580 milliards $ perdus chaque année : la fuite des capitaux mine l’Afrique, alerte la BAD
La situation se complique par une aggravation du service de la dette (Crédit image : Radio Now)
Les points clés :
L’Afrique subit chaque année une fuite de capitaux de plus de 580 milliards $, issue de corruption, transferts de bénéfices de multinationales et flux financiers illicites, selon la BAD.
Les pertes se répartissent entre 90 milliards $ de transferts illicites, 275 milliards $ de profits détournés, et 148 milliards $ de corruption.
Cette hémorragie met en péril le financement des infrastructures (manque estimé à 170 milliards $) et alourdit la dette, fragilisant les dépenses sociales.
L’Afrique fait face à un véritable exode financier : plus de 580 milliards $ quittent chaque année le continent, entravant son développement et exacerbant ses vulnérabilités économiques. Cette révélation de la Banque africaine de développement (BAD), relayée jeudi par Bloomberg, met en lumière un fléau persistant et systémique.
Selon le président de la BAD, Akinwumi Adesina, cette hémorragie financière est comparable à un seau qu’on remplit sans jamais pouvoir le garder, à cause des fuites constantes. Pour lui, seule une lutte résolue contre la corruption et les transferts illicites permettra de retenir les ressources nécessaires à l’émergence des infrastructures africaines.
En chiffrant ces pertes, la BAD révèle que l'Afrique perdrait chaque jour l’équivalent de 1,6 milliard $, dont 90 milliards à cause des flux financiers illicites (blanchiment, contrefaçons, évasion fiscale), 275 milliards à cause du transfert de bénéfices des multinationales, et 148 milliards à cause de la corruption interne.
Ces sorties de capitaux interviennent alors que le continent doit combler un déficit de financement des infrastructures estimé entre 170 et 200 milliards $ par an pour soutenir sa croissance et créer des emplois pour une jeunesse en pleine expansion.
Pire encore, la situation se complique par une aggravation du service de la dette. Une étude conjointe du Global Development Policy Center (University of Boston) et de l’Institute for Economic Justice indique que plus de la moitié des États africains consacrent désormais plus de ressources aux intérêts de la dette qu'à la santé publique — une donnée inquiétante pour la stabilité sociale.
La BAD souligne en particulier le cas du Nigeria, où jusqu’à 75 % des recettes publiques pourraient être absorbées par les seules charges d’intérêts cette année, mettant à rude épreuve les budgets nationaux.
Pourquoi est-ce important ?
Ces fuites massives de capitaux constituent une véritable saignée pour le continent africain, détournant des milliards de dollars qui pourraient autrement servir à bâtir des infrastructures, à moderniser les services sanitaires, à éduquer la jeunesse et à créer des emplois décents.
Retourner cette dynamique est bien plus que symbolique : c'est une réponse stratégique à la crise de financement persistante et à la montée de l’endettement. Avec des marges de manœuvre budgétaires réduites, les États africains deviennent prisonniers d’un cercle vicieux où l’argent manque pour investir dans l’avenir.
La BAD l’affirme clairement : les prêts concessionnels ou les restructurations de dette sont utiles, mais le vrai enjeu est d’arrêter l’hémorragie interne. Atteindre une fiscalité juste, renforcer les institutions de transparence, lutter contre l’évasion fiscale et les pratiques des multinationales est indispensable pour bâtir un avenir plus stable et plus souverain économiquement.
Dans cette perspective, plusieurs efforts en cours s’avèrent décisifs :
L’Alliance pour la transparence fiscale (jusqu’à SDG 16) propose des cadres pour limiter l'évasion fiscale et les flux illicites
La création d’institutions comme le Public Finance Management Academy (PFMA) par la BAD favorise la formation en gestion des finances publiques et en lutte contre la corruption.
La presse et la diaspora continuent d’exposer les mécanismes opaques, comme l’a fait l’enquête des Panama Papers sur les avoirs offshore de dirigeants africains
Le passage au développement durable ne se fera pas sans une révolution de la gouvernance fiscale et économique. Et la première bataille se joue dans la capacité à garder l’argent du continent chez lui, pour investir, transformer, créer.
’En finir avec la fuite des ressources, c’est redonner à l’Afrique les moyens de son développement.