Crise de l’eau au Sahel : urgence climatique et défis de développement à l’horizon 2030


Les points clés :

  • Le Sahel fait face à une crise structurelle de l’eau potable, aggravée par le changement climatique et une croissance démographique rapide.

  • L’accès inégal à l’eau affecte la santé, l’éducation et l’économie, en particulier dans les zones rurales et touchées par l’insécurité.

  • Des initiatives régionales et internationales existent, mais les besoins financiers et infrastructurels restent colossaux pour atteindre les objectifs d’ici 2030.


L’un des enjeux les plus pressants du XXIe siècle dans la zone sahélienne demeure l’accès à l’eau potable. Cette vaste région qui s’étend du Sénégal au Tchad, marquée par des sécheresses persistantes, l’insécurité et une forte croissance démographique, est confrontée à une crise structurelle en matière d’eau. Selon l’UNICEF et la Banque mondiale, malgré l’engagement des États et de leurs partenaires techniques et financiers, plus de la moitié des habitants du Sahel n’ont toujours pas accès à une eau potable fiable et en quantité suffisante.

Le Sahel figure parmi les territoires les plus exposés aux conséquences du changement climatique. La raréfaction des précipitations, l’érosion des nappes phréatiques, l’avancée du désert et l’intensification des périodes de sécheresse accentuent la pression sur les ressources hydriques. Depuis 1950, certaines zones enregistrent une baisse de 15 à 30 % des précipitations, entraînant l’assèchement de nombreuses sources naturelles d’eau.

Cette vulnérabilité est amplifiée par une croissance démographique fulgurante. La population de la région, estimée à 150 millions d’habitants aujourd’hui, pourrait doubler d’ici 2045, accentuant les tensions sur des ressources déjà insuffisantes.

Dans plusieurs pays, la situation reste critique. Au Tchad, seuls 42 % des habitants disposent d’une source d’eau potable de qualité, avec des disparités marquées entre le Nord saharien et les zones en conflit comme le bassin du Lac Tchad. Au Burkina Faso, le taux d’accès atteint environ 75 %, mais il masque de profondes inégalités entre les régions urbaines et rurales, particulièrement dans le Nord, le Sahel et l’Est. Au Mali, l’insécurité entrave fortement les services publics : dans les régions centrales et septentrionales, l’approvisionnement en eau dépend souvent de la sécurité des zones, contraignant des milliers de personnes à parcourir chaque jour de longues distances vers des points d’eau souvent insalubres. Au Niger, seulement 56,8 % de la population avait accès à l’eau potable en 2023, avec des chiffres particulièrement alarmants dans les zones rurales de Tahoua, Zinder et Diffa.

Ce manque d’accès à l’eau potable a des répercussions directes sur la santé publique. Les maladies hydriques telles que la diarrhée ou le choléra continuent de causer des ravages, surtout parmi les enfants. L’UNICEF estime que plus de 200 000 décès liés à l’eau insalubre surviennent chaque année dans la région. La charge pèse aussi sur les femmes et les jeunes filles, responsables de la corvée d’eau, ce qui limite souvent leur scolarisation et leur autonomie.

Sur le plan économique, la pénurie d’eau compromet la productivité agricole et renforce la crise alimentaire. Dans une région où l’économie repose largement sur l’agriculture et l’élevage, l’irrégularité de l’approvisionnement en eau fragilise les cultures vivrières et menace les moyens de subsistance de millions de familles.

Face à cette urgence, plusieurs initiatives ont été lancées. Le Programme d’approvisionnement en eau potable et d’assainissement en milieu rural (PAEPA), soutenu par la Banque africaine de développement, a permis l’installation de forages, de stations de purification et de points d’eau communautaires. L’Initiative d’Irrigation du Sahel finance des systèmes d’irrigation à faible coût pour renforcer la résilience des agriculteurs. La CEDEAO, de son côté, a mis en œuvre le Plan d’action pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (GIRE), qui vise une gestion coordonnée et durable des ressources partagées à travers les frontières.

Cependant, l’absence d’infrastructures adaptées, les financements insuffisants et l’insécurité chronique continuent de freiner les avancées. Selon les estimations, un investissement annuel compris entre 20 et 30 milliards de dollars serait nécessaire pour espérer atteindre les objectifs de développement durable liés à l’eau d’ici 2030.

Pourquoi c’est important ?

L’accès à l’eau potable conditionne à la fois la santé, l’éducation, la stabilité sociale et le développement économique au Sahel. Dans une région déjà fragilisée par l’insécurité et le changement climatique, le déficit hydrique alimente les crises humanitaires et compromet la lutte contre la pauvreté. Comprendre les enjeux de l’eau et investir massivement dans les infrastructures, la coopération régionale et la résilience communautaire est crucial pour assurer un avenir plus stable et durable à des millions d’habitants.

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