévoit que 0,45 % du chiffre d’affaires annuel soit alloué à des initiatives locales soutenant l’éducation, la santé et l’accès à l’eau dans les zones proches de la mine.

La progression vers le lancement effectif des travaux de construction en 2026 demeure cependant conditionnée à la concrétisation des financements et des accords commerciaux. L’optimisation des coûts, la gestion environnementale conforme aux standards internationaux et la structuration des financements seront des points clés pour que le projet tienne ses ambitions. Certains observateurs estiment que si Kanyika devient opérationnel, il pourrait devenir un acteur majeur du marché du niobium, contribuant à la diversification des sources et réduisant le risque d’une concentration excessive du secteur.

Pourquoi est-ce important ?

L’importance d’un projet comme Kanyika dépasse largement le seul cadre économique du Malawi. Il touche à des enjeux stratégiques mondiaux autour des minéraux critiques, définis comme essentiels aux industries avancées, à la transition énergétique et à la sécurité nationale. Dans un contexte où la production mondiale de niobium est fortement concentrée principalement au Brésil l’émergence d’une source significative en Afrique pourrait contribuer à une réduction des risques géopolitiques et à une meilleure résilience des chaînes d’approvisionnement.

Pour l’économie africaine, le succès de Kanyika serait un catalyseur de création d’emplois, de développement industriel et d’augmentation des recettes publiques, offrant à des pays riches en ressources mais souvent dépendants d’exportations primaires une opportunité de transformation vers des secteurs à plus forte valeur ajoutée. Ce projet démontre aussi que l’Afrique peut jouer un rôle actif dans l’économie mondiale des métaux critiques, en capitalisant sur ses ressources minérales et en intégrant des pratiques modernes de développement minier et de partenariats internationaux.

Enfin, en contribuant à diversifier l’offre mondiale de niobium, Kanyika pourrait réduire la vulnérabilité des industries dépendantes de ce métal stratégique des constructeurs automobiles aux fabricants d’acier haute performance et aux secteurs de pointe tout en renforçant la compétitivité économique des pays africains producteurs.

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