Jeunes diplômés en Afrique : chômage massif et nécessité d’adapter la formation au marché du travail


Les points clés :

  • Des millions de jeunes diplômés africains peinent à accéder au marché du travail faute d’adéquation entre leur formation et les besoins réels des entreprises.

  • Le chômage touche particulièrement les jeunes femmes et les diplômés universitaires, souvent cantonnés à l’informel ou exclus de l’économie productive.

  • Des initiatives locales et régionales montrent que la combinaison formation professionnelle, entrepreneuriat et acquisition de compétences pratiques peut inverser la tendance.


De nombreux jeunes Africains titulaires du baccalauréat ou de diplômes universitaires se retrouvent confrontés à une situation difficile : malgré leurs qualifications, l’accès à un emploi stable et valorisant reste un défi majeur. Cette fracture s’explique principalement par un désalignement persistant entre les compétences transmises par le système éducatif et celles recherchées sur le marché de l’emploi. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), près de 72 millions de jeunes en Afrique sont aujourd’hui exclus de toute activité productive, regroupés dans la catégorie NEET (ni emploi, ni éducation, ni formation), avec une prédominance marquée des femmes qui représentent environ deux tiers de ce groupe. Ce constat illustre l’ampleur du problème : un quart des jeunes âgés de 15 à 24 ans est tenu à l’écart de la dynamique économique.

En Côte d’Ivoire, un rapport publié en 2024 révèle que seulement 31,7 % des diplômés universitaires trouvent un emploi à la fin de leurs études. Cette difficulté est accentuée par la croissance annuelle de 6,3 % du nombre d’étudiants, qui engendre une compétition féroce sur un marché de l’emploi incapable d’absorber l’afflux de nouveaux arrivants. Des dispositifs comme l’« École de la Deuxième Chance », qui a préparé 17 000 jeunes à des métiers en tension, existent, mais leur impact demeure limité.

Au Maroc, le taux de chômage des jeunes diplômés de 15 à 24 ans dépassait 38 % en 2023, tandis que le chômage des femmes atteignait 13,5 %, soulignant que même dans des systèmes éducatifs francophones structurés, l’insertion professionnelle reste problématique. En Tanzanie, seuls 1,9 % des élèves du secondaire accèdent à l’université, mais leurs diplômes sont souvent peu valorisés par les employeurs. Le Premier ministre a d’ailleurs exhorté les jeunes à recourir à des formations techniques et professionnelles pour renforcer leur employabilité.

Le déficit en compétences interpersonnelles aggrave la situation. Un séminaire tenu en 2025 en Tanzanie a rappelé l’importance des « soft skills » telles que la communication, la ponctualité, la capacité d’adaptation ou encore le travail en équipe, autant de qualités rarement enseignées dans les cursus classiques mais indispensables en entreprise.

En Afrique du Sud, la crise est encore plus prononcée. Malgré un système éducatif relativement développé, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans atteignait 61 % en 2023, et frôlait 71 % si l’on prend en compte ceux qui ont renoncé à chercher du travail. De nombreux diplômés se retrouvent cantonnés à des emplois informels, instables et déconnectés de leurs qualifications.

Le manque d’expérience professionnelle constitue un autre frein. Les jeunes diplômés se heurtent fréquemment à l’argument du « manque d’expérience » lors de leurs premières candidatures, alors qu’ils viennent à peine de sortir de l’université. Des initiatives comme Harambee en Afrique du Sud, qui utilise des plateformes mobiles pour recruter, former et accompagner les jeunes sans expérience, montrent qu’il est possible de combler ce fossé. Mais ce type de dispositifs reste encore trop rare dans les pays francophones.

Les politiques nationales commencent toutefois à intégrer cette problématique. En Côte d’Ivoire, le programme de transition école-travail, soutenu par la Banque mondiale, vise à améliorer les aptitudes des jeunes à travers la formation professionnelle et l’entrepreneuriat, même si son impact demeure limité face à l’ampleur des besoins. Au Sénégal, le projet Tekki Fii (2017-2020) a permis de financer plus de 3 000 microentreprises, de générer environ 1 800 emplois et de former 15 000 jeunes dans des zones vulnérables. Au Congo, le programme Yekolab a offert des formations gratuites dans les TIC à plusieurs centaines de jeunes, favorisant leur insertion dans l’économie numérique. Ces exemples montrent que lorsque l’éducation formelle est associée à l’entrepreneuriat et à des soutiens ciblés, les résultats peuvent être tangibles.

Pourquoi c’est important ?

La question de l’insertion professionnelle des jeunes diplômés est au cœur de l’avenir économique et social de l’Afrique. Si la formation continue de produire des diplômés sans perspectives, le continent s’expose à une aggravation du chômage, à une expansion de l’économie informelle et à une instabilité sociale croissante. Adapter les programmes scolaires aux besoins réels du marché, développer la formation professionnelle, encourager l’entrepreneuriat et renforcer les passerelles vers l’expérience pratique sont des leviers essentiels pour transformer ce défi en opportunité et tirer parti du dynamisme démographique africain.

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