Investir, pas exhiber : l’appel cinglant de Aliko Dangote pour une Afrique industrielle et souveraine


Les points clés :

  • Aliko Dangote exhorte les élites africaines à abandonner les achats de luxe pour investir dans l’industrie locale.

  • Il présente son gigantesque projet de raffinerie comme la preuve qu’un continent peut produire pour lui-même, et non se contenter d’exporter des matières premières.

  • Dangote affirme que sans investissements nationaux forts, l’Afrique ne pourra attirer durablement des capitaux étrangers et continuer à dépendre des importations.


Depuis le podium du sommet économique d’État à Imo, au Nigeria, en décembre 2025, le magnat de l’industrie africaine n’a pas mâché ses mots. Loin des discours consensuels, Dangote Group, à travers son président, a lancé un appel direct aux élites du continent : plutôt que de parader en Rolls-Royce ou en jet privé, investissez dans des projets industriels capables de transformer nos économies. « Si vous avez l’argent pour un jet privé, investissez plutôt dans une usine », a-t-il martelé.

Ce message résonne comme un défi lancé à l’“élite consumériste” d’Afrique, un appel à bâtir plutôt qu’à exhiber. Dangote insiste sur l’idée que le développement véritable ne vient pas de la consommation ostentatoire, mais de la production, de la transformation, de la valeur ajoutée locale. « L’Afrique ne peut pas se développer si nous continuons à importer la pauvreté et exporter des emplois », a-t-il déclaré, reprenant le fil d’une pensée qu’il avait déjà présentée en juillet 2025 à des PDG africains : « Only Africans will develop Africa ».

Une stratégie industrielle au cœur des ambitions

La stratégie de Dangote n’est pas seulement rhétorique : elle s’inscrit dans des projets concrets, de grande envergure. Son usine phare, la Dangote Petroleum Refinery à Ibeju-Lekki (Lagos), incarne cette ambition. Inaugurée en 2024 avec une capacité initiale de 650 000 barils par jour, la raffinerie a déjà commencé à produire localement du carburant, marquant, selon Dangote, la fin des files d’attente pour l’achat d’essence qui marquaient l’histoire récente du pétrole au Nigeria.

Mais ce n’est qu’une étape. Le projet d’expansion prévoit de porter la capacité de raffinage à 1,4 million de barils par jour d’ici 2028, ce qui en ferait la plus grande raffinerie “single-site” au monde, dépassant même les géants du secteur. Cette montée en puissance s’accompagne d’efforts dans d’autres segments industriels : la production d’engrais, la pétrochimie, la transformation locale des ressources, afin de rompre la dépendance aux importations et d’exploiter les matières premières africaines sur place.

Dangote n’en fait pas une affaire uniquement nigériane. Pour lui, le Nigeria et l’Afrique doivent s’imposer comme pôle industriel continental. Il rappelle que le continent dispose d’environ 30 % des ressources minérales mondiales, une richesse que l’on gaspille trop souvent en exportations de matières premières sans transformation locale.

Pourquoi est-ce important ?

L’annonce de Dangote n’est pas un simple appel moral : elle met le doigt sur un verrou structurel du développement africain. Depuis des décennies, de nombreux pays du continent exportent leurs ressources naturelles, mais importent les produits finis, ce qui creuse un déséquilibre, détruit des emplois locaux, et maintient une dépendance néfaste. La vision de Dangote propose un véritable changement de paradigme : produire localement, ajouter de la valeur, créer des industries, des emplois, des compétences.

Sa réforme du secteur pétrolier par la raffinerie de Lekki est exemplaire : là où les raffineries d’État avaient échoué, Dangote a démontré qu’il était possible, avec de la volonté, de bâtir une infrastructure stratégique, produire localement, stabiliser l’offre et réduire la dépendance aux importations. Dans des pays comme le Nigeria, mais aussi dans d’autres États africains, ce modèle peut servir de tremplin vers l’industrialisation, la création d’emplois, la souveraineté énergétique et économique.

Mais surtout, son appel interpelle l’élite économique et entrepreneuriale du continent. Dans un contexte où une partie de cette élite préfère luxe ostentatoire et placements à l’étranger, Dangote propose une alternative : investir dans l’avenir, dans la production, dans la construction d’un tissu industriel africain. C’est un appel à la responsabilité collective, non seulement pour le bien de chaque investisseur, mais pour le bien de l’Afrique tout entière.

Dans un moment historique où le continent cherche à diversifier ses économies, à créer des emplois, à améliorer la sécurité énergétique et alimentaire, ce discours résonne comme un cri d’espoir. Car si l’Afrique ne bâtit pas ses propres industries, c’est elle qui restera à la merci des marchés étrangers, avec les vulnérabilités que cela implique.

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