Comment la Côte d’Ivoire a obtenu un compact énergétique américain malgré la politique de coupes de Donald Trump


Les points clés :

  • Côte d’Ivoire signe un compact régional énergie de 322,5 millions de dollars pour moderniser son réseau, connecter 1,8 million de foyers sans électricité, et devenir hub énergétique sous-régional.

  • Ce programme engagé jusqu’en 2031 vise à réduire les coûts de l’électricité, stimuler le secteur privé et accroître la fiabilité des services en zone urbaine et rurale.

  • L’accord s’inscrit dans la continuité des performances de la Côte d’Ivoire : taux de desserte passé de ~38 % (2017) à ~71 % en 2024, capacité de production renforcée à plus de 3 000 MW.


Lorsque le Millennium Challenge Corporation (MCC) et le gouvernement ivoirien se mettent d’accord pour un nouveau compact régional énergie, ce n’est pas simplement un document diplomatique : c’est un levier palpable vers une transformation énergétique profonde. Approuvé par le conseil d’administration du MCC le 18 septembre 2024, ce compact vise à moderniser le réseau électrique ivoirien, soutenir les échanges régionaux d’électricité via le West African Power Pool (WAPP), et connecter environ 1,8 million de ménages actuellement non raccordés.

Le budget constitué est de 300 millions de dollars financés par le MCC, auxquels s’ajoutent 22,5 millions de dollars de contribution de l’État ivoirien. Au total, l’enveloppe de préparation du projet, études, gouvernance, formulation, a été renforcée à 4,4 millions de dollars via un amendement au Compact Development Fund, contre 0,75 million initialement.

Objectifs et livrables : ce que cette transformation signifie concrètement

Le programme s’appuie sur trois grands axes d’intervention. Le premier renforcera le marché régional de l’électricité en collaboration avec les acteurs du WAPP, favorisant la création d’un marché de l’électricité dit day-ahead, où la tarification jouera un rôle de signal économique pour mieux équilibrer l’offre et la demande.

Le deuxième axe est la modernisation du réseau électrique national : stabilisation du réseau, amélioration de la fiabilité, réduction des pertes techniques, extension de l’infrastructure pour atteindre les zones sous-servies. Cela implique aussi le raccordement massif de ménages ruraux et périurbains.

Le troisième volet porte sur la gouvernance et la viabilité financière du secteur de l’énergie : renforcement des capacités institutionnelles, cadres réglementaires, transparence des coûts, et amélioration de la gestion des services publics d’électricité.

Le contexte ivoirien : performances, défis et opportunités

La Côte d’Ivoire n’arrive pas sur la scène vierge. Son taux d’électrification est passé de ~38 % en 2017 à ~71 % en 2024, notamment grâce à des programmes d’électrification rurale, extension du réseau et raccordement des ménages. Sa capacité installée en 2024 s’établissait à environ 3 019 MW, ce qui en fait le troisième système électrique de la sous-région Ouest-africaine. Le gouvernement vise un mix énergétique comportant une part importante d’énergies renouvelables et une montée en capacité à plus de 5 000 MW à l’horizon 2030.

Cependant, plusieurs défis persistent : le coût de production du kilowatt-heure reste élevé, l’intermittence des renouvelables exige une meilleure infrastructure de stockage ou de remplacement, et l’accès dans les zones reculées reste très inégal. Le financement est aussi un enjeu de taille, tout comme la maintenance des réseaux existants et la fiabilité du réseau électrique (coupures, faiblesse de la densité du réseau).

Impacts attendus : bénéfices pour les ménages, les entreprises et la région

Pour des millions d’Ivoiriens, ce nouveau pacte signifie la fin de l’ombre des coupures fréquentes, une lumière stable pour les foyers, les écoles et les établissements de santé, et une réduction des coûts liés à l’utilisation de générateurs. Pour les entreprises, cela représente un accroissement de compétitivité : coût énergétique plus prévisible, meilleure productivité, moins de risque lié aux arrêts de production.

En zone rurale, les bons raccordements veulent dire études le soir, commerces ouverts, petits métiers plus viables, réduction des migrations internes forcées par le manque d’électricité. Au plan régional, en tant que hub énergétique, la Côte d’Ivoire pourrait exporter vers les pays voisins moins bien desservis, participer à la stabilité énergétique de la CEDEAO, à la résilience face aux chocs climatiques ou économiques (hausse des prix du carburant, etc.).

Pourquoi est-ce important ?

Parce que l’électricité est le socle invisible de tout développement : santé, éducation, industrie, sécurité alimentaire. Un pays même riche en ressources peut rester handicapé si ses populations restent dans l’obscurité. Ce pacte avec le MCC place la Côte d’Ivoire dans une trajectoire de transformation où l’accès à l’énergie devient un droit tangible, pas seulement un projet.

L’initiative cadre parfaitement avec les grands objectifs régionaux : le renforcement du West African Power Pool, la réduction des coûts de l’énergie dans une sous-région dont beaucoup de pays subissent des déficits, et l’intégration énergétique qui favorise le commerce, l’investissement, et la cohésion sous-régionale.

En outre, dans un contexte global de réductions des aides ou de désengagements politiques, ces partenariats structurants (Compact régional énergie) montrent que la Côte d’Ivoire mise sur la durabilité, la solidité institutionnelle et la capacité du privé à faire partie de la solution. Ce n’est plus seulement de l’assistance, c’est de l’investissement avec effets économiques durables.

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