Pomme de terre : un potentiel économique encore sous-exploité au Togo


Les points clés :

  • La pomme de terre connaît un essor progressif dans la région des Savanes au nord du Togo, portée par des acteurs agricoles comme Joseph Tiguibe convaincus de son fort potentiel économique.

  • L’accès à des semences locales produites par l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA) réduit les coûts et facilite l’expansion de cette culture, pourtant freinée par des obstacles structurels.

  • À l’échelle du continent, la demande pour la pomme de terre augmente régulièrement, avec un marché africain attendu à 35 millions de tonnes et 14 milliards de dollars d’ici 2035, offrant des opportunités de croissance et de valeur ajoutée agricole.


Dans le paysage agricole togolais, traditionnellement dominé par des tubercules comme l’igname, le manioc ou la patate douce, la pomme de terre émerge comme une culture à fort potentiel économique. A en croire notre confrère Agridigitale, cette tendance est particulièrement visible dans la région des Savanes, où des agriculteurs entreprenants comme Joseph Tiguibe ont misé sur cette spéculation. Il illustre parfaitement une nouvelle génération de producteurs convaincus que la pomme de terre, au-delà de son rôle vivrier, peut devenir une source significative de revenus si les conditions de production et de commercialisation sont améliorées.

Contrairement à certains autres tubercules, la pomme de terre présente des atouts stratégiques. Sur le continent africain, la production de pommes de terre a atteint environ 30 millions de tonnes en 2024, avec une valeur estimée à près de 11 milliards de dollars, et le marché est attendu à 35 millions de tonnes et 14 milliards de dollars d’ici 2035, traduisant une croissance importante de la demande pour ce tubercule. Cette dynamique continentale est un signe encourageant pour les producteurs togolais qui cherchent à profiter de tendances favorables, tant pour l’alimentation locale que pour les opportunités régionales.

Pour autant, les défis restent réels. L’une des principales difficultés évoquées par des acteurs sur le terrain est l’accès aux semences de qualité, condition essentielle pour augmenter les surfaces cultivées et améliorer les rendements. Historiquement, les semences étaient importées du Burkina Faso à un coût élevé, environ 38 000 FCFA le sac de 25 kg, avant que l’intervention de l’ITRA ne rende disponible du matériel local à environ 22 500 FCFA, hors frais de transport. Cette production locale de semences représente une avancée cruciale pour réduire les coûts de production et encourager davantage d’agriculteurs à investir dans cette filière.

Outre l’amélioration de l’accès aux semences, les exigences techniques de la culture constituent un autre frein significatif à une production à grande échelle. La pomme de terre requiert un sol bien travaillé, souvent difficile à préparer sans outils adéquats comme les motoculteurs, ce qui limite les superfícies exploitables par les petits producteurs. Cette contrainte mécanique, couplée à une disponibilité souvent limitée de financement pour l’acquisition d’équipements, freine l’expansion de la culture au-delà de quelques parcelles. L’agriculteur interrogé n’hésite d’ailleurs pas à évoquer la possibilité de contracter un prêt pour emblaver au moins un hectare lors de la prochaine campagne, traduisant l’aspiration à passer à une agriculture plus intensive et rentable.

La dynamique locale est également soutenue par les efforts de l’Institut Togolais de Recherche Agronomique (ITRA) et d’autres centres de recherche comme le Centre de recherche agronomique de la savane humide (CRA-SH), qui travaillent sur l’amélioration variétale et la disponibilité des semences adaptées aux conditions locales. Ces travaux de recherche sont essentiels pour augmenter la production nationale, réduire la dépendance aux importations et répondre à une demande interne encore largement insatisfaite.

Au plan régional, la pomme de terre est de plus en plus reconnue comme un atout stratégique pour les systèmes alimentaires et les revenus ruraux. Dans plusieurs pays africains, elle est promue non seulement pour la sécurité alimentaire, mais aussi pour son potentiel de création d’emplois et d’intégration dans des chaînes de valeur plus larges, notamment pour la transformation (frites, chips, produits dérivés) et le commerce intra-régional. Des analyses menées par des organismes internationaux montrent que la pomme de terre peut contribuer à diversifier les cultures et réduire l’importation excessive de denrées alimentaires, alors que le continent possède près de 60 % des terres arables mondiales.

Dans plusieurs pays africains, l’expérience de la filière pomme de terre démontre son impact potentiel sur les revenus des agriculteurs. Par exemple, en Lesotho, la promotion de la pomme de terre au travers d’initiatives publiques et privées a conduit à une augmentation spectaculaire des zones cultivées et des rendements, améliorant ainsi la sécurité alimentaire et les revenus des ménages ruraux.

Pour le Togo, où la production nationale ne permet pas encore de couvrir la consommation intérieure malgré un fort appétit pour ce tubercule, l’expansion de cette culture s’inscrit dans une stratégie plus large de diversification agricole. Selon les données officielles, la culture de la pomme de terre se situe actuellement au cinquième rang des tubercules cultivés, après le manioc, l’igname, le taro et la patate douce, mais elle reste en deçà des niveaux requis pour satisfaire la demande locale et réduire les importations.

Pourquoi est-ce important ?

La culture de la pomme de terre au Togo représente bien plus qu’une simple ambition agricole : elle incarne une opportunité économique majeure pour renforcer la sécurité alimentaire, générer des revenus pour les producteurs ruraux et intégrer le pays aux marchés régionaux en pleine expansion. À mesure que la demande africaine pour la pomme de terre augmente portée par l’urbanisation, l’évolution des habitudes alimentaires et une croissance démographique soutenue les agriculteurs togolais ont une fenêtre d’opportunité pour tirer parti de cette dynamique plutôt que de rester cantonnés à une production vivrière limitée.

La réduction des obstacles structurels améliorations techniques, mécanisation, disponibilité accrue de semences de qualité et accès au crédit constitue une condition sine qua non pour augmenter les surfaces cultivées, les rendements et les revenus paysans, tout en contribuant à réduire la dépendance alimentaire. L’implication des institutions comme l’ITRA et les politiques agricoles ciblées peuvent faciliter cette transition.

Par ailleurs, à l’échelle ouest-africaine, un renforcement des chaînes de valeur autour de la pomme de terre peut favoriser une coopération régionale accrue, réduire les importations intra-continentales et créer de nouveaux débouchés commerciaux, notamment dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Cette intégration serait bénéfique non seulement pour le Togo, mais aussi pour les économies voisines, en stimulant le commerce, l’emploi et l’innovation agricole.

Ainsi, la pomme de terre, souvent sous-estimée, peut devenir un pilier de croissance inclusive et durable, à condition d’adopter des approches intégrées qui valorisent la recherche, la formation, la mécanisation et l’accès aux marchés, créant une filière dynamique au service du développement rural et économique.

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