Inflation dans l’UEMOA : la zone replonge à -0,9 % en juillet, entre soulagement pour les ménages et défis pour les États


Les points clés :

  • L’inflation annuelle dans l’UEMOA est tombée à -0,9 % en juillet 2025, après -0,2 % en juin, en grande partie grâce à la forte baisse des prix alimentaires.

  • Cinq des huit pays de la zone affichent des taux négatifs : Niger (≈ −9,1 %), Guinée-Bissau, Burkina Faso, Togo et Côte d’Ivoire.

  • L’inflation sous-jacente demeure modérée, autour de 0,6 %, reflétant que les composantes volatiles (alimentation, énergie) restent les principaux moteurs de la variation globale.


En juillet 2025, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a vu son taux d’inflation annuel plonger à −0,9 %, après un léger repli à −0,2 % en juin. Bien que ce chiffre soit encore à confirmer via les publications officielles de la BCEAO, il traduit une dynamique claire de baisse des prix, principalement entraînée par les produits alimentaires. Selon les données reportées dans les bulletins économiques régionaux, les prix des denrées alimentaires contribuent pour environ −0,8 point de pourcentage à la variation globale et les services comme l’hôtellerie et la restauration suivent un mouvement similaire, bien que moins marqué. Cette configuration marque une deuxième incursion de la zone en territoire de déflation cette année.

Les pays dont les prix chutent le plus fortement sont le Niger (≈ −9,1 %), qui subit des effets cumulés de sécheresse, de hausses antérieures du coût des intrants et d’approvisionnement, suivi de la Guinée-Bissau (≈ −1,9 %), puis du Burkina Faso et du Togo (≈ −1,1 % chacun), enfin de la Côte d’Ivoire autour de −0,8 %. Ces résultats contrastés soulignent que, malgré une tendance commune à la baisse des prix alimentaires, les dynamiques locales, climatiques, monétaires ou logistiques, jouent un rôle déterminant.

L’inflation sous-jacente, qui exclut les aliments frais et l’énergie, reste stable et positive, à environ 0,6 % en juillet, contre 0,7 % en juin, ce qui laisse entendre que hors chocs externes ou volatils, la hausse des prix n’est pas généralisée. Cela suggère une maîtrise relative des pressions inflationnistes internes (loyers, services usuels, etc.), mais aussi un contexte de demande intérieure affaiblie.

Les causes principales : surproduction, faiblesse de la demande, et effets externes

Plusieurs facteurs concourent à ce recul des prix dans l’UEMOA. D’abord, la détente sur les cours internationaux des denrées alimentaires importées, conjuguée à de meilleures récoltes dans certaines zones, a permis d’augmenter l’offre locale ou de réduire les prix des importations. Par ailleurs, les mesures prises par plusieurs États pour alléger les droits ou subventionner certains produits de première nécessité semblent avoir eu un impact visible sur les marchés.

La faiblesse de la demande intérieure est un deuxième vecteur : dans les zones urbaines et périurbaines, la perte de pouvoir d’achat ou l’incertitude économique freinent les achats dispendieux, et pour les produits alimentaires, les consommateurs arbitrent davantage vers les produits moins chers ou vers les marchés informels.

Ensuite, la politique monétaire de la BCEAO, qui maintient une certaine stabilité, et les pressions sur les coûts du transport ou du stockage, qui peuvent flamber moins rapidement, contribuent à limiter la hausse générale. Pour les services, la baisse est moins forte que pour l’alimentation, ce qui indique que ce sont bien les produits alimentaires volatils qui tirent la variation globale.

Les risques associés et défis pour les États

Si une inflation négative paraît favorable aux consommateurs à court terme, elle emporte aussi des risques pour les finances publiques et pour la stabilité macroéconomique. Les recettes fiscales tirées de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou autres taxes sur les produits de consommation peuvent se tarir quand les prix reculent, ce qui complique le financement des services publics, notamment santé, éducation ou infrastructures.

De plus, la déflation peut conduire à un piège de la demande : si les consommateurs anticipent une baisse continue des prix, ils reportent leurs achats, ce qui peut générer un ralentissement économique plus profond. L’investissement des PME peut être freiné par la faiblesse des marges si les coûts ne baissent pas autant que les prix de vente.

Les États devront arbitrer : stimuler la demande par des politiques publiques (subventions ciblées, transferts monétaires, projets d’investissement) sans pour autant risquer un déséquilibre budgétaire ou une inflation importée due à la faiblesse des devises.

Comparaison historique et perspectives à court terme

Historiquement, la zone UEMOA a déjà connu des périodes de faible inflation ou de légère déflation, notamment lors de chocs alimentaires ou de baisse des prix des matières premières. Toutefois, un taux de −0,9 % est remarquable parce qu’il intervient dans un contexte plus complexe : pressions climatiques, incertitudes géopolitiques, fluctuations monétaires mondiales.

La BCEAO prévoit que pour l'ensemble de l’année 2025, l’inflation pourrait revenir dans la fourchette cible de 1 % à 3 %, à condition que les prix alimentaires importés restent contenus et que les récoltes soient bonnes.

Pourquoi est-ce important ?

Pour les ménages ouest-africains, ce recul de l’inflation est une bouffée d’oxygène. Le coût de la vie s’allège, ne serait-ce que temporairement : alimentaires, transport, restauration coûtent moins cher. Cela améliore le pouvoir d’achat, réduit les dépenses contraintes et peut libérer des ressources pour l’investissement domestique (santé, éducation, épargne).

Sur le plan économique, cela crée une fenêtre de stabilité pour les petites entreprises, leurs marges se trouvent moins comprimées, la demande reprend, mais le retour à une inflation modérée positive sera nécessaire pour éviter les pièges d’une déflation prolongée.

Pour les États, l’enjeu est double : maintenir les recettes fiscales (et donc les services publics), tout en soutenant la consommation par des politiques ciblées, sans relancer une inflation importée par la hausse des coûts ou des devises faibles. Il leur faut aussi renforcer les capacités de stockage, logistique, transformation locale (notamment agroalimentaire) pour rendre les économies moins sensibles aux chocs externes.

Dans la région ouest-africaine, l’évolution récente de l’inflation montre que la coordination régionale autour des politiques agricoles, des chaînes d’approvisionnement et la gestion des prix (y compris des subventions bien ciblées) est plus que jamais cruciale. Les États qui s’y investissent peuvent capitaliser sur ce moment pour consolider des gains de stabilité économique, asseoir la confiance des citoyens, et mieux résister aux chocs futurs (alimentaires, climatiques, financiers).

Suivant
Suivant

Crise de l’eau au Sahel : urgence climatique et défis de développement à l’horizon 2030