Raffinerie Dangote : 650 000 b/j bouleverse les exportations européennes vers l’Afrique de l’Ouest
Les points clés :
La raffinerie Dangote au Nigeria, d'une capacité de 650 000 barils par jour, réduit drastiquement les importations de carburant depuis l’Europe vers l’Afrique de l’Ouest depuis septembre 2024.
Entre janvier et juillet 2025, les exportations européennes vers la région ont chuté d’un tiers à 285 000 b/j, tandis que Dangote a réceptionné 595 000 b/j en juillet, traduisant une montée en puissance rapide.
Cette dynamique provoque un excédent en Europe et fragilise les raffineries anciennes, à faible complexité, menaçant durablement leur modèle économique.
Depuis son entrée en production de carburant en septembre 2024, la raffinerie géante de Dangote, située à Lagos, a profondément transformé les échanges pétroliers entre l’Afrique de l’Ouest et l’Europe. Dotée d’une capacité record de 650 000 barils par jour, elle devient un acteur incontournable et modifie les flux commerciaux historiquement dominés par les raffineurs européens.
Les données observées entre janvier et juillet 2025 confirment ce basculement : les exportations d’essence depuis l’Europe vers l’Afrique de l’Ouest ont fondu à 285 000 b/j, soit une réduction d’un tiers par rapport à l’année précédente. En parallèle, Dangote a absorbé 595 000 b/j de brut en juillet, mettant en lumière sa montée en puissance vers une opération à pleine capacité.
Conséquence directe pour les raffineries européennes : un marché ouest-africain réduit de moitié. Le Nigeria, auparavant client pour un cinquième des volumes européens, n’en absorbe désormais plus qu’un dixième. Cette contraction s’accompagne d’un gonflement des stocks (+9 % à Rotterdam) et d’une chute des marges de raffinage, particulièrement pour les installations orientées essence.
Le cas dramatique de la raffinerie Lindsey au Royaume-Uni, mise en liquidation en juillet 2025, illustre ce choc. Avec une capacité de 50 000 b/j désormais sans débouché viable, elle incarne les dangers de la dépendance à un marché en rapide contraction. Selon les analystes, au moins 600 000 b/j de capacité de raffinage en Europe pourraient devoir être fermés ou convertis, faute d’ajustements industriels significatifs.
Les raffineries les plus vulnérables restent les sites anciens, peu complexes, incapables de produire des carburants conformes aux normes émergentes. Or, le Nigeria devient un débouché historique mais désormais instable. Selon un expert cité par Oxford Energy, la perte de ce marché stable représente un choc structurel, et sans adaptation rapide des modèles de production, de nombreuses usines européennes risquent la faillite.
De son côté, Dangote renforce sa position stratégique : en raffinant localement, il réduit la facture importée du Nigeria tout en sécurisant ses approvisionnements dans une région marquée par la volatilité. Sa capacité à traiter différents types de brut et à produire essence, diesel, kérosène ou carburant d’aviation fait du complexe un nœud décisionnel dans la réorganisation énergétique de l’Atlantique Sud.
Sur le plan des marchés alternatifs, l’Europe tente de rediriger ses volumes vers l’Amérique latine ou l’Asie, mais la concurrence y est déjà féroce. Face à cette pression, des voix appellent à une réduction coordonnée de la production de carburants sur le continent européen. Comme l’avertit un consultant spécialisé dans le raffinage, ce n’est plus un bouleversement temporaire : Dangote a changé les règles du jeu, et l’Europe doit se réinventer ou perdre du terrain.
Pourquoi est-ce important ?
La montée fulgurante de la raffinerie Dangote symbolise la transition de l’Afrique, non plus simple consommateur, mais producteur et exportateur stratégique. Cette dynamique redistribue les cartes du raffinage sur l’Atlantique, offre une meilleure sécurité énergétique à la région ouest-africaine, et pousse les marchés mondiaux à se réadapter.
Pour l’Afrique, l’impact est multiple : réduction des coûts d’importation, création d’une industrie raffinée locale, et bouclage partiel de la facture en devises. Pour l'Europe, elle invite à repenser la stratégie industrielle, notamment en accélérant la transition vers de nouveaux modèles, moins axés sur l’essence, plus flexibles et intégrant les enjeux climatiques.
Ce moment est aussi un appel à l’ambition pour d’autres pays africains. La vision de Dangote incite à imaginer des projets industriels à grande échelle, capables de transformer les dynamiques régionales et d’insuffler une souveraineté énergétique durable pour toute la région.