Pipeline Nigeria–Guinée équatoriale : vers une interconnexion gazière stratégique en 2025
Ce pipeline est plus qu’un simple chantier
Les points clés :
Le Nigeria et la Guinée équatoriale avancent vers la mise en œuvre d’un gazoduc transfrontalier, officialisé en août 2024.
Un accord majeur de juin 2025 formalise la feuille de route du projet, prévoyant notamment la création de comités mixtes de pilotage.
Ce projet catalyseur s’inscrit dans une dynamique régionale d’intégration énergétique, visant industrialisation, sécurité et transition énergétique.
L’Afrique de l’Ouest et du Centre se tourne résolument vers une intégration énergétique ambitieuse, portée par la concrétisation prochaine du projet de gazoduc entre le Nigeria et la Guinée équatoriale. Annoncé en août 2024 lors de la rencontre à Malabo des présidents Tinubu et Obiang Nguema, l’accord cadre fixe les bases légales et réglementaires pour construire et exploiter cette infrastructure, destinée à acheminer le gaz nigérian vers les complexes de liquéfaction et d’exportation de Punta Europa sur l’île de Bioko.
Ce pipeline est plus qu’un simple chantier : il s’inscrit dans une logique régionale d’intégration et de valorisation des ressources gazières, s'alignant sur des initiatives comme le projet CAPS (Central Africa Pipeline System), et est identifié comme un jalon du renforcement des alliances énergétiques africaines. L’infrastructure permettra d’alimenter le terminal EG LNG de Punta Europa, spécialisé dans le GNL, le méthanol et le GPL, renforçant significativement les capacités d’exportation raffinée de la sous-région.
Le 18 juin 2025 constitue un pas déterminant dans l’avancement concret du projet. Le ministre nigérian d’État au pétrole (gaz), Ekperikpe Ekpo, a signé un communiqué conjoint avec son homologue équato-guinéen, Antonio Oburu Ondo, lançant formellement la feuille de route de mise en œuvre du traité GOGGP (Gulf of Guinea Gas Pipeline). Cette feuille de route prévoit la création d’un Comité directeur ainsi qu’un Sous-comité sur l’approvisionnement en gaz, composés de représentants des deux États et du développeur, Gas Invest Limited/Amitee Global. Elle inclut aussi la ratification des documents auprès des Nations unies et la mise en place de comités interinstitutions, assurant ainsi une gouvernance transparente.
Ce projet revêt une symbolique forte : pour Ekpo, il est « plus qu’un traité, c’est une vision économique partagée entre deux nations amies », une obligation nationale porteuse pour les générations à venir. Il répond aussi aux besoins conjoints des deux pays. Le Nigeria, premier détenteur africain de réserves prouvées de gaz (estimées à plus de 210 trillions de pieds cubes), cherche à monétiser ses gisements sous-exploités, réduire le torchage, développer l’usage domestique du GPL/GNC et renforcer son positionnement sur les marchés mondiaux. De son côté, la Guinée équatoriale vise à diversifier l’approvisionnement de son complexe de liquéfaction, désormais vulnérable au déclin de certains champs comme Alba, et à rebâtir sa souveraineté énergétique.
L’ancrage politique régional renforce également la dimension stratégique du projet. Il est soutenu par des instances comme la CEDEAO, dans le cadre d’efforts plus vastes d’intégration énergétique, comme le projet de gazoduc transsaharien vers l’Europe ou le projet AAGP (African Atlantic Gas Pipeline), socle de la résilience énergétique régionale.
Pourquoi est-ce important ?
Ce projet de gazoduc Nigeria–Guinée équatoriale représente un tournant majeur pour l’économie ouest et centre-africaine. Il incarne une forme d’interdépendance énergétique positive, fondée sur la complémentarité stratégique : le Nigeria apporte ses ressources gazières considérables, la Guinée équatoriale ses capacités d’exportation de GNL. Ensemble, ils structurent une chaîne de valeur régionale, créatrice de valeur, de stabilité et de croissance.
Sur le plan économique, cette infrastructure ouvre la voie à la création d’emplois dans la construction, la logistisque, l’exploitation énergétique et la maintenance. Elle pourrait également stimuler la montée en puissance des industries locales, grâce à l’accès à une énergie fiable et compétitive.
Sur le plan politique, l’accord renforce les architectures institutionnelles régionales, encourage la transparence et instaure des mécanismes de gouvernance robustes. Il dessine un modèle d’intégration énergétique volontaire et structuré, susceptible d’inspirer d’autres projets continentaux.
Plus globalement, ce gazoduc soutient la transition énergétique en Afrique, permettant au gaz naturel de jouer son rôle de carburant de transition. Il contribue à réduire le torchage, à favoriser une consommation plus propre comparée au pétrole, et à soutenir les ambitions de décarbonation à long terme.
Enfin, en consolidant le rôle du continent comme fournisseur mondial fiable de gaz, il participe à diversifier les sources d’approvisionnement des marchés internationaux, tout en renforçant le poids stratégique de l’Afrique sur la scène énergétique globale.