Togo : la stratégie sociale et économique de 2026 axée sur trois piliers
Les points clés :
Le Président du Conseil Faure Gnassingbé a tracé une feuille de route économique ambitieuse pour le Togo sous la Ve République autour du triptyque : « Protéger, Rassembler, Transformer », soulignant que développement, sécurité et justice sociale sont indissociables.
La décentralisation et la gouvernance locale sont repositionnées au centre de l’action publique pour rapprocher la décision des citoyens et stimuler le développement territorial.
L’orientation stratégique vise à intégrer l’économie togolaise dans les chaînes de valeur africaines et internationales, en misant sur le capital humain et l’innovation comme moteurs de croissance durable.
Dans son allocution à la nation le 30 décembre 2025, le Président du Conseil, Faure Essozimna Gnassingbé, a présenté une vision renouvelée pour le Togo, marquant une étape historique dans l’orientation politique et économique de la Ve République. Cette adresse, prononcée à l’aube de 2026, ne se limite pas à des vœux ou à de simples concepts : elle esquisse une logique stratégique fondée sur l’équilibre institutionnel, la gouvernance locale et une croissance inclusive et intégrée à l’Afrique.
Le timing de cette adresse n’est pas anodin : il intervient après l’adoption de la réforme constitutionnelle qui a transformé le système présidentiel en démocratie parlementaire moderne, un changement institutionnel majeur datant de 2025 visant à transférer une part importante de la prise de décision politique vers le Parlement. Ce changement, considéré par le gouvernement comme un tournant historique, inscrit le Togo dans une logique de gouvernance plus équilibrée et participative.
Au cœur du discours, trois axes majeurs “Protéger, Rassembler, Transformer” servent de fil conducteur pour la stratégie macroéconomique et sociale du pays. Cette articulation symbolise une méthode ambitieuse où la stabilité sociale, la cohésion territoriale et la transformation structurelle de l’économie sont envisagées comme des piliers indissociables pour une croissance durable.
Sur le plan économique, les perspectives du Togo sont favorables dans un contexte régional qui reste globalement dynamique mais inégal. Selon les prévisions des institutions internationales, la croissance économique de l’économie togolaise pourrait se maintenir autour de 5,5 % à moyen terme, dépassant la moyenne régionale de l’UEMOA, et reflétant des réformes structurelles engagées dans plusieurs secteurs clés.
Sécurité et développement : deux faces d’une même politique
Lorsque Faure Gnassingbé affirme que « il ne peut y avoir de développement sans sécurité, ni de sécurité durable sans justice sociale », il inscrit la nouvelle stratégie togolaise dans une lecture plus large du développement économique.
Dans la pratique, cette lecture signifie que la sécurité ne se limite plus à la seule dimension militaire ou policière : elle doit être consolidée par l’emploi, l’accès aux services essentiels (éducation, santé, infrastructures) et la réduction des inégalités territoriales. Les expériences des pays ouest-africains montrent que les régions les mieux intégrées socialement et économiquement tendent à être plus stables, ce qui à son tour favorise l’attraction d’investissements directs étrangers et la croissance du secteur privé.
La lutte contre les chocs sécuritaires a également été associée chez certains décideurs à la volonté d’éviter que la pauvreté, l’exclusion ou la colère sociale ne deviennent des terreaux de violence, un point essentiel dans un contexte régional souvent marqué par des tensions socio-économiques.
Décentralisation et gouvernance locale : rapprocher la décision des citoyens
L’un des éléments clé de ce discours est l’accent mis sur la décentralisation, présenté comme un levier pour améliorer l’efficacité de l’action publique et stimuler le développement local.
Cette dynamique trouve un écho dans l’adoption récente d’une feuille de route décennale pour la décentralisation (2025–2034), qui vise à renforcer les capacités des communes et des autorités locales, à accroître leur responsabilité dans la gestion des projets publics et à favoriser la participation citoyenne.
Dans ce modèle, les entités locales communes, régions et préfectures sont envisagées comme des acteurs centraux pour la mise en œuvre de projets de développement qui touchent directement la vie des citoyens, réduisant la distance entre l’État central et les populations et améliorant l’efficacité des services publics. Cette approche s’inscrit dans une tendance observée dans plusieurs économies africaines cherchant à dépasser les modèles centralisés pour gagner en efficacité et en légitimité politique.
