Blanchiment, terrorisme et armes : le Togo dit stop aux fonds illicites
Les points clés :
Le Togo adopte une loi ambitieuse pour lutter contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes, alignant sa législation aux standards internationaux et régionaux.
La Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) est restructurée pour renforcer la supervision des entités assujetties, avec une vigilance accrue notamment dans les secteurs financier et bancaire.
Cette réforme vise à protéger l’intégrité du système financier togolais, réduire les vulnérabilités exploitées par la criminalité organisée et améliorer l’attractivité des investissements.
Dans un contexte mondial où la criminalité financière transfrontalière s’intensifie et où les économies émergentes sont régulièrement ciblées par des réseaux sophistiqués de blanchiment, de financement du terrorisme et de prolifération des armes, le Togo a adopté, le 29 décembre 2025, une nouvelle loi profondément révisée pour renforcer son cadre juridique de lutte contre ces fléaux. Cette réforme législative, issue de la session budgétaire de fin d’année de l’Assemblée nationale togolaise, constitue une étape déterminante dans l’intégration des standards internationaux et régionaux, tout en consolidant les bases d’une économie plus transparente et plus résiliente face aux risques criminels.
Plus qu’un simple ajustement réglementaire, cette loi marque une rupture avec le cadre juridique antérieur, en phase avec les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) et les directives récentes de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), lesquelles imposent une mise à jour des dispositifs de lutte en adéquation avec l’évolution rapide des méthodes de criminalité financière.
Une réforme juridique majeure dans la lutte contre les flux financiers illicites
Le texte adopté par les députés togolais consacre la remplacement du précédent cadre de 2018, en intégrant notamment des dispositions visant à mieux détecter, prévenir et réprimer les opérations illicites. Cette modernisation repose sur l’approche fondée sur les risques, une méthode désormais recommandée par le GAFI qui oblige les autorités et les entités assujetties à adapter leurs mécanismes de vigilance à la nature et au niveau de risque des activités financières.
Parmi les innovations importantes, la loi étend les obligations de diligence à des acteurs jusque-là moins couverts par la législation, y compris des prestataires de services liés aux actifs virtuels, secteur en forte croissance et particulièrement vulnérable aux fraudes et aux circuits illicites. Parallèlement, la réforme renforce l’identification des bénéficiaires effectifs des transactions financières, une mesure essentielle pour tracer l’origine des fonds et limiter l’anonymat des opérations susceptibles de masquer des fonds criminels.
Le ministre des Finances et du Budget, Essowè Georges Barcola, a souligné que ce cadre législatif s’inscrit dans une stratégie nationale plus large visant à protéger « l’intégrité du système financier » et à promouvoir une gestion transparente des finances publiques, tout en assurant une meilleure implication des forces de l’ordre et de la justice dans l’application des sanctions pénales.
CENTIF restructurée : une institution plus puissante face aux abus
Au cœur de cette réforme se trouve la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), l’organe chargé de collecter, d’analyser et de transmettre les informations financières suspectes provenant des institutions assujetties. Sous la nouvelle loi, la CENTIF voit ses prérogatives élargies et sa structure administrativement renforcée pour superviser plus efficacement les banques, les établissements financiers, les professions non financières à risque, ainsi que les plateformes de technologies financières.
Cette restructuration, conforme aux exigences communautaires de l’UEMOA, vise à renforcer la supervision et le contrôle des flux financiers afin de détecter plus rapidement les signaux de blanchiment ou de financement du terrorisme, deux phénomènes qui, selon les évaluations régionales, continuent de peser lourdement sur la stabilité des systèmes financiers ouest-africains.
La coopération entre la CENTIF et les autorités judiciaires est également consolidée afin de garantir que les informations pertinentes puissent être utilisées de manière efficace dans les procédures pénales et administratives, réduisant ainsi les zones d’opacité exploitées par certains réseaux internationaux.
Alignement avec les normes internationales : un signal de confiance pour les investisseurs
L’un des objectifs centraux de cette réforme est d’aligner la législation nationale sur les standards de la GAFI, l’instance internationale qui émet des recommandations pour combattre efficacement la criminalité financière. Cette harmonisation est fondamentale pour renforcer la crédibilité du Togo sur la scène internationale, notamment auprès des partenaires financiers et des bailleurs de fonds, qui conditionnent de plus en plus leur coopération à des cadres juridiques robustes en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Le Rapport de suivi renforcé publié récemment par le Groupe intergouvernemental d’action contre le blanchiment d’argent en Afrique de l’Ouest (GIABA) souligne l’importance de ces réformes pour la région, appelant les États membres à renforcer leurs dispositifs de LBC (Lutte contre le blanchiment de capitaux), FT (Financement du terrorisme) et PF (Prolifération des armes) pour mieux répondre aux défis actuels.
En outre, la conformité aux normes de l’UEMOA permet de garantir une harmonisation régionale des régimes de lutte anti-fraude, essentielle dans une zone où les flux transfrontaliers peuvent être exploités par des réseaux criminels opérant à partir de juridictions moins strictes.
Sanctions renforcées et vigilance accrue
Outre les dispositions de prévention, la loi introduit des sanctions pénales plus strictes pour les infractions liées au blanchiment de capitaux, au financement du terrorisme et à la prolifération des armes. Ces sanctions visent à dissuader les comportements illicites tout en consolidant la transparence dans la gestion des ressources financières du pays.
Cette démarche intervient dans un contexte où les institutions financières togolaises ont déjà été sanctionnées pour manquements à leurs obligations anti-blanchiment, à l’instar d’une banque sanctionnée par la Commission bancaire de l’UEMOA pour des faiblesses dans la lutte contre ces pratiques. Cela illustre la nécessité pour le Togo de renforcer son arsenal juridique et institutionnel pour éviter que des entités financières locales ne deviennent des vecteurs de flux illicites.
Pourquoi est-ce important ?
La réforme togolaise en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération des armes s’inscrit dans un tournant décisif pour l’économie nationale et la stabilité régionale. Un système financier fiable et transparent est indispensable pour attirer les investissements directs étrangers (IDE), renforcer la confiance des partenaires internationaux et sécuriser les flux économiques essentiels à la croissance.
Dans une zone ouest-africaine confrontée à des menaces transnationales telles que le terrorisme, le crime organisé et la fraude financière, des cadres juridiques robustes sont essentiels pour prévenir l’exploitation des failles réglementaires. La loi adoptée par le Togo en décembre 2025 envoie ainsi un signal fort de conformité aux standards internationaux et un engagement politique clair en faveur de la bonne gouvernance économique et de l’État de droit.
Au-delà du Togo, cette réforme s’inscrit dans les efforts collectifs de la CEDEAO et de l’UEMOA pour harmoniser les dispositifs de lutte contre les flux illicites, renforçant la coopération judiciaire et financière dans toute la sous-région. Alors que les économies ouest-africaines cherchent à diversifier leurs sources de croissance et à améliorer leur attractivité, le renforcement des cadres de prévention et de répression des crimes financiers devient un levier stratégique pour la stabilité, la sécurité et le développement économique durable de la région.