Togo : la digitalisation du commerce transfrontalier et le port de Lomé catalysent l’essor économique
Les points clés :
Le Togo a engagé d’importantes réformes, certificat d’origine numérique, dédouanement en ligne via Sydonia World et guichet unique, pour fluidifier le commerce transfrontalier.
Le Lomé Container Terminal (LCT) a bouclé en 2025 des travaux de dragage qui lui permettent d’accueillir les plus gros porte-conteneurs, renforçant le rôle du port de Lomé comme hub logistique régional.
Avec 30,6 millions de tonnes manutentionnées en 2024 et un trafic conteneurs en hausse, le port confirme son statut de plateforme stratégique pour l’Afrique de l’Ouest.
Le Togo, souvent qualifié de “porte de la sous-région”, est en pleine métamorphose de son appareil commercial transfrontalier. Depuis 2019, le pays a entrepris une réforme profonde de ses procédures d’import-export. La délivrance du certificat d’origine, auparavant longue et parfois fastidieuse, a été intégrée à une démarche entièrement numérique via sa chambre de commerce et d’industrie, réduisant le délai moyen de traitement de 48 heures à moins de 5 heures.
Parallèlement, l’adoption de la plateforme Sydonia World pour les déclarations douanières a rendu obsolète l’envoi physique des documents : commissionnaires, exportateurs et importateurs peuvent désormais télétransmettre leurs dossiers. Le rapprochement entre le guichet unique du commerce extérieur et la douane a permis de consolider une chaîne électronique harmonisée, intégrant la génération des documents, la facturation et le paiement via les banques partenaires.
Ces changements n’ont pas été purement administratifs. Ils ont eu un effet tangible sur la fluidité des échanges. Le dépôt de manifeste avant l’arrivée des navires, la réduction des délais au scanner du terminal, l’opération 24h/24 du terminal à conteneurs : tous ces éléments convergent pour diminuer les coûts, sécuriser les flux et rassurer les opérateurs, ce qui renforce l’attractivité du Togo pour des échanges entre l’Afrique de l’Ouest, du Centre, et le reste du monde.
Port de Lomé : un hub modernisé, prêt pour la compétition
Le coeur de ce renouveau logistique est le port de Lomé, et plus précisément le Lomé Container Terminal (LCT). Au cours de l’année 2025, LCT a mené des travaux de dragage majeurs. Le chenal d’accès a été approfondi à 18,60 m et le bassin d’évitage élargi, permettant désormais d’accueillir des navires de 24 000 conteneurs (TEU), ce qui le place dans la catégorie des “mega-ships”.
Ce chantier, évalué à 7,5 millions d’euros (soit environ 4,9 milliards FCFA), s’inscrit dans un plan global d’investissement de 120 millions d’euros, destiné à porter la capacité annuelle du terminal à 2,5 millions de TEU d’ici 2027.
Ces upgrades techniques s’accompagnent d’un renforcement des services portuaires. Depuis fin 2024, le port de Lomé a déployé une plateforme digitale pour dématérialiser toutes les formalités d’enlèvement et de suivi des marchandises, ce qui a permis d’accélérer les procédures et d’améliorer la traçabilité des cargos.
Résultats concrets : croissance du trafic, transbordement, position internationale
Les efforts déployés portent leurs fruits. En 2024, le port de Lomé a manutentionné 30,6 millions de tonnes de marchandises, soit une hausse de 1,85 % par rapport à 2023. Le segment de transbordement se distingue particulièrement : il a cru de 7,11 %, atteignant 20,23 millions de tonnes.
Sur le plan conteneurs, le trafic a progressé de 5,19 %, pour atteindre 2,0 millions de TEU, consolidant la place de Lomé parmi les ports les plus dynamiques d’Afrique.
Cette performance a été saluée au niveau international : selon le classement 2025 de Lloyd’s List, le port de Lomé se hisse à la 92ᵉ place mondiale, la seule plateforme subsaharienne présente dans le top 100.
Enjeux et défis persistants : au-delà des infrastructures
Ces résultats témoignent d’un Togo qui entend jouer un rôle central dans le commerce ouest-africain. Mais les défis ne sont pas levés pour autant. L’un des enjeux majeurs reste la coordination régionale des politiques douanières et logistiques : l’interconnexion avec les systèmes douaniers des pays voisins est en cours, depuis mars 2025, via une phase pilote avec le Mali et le corridor Lomé–Bamako.
Garantir la fluidité des corridors régionaux, la compatibilité des systèmes, et la sécurité des opérations reste clé pour pérenniser les gains. À cela s’ajoutent les enjeux liés à la concurrence régionale : d’autres ports d’Afrique de l’Ouest (Abidjan, Tema, Lagos…) modernisent aussi leurs infrastructures. Le Togo devra maintenir son rythme d’investissement et d’innovation pour conserver son avantage.
Par ailleurs, la digitalisation et la dématérialisation exigent des opérateurs un niveau minimal d’expertise, d’accès à l’internet et à des systèmes bancaires fiables, ce qui nécessite un effort continu de formation, d’inclusion financière et de stabilité réglementaire.
Pourquoi est-ce important ?
L’essor du commerce transfrontalier togolais et la montée en puissance du port de Lomé ne se résument pas à des succès ponctuels : ils constituent la pierre angulaire d’un projet régional plus vaste, celui d’un Togo comme hub logistique sous-régional et moteur de l’intégration économique ouest-africaine.
Pour le continent, cela signifie une logistique plus efficace, des coûts réduits pour les importateurs et exportateurs, une meilleure compétitivité des entreprises locales, et un renforcement des corridors commerciaux entre pays côtiers et États enclavés.
Cette transformation favorise aussi l’industrialisation, l’essor des PME, l’attractivité des investissements internationaux et la création d’emplois, notamment dans la logistique, l’entreposage, le transport et les services associés.
Enfin, dans un contexte mondial de chaîne d’approvisionnement fragile, l’émergence de hubs comme Lomé peut offrir une porte de sortie stratégique aux économies ouest-africaines, moins dépendantes des grandes puissances, plus intégrées entre elles, et mieux positionnées pour capter la valeur ajoutée locale.
Le Togo, en modernisant son commerce transfrontalier, ne se contente pas de simplifier des procédures : il pose les fondations d’une logistique africaine souveraine, compétitive et tournée vers l’avenir.