Capital humain et intégration dans les chaînes de valeur régionales
La transformation, troisième pilier du triptyque, est sans doute la dimension la plus ambitieuse et la plus mobilisatrice de la politique économique. Faure Gnassingbé a insisté sur la nécessité d’investir dans le capital humain, l’éducation, la santé, l’entrepreneuriat et l’innovation, comme fondement d’un développement durable, en rappelant que « un pays ne se développe pas uniquement avec des routes, des ports et des usines ».
Cette orientation n’est pas isolée. Les stratégies économiques régionales, notamment celles de la Banque mondiale et de l’Banque africaine de développement, encouragent une telle approche, considérant que l’inclusion du capital humain dans les politiques de croissance est essentielle pour soutenir des gains de productivité et l’intégration dans les chaînes de valeur régionales et internationales. Par exemple, le document de stratégie pays 2021-2026 de la Banque africaine de développement met en évidence l’importance d’intensifier les efforts pour intégrer davantage les économies africaines dans les chaînes de valeur régionales, tout en renforçant la compétitivité des secteurs productifs.
Cette orientation mérite une attention particulière car elle s’appuie sur un constat partagé : la croissance seule ne suffit pas si elle n’est pas inclusive, durable et partagée par l’ensemble des composantes de la population. Dans ce cadre, la transformation envisagée par le Togo implique des réformes structurelles dans l’éducation, la formation professionnelle, la numérisation de l’économie et le soutien à l’entrepreneuriat, des leviers essentiels pour renforcer la compétitivité à l’échelle régionale.
Intégration régionale et diplomatie économique
Dans son discours, le Président du Conseil a également évoqué l’importance de s’insérer dans les chaînes de valeur africaines et internationales, soulignant que cette orientation passe aussi par une diplomatie active, des partenariats stratégiques et l’ouverture des marchés régionaux.
Cette ambition s’inscrit dans un contexte où les initiatives régionales telles que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) cherchent à réduire les barrières commerciales intra-africaines et à améliorer l’intégration économique. Pour un pays comme le Togo, bénéficiant d’une position géographique stratégique et d’un port de transit important pour l’Afrique de l’Ouest, une intégration réussie dans les chaînes de valeur peut générer des avantages significatifs en matière de commerce, de création d’emplois et d’attraction d’investissements.
Vers un nouveau contrat social et économique
L’appel à une « culture politique nouvelle » basée sur le respect, le dialogue et la critique constructive reflète une volonté explicite de renforcer la gouvernance démocratique.
Cette stratégie est importante car la confiance des investisseurs et des citoyens dépend largement de la perception de stabilité politique et de transparence institutionnelle deux facteurs reconnus comme essentiels pour stimuler les flux d’investissements directs étrangers (IDE) et soutenir un climat des affaires attractif sur le continent.
Les priorités identifiées, sécurité, cohésion sociale, capital humain, décentralisation et intégration régionale, constituent autant d’axes qui, articulés ensemble, dessinent une feuille de route ambitieuse pour une transformation socio-économique durable.
Pourquoi est-ce important ?
L’adresse de Faure Gnassingbé à la nation, et plus largement la réorientation stratégique du Togo sous la Ve République, ne sont pas de simples déclarations de principes. Elles marquent un virage structurant vers une gouvernance plus inclusive, ancrée dans les réalités locales et ouvertes à la compétition régionale.
Pour l’économie ouest-africaine, ces orientations s’inscrivent dans une logique plus vaste où les pays cherchent à renforcer leur compétitivité, à diversifier leurs bases productives et à intégrer davantage les chaînes de valeur régionales. Dans un contexte de croissance projetée autour de 5,5 % pour 2026–2027, ces mesures peuvent contribuer à stabiliser l’économie togolaise tout en servant d’exemple pour d’autres pays de la sous-région confrontés à des défis similaires.
La vision de « Protéger, Rassembler, Transformer » incarne un contrat social renouvelé, tourné vers une croissance inclusive, une gouvernance décentralisée et une meilleure intégration dans un marché continental élargi. Dans une Afrique en quête de modèles de développement résilients, le projet togolais si ses engagements sont traduits en politiques publiques efficaces peut devenir un pivot de stabilité et d’innovation économique en Afrique de l’Ouest et au-delà.