Transferts monétaires aux couches vulnérables au Togo : cap sur la phase régionale


Les points clés :

  • Le programme national de transferts monétaires du Togo, lancé à Lomé en décembre 2025, est étendu à l’ensemble du pays, touchant déjà des centaines de milliers de ménages vulnérables.

  • Près de 700 000 personnes devraient recevoir un transfert inconditionnel de 25 000 FCFA par ménage, financé à hauteur de 3,5 milliards de FCFA et soutenu par des partenaires internationaux.

  • Ce dispositif s’inscrit dans le Programme national de protection sociale et vise à atténuer les chocs économiques, renforcer la résilience et stimuler l’activité locale en s’appuyant sur des technologies numériques.


Dans une Afrique de l’Ouest où la montée du coût de la vie et les chocs économiques exposent des populations déjà fragilisées, le Togo s’engage dans une transformation profonde de sa politique de protection sociale. À la mi-décembre 2025, le gouvernement a officiellement lancé un programme national de transferts monétaires pour les ménages vulnérables, visant à apporter un soutien direct à près de 700 000 personnes sur tout le territoire.

Lancé initialement à Lomé, ce mécanisme vient d’entrer dans sa phase de déploiement régional, avec des opérations déjà en cours dans les régions des Savanes, de la Kara, de la Centrale et de la Maritime, conformément à une stratégie nationale ambitieuse d’inclusion sociale et de résilience économique.

Ce projet repose sur un diagnostic réaliste : malgré des progrès économiques récents, une proportion significative de la population togolaise demeure exposée à la pauvreté monétaire et aux risques d’exclusion. Le programme de transferts monétaires, en s’inscrivant dans la Composante 1 du Programme national de protection sociale (PNPS), vise à fournir un filet de sécurité immédiat aux familles les plus vulnérables tout en créant des effets positifs sur les économies locales.

Les populations ciblées ont été identifiées grâce à une méthodologie rigoureuse de ciblage basée sur les données du recensement national réalisé par l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques et Démographiques (INSEED), puis vérifiées sur le terrain par l’Agence Nationale d’Appui au Développement à la Base (ANADEB).

Un filet social solide face aux défis économiques

Dans la région des Savanes, plus de 150 000 bénéficiaires directs ont déjà été recensés pour recevoir les transferts de 25 000 FCFA par ménage, un montant versé via les plateformes de mobile money opérées par des prestataires tels que Yas et Moov Togo. Ce mécanisme innovant d’inclusion financière numérique s’inspire des meilleures pratiques internationales pour garantir un accès sécurisé et traçable aux fonds, une nécessité dans les économies où les services bancaires traditionnels restent limités.

Dans les autres régions, la dynamique est similaire : la région de la Kara compte quelque 19 480 ménages bénéficiaires, et la région Centrale a identifié 13 615 ménages pour cette première phase, tandis que plus de 21 000 personnes ont déjà été recensées dans la région Maritime.

Les montants transférés peuvent sembler modestes au regard des défis économiques, mais ils représentent un apport immédiat significatif au pouvoir d’achat des ménages vulnérables, permettant de couvrir des besoins essentiels tels que l’alimentation, l’éducation ou les soins de santé.

Historiquement, le Togo avait déjà mis en place des dispositifs de transferts monétaires, mobilisant plus d’1,1 milliard de FCFA au profit de près de 143 000 personnes entre août 2024 et août 2025. Le programme actuel constitue donc une échelle inédite de protection sociale, tant par son ambition que par sa portée nationale.

Partenariats internationaux et innovations de mise en œuvre

L’un des traits marquants de ce programme est son soutien par des partenaires techniques et financiers internationaux. Des institutions majeures telles que la Banque mondiale, le système des Nations unies, l’Agence Française de Développement (AFD) et la Banque Africaine de Développement (BAD) ont apporté leur appui à l’initiative, tant sur le plan financier que méthodologique.

Ce partenariat international s’inscrit dans une stratégie plus large de transformation des systèmes de protection sociale au Togo. En juin 2023, la Banque mondiale avait approuvé un financement de 100 millions de dollars pour soutenir le Togo Social Assistance Transformation for Resilience Program (ASTRE), un programme plus vaste destiné à étendre les transferts monétaires à tous les ménages extrêmement pauvres et renforcer les systèmes d’information et de paiement social grâce à des plateformes numériques. L’objectif affiché est de sortir 1,24 million de personnes de l’extrême pauvreté d’ici 2029, en mettant l’accent sur l’inclusion des femmes et la résilience économique.

Le recours au mobile money, via des opérateurs locaux, pour les versements s’inscrit dans une tendance mondiale d’utilisation de solutions numériques pour les transferts sociaux, similaires à ce qu’ont montré des programmes de filets sociaux au niveau international, où des plateformes numériques ont permis d’accélérer les paiements et d’améliorer la transparence.

Défis, ciblage et perspectives

Le succès de ce programme repose en grande partie sur la qualité du ciblage et la capacité à atteindre les populations réellement vulnérables. L’approche utilisée par l’INSEED et l’ANADEB repose sur des critères de pauvreté monétaire et non monétaire, ce qui permet d’identifier les ménages qui ont le plus besoin d’un soutien immédiat.

Cependant, des débats émergent dans le paysage médiatique local quant à la transparence de la gestion et à la capacité des institutions à assurer une mise en œuvre efficace sur l’ensemble du territoire, compte tenu notamment des défis logistiques et des réserves antérieures sur des programmes similaires. Sur ce point, la rigueur des processus de suivi et la modernisation des paiements numériques seront déterminantes pour assurer la crédibilité du programme.

Pourquoi est-ce important ?

L’extension nationale du programme de transferts monétaires au Togo est une réponse économique et sociale stratégique à une conjoncture marquée par une hausse du coût de la vie, une précarité persistante et des vulnérabilités structurelles. En fournissant un appui direct à près de 700 000 personnes, le dispositif vise non seulement à atténuer les effets immédiats des chocs économiques, mais aussi à stimuler la demande intérieure et à soutenir l’activité économique locale, notamment dans les zones rurales et défavorisées.

Sur le plan régional, ce type de filet social s’inscrit dans une dynamique observée dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest cherchant à renforcer leurs systèmes de protection sociale face à des défis communs tels que l’insécurité alimentaire, la pauvreté et l’impact des changements économiques mondiaux. L’intégration de technologies numériques pour les paiements et le ciblage, combinée au soutien de partenaires internationaux, illustre une montée en puissance des politiques sociales innovantes sur le continent.

Enfin, en favorisant la résilience des ménages et l’inclusion financière, le programme contribue potentiellement à réduire les inégalités sociales, renforcer la cohésion nationale et préparer le terrain à des stratégies économiques plus larges, telles que l’intégration régionale et la création d’emplois durables, des objectifs essentiels pour le Togo et ses voisins ouest-africains.

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