Le Burkina Faso retire le permis de Taparko en vue d’une gouvernance minière plus saine et plus responsable


Les points clés :

  • Le gouvernement burkinabè retire le permis de la mine d’or Taparko pour litiges, insécurité, et non-respect des engagements, réaffirmant sa souveraineté.

  • Le nouveau code minier de juillet 2024 donne à l’État les moyens légaux pour reprendre le contrôle en cas de manquements sérieux.

  • Le secteur aurifère, pilier économique du Faso, subit un signal fort : les concessions doivent produire, être légalement irréprochables et socialement acceptables.


Quand la mine de Taparko, située dans la province du Namentenga, a été exploitée sous l’ancienne société SOMITA (puis Taparko Mining S.A.), elle incarnait un espoir pour la région : or abondant, revenus fiscaux significatifs, emplois, mais aussi promesses sociales et sécuritaires. En septembre 2024, l’État avait renouvelé le permis pour cinq ans, avec des attentes de 7,6 tonnes d’or à extraire sur cette nouvelle période, et des retombées fiscales estimées à 61 milliards FCFA. L’aire du permis devait être réduite de 670 à 182 km² à cause des défis sécuritaires.

Malgré cela, le bilan s’est détérioré. L’insécurité croissante, les litiges juridiques, la chute de la production et un manque de reprise effective sont venus miner la crédibilité de l’opérateur. En avril 2022, Taparko avait suspendu ses activités de production, invoquant l’insécurité, meurtrière parfois, dans la zone. En 2022, la production fut très faible (353 kg) contre des tonnes attendues auparavant, les revenus fortement réduits par rapport aux années antérieures.

Le nouveau code minier : cadre juridique et implications

Le 18 juillet 2024, le Burkina Faso a adopté un nouveau Code minier renforcé qui entre pleinement en vigueur après les textes d’application. Ce code donne à l’État des prérogatives plus fortes en matière de contrôle, de revalorisation de la participation publique, de transparence, et de vigilance sur les engagements sociaux et sécuritaires des titulaires de permis.

Le retrait du permis Taparko s’inscrit dans ce cadre légal. Le gouvernement s’est appuyé sur les dispositions du nouveau code pour affirmer que, face à des litiges susceptibles de menacer l’ordre public et à des engagements non respectés, l’État pouvait et devait intervenir pour protéger l’intérêt national. Cela marque une inflexion forte dans la gouvernance des ressources naturelles.

Chiffres clés du secteur et conséquences du retrait

Le secteur aurifère reste central pour l’économie burkinabè : en 2023, la production d’or a atteint un sommet de 57,35 tonnes (+10 % par rapport à 2022), générant 2 161 milliards FCFA de valeur, avec 581 milliards FCFA de revenus pour l’État. Le secteur représentait environ 14,8 % du PIB, 75,5 % des exportations nationales, et environ 20 % des recettes fiscales, avec ~25 000 emplois directs.

Taparko, autrefois un acteur capable de contribuer significativement, a vu sa production chuter drastiquement : alors que l’opérateur s’était engagé à produire plusieurs tonnes, la suspension des activités a conduit à un quasi-effondrement de la production, avec un chiffre d’affaires très faible pour 2022.

Le retrait du permis signifie que l’État va reprendre la maitrise du site, avec l’objectif de maximiser les retombées économiques et sociales, y compris fiscales, en évitant que les revenus attendus ne demeurent théoriques. Cela envoie un message aux autres opérateurs : les permis ne sont pas des droits à vie, ils sont assortis d’obligations.

Risques, opportunités et réactions

Ce retrait comporte des risques : coût politique, contentieux futur (Taparko pourrait contester la décision), perte de confiance des investisseurs si la décision est perçue comme arbitraire. Le défi sécuritaire lui-même reste majeur : si l’insécurité empêche l’exploitation normale, reprendre la mine ne garantit pas que la production va reprendre aisément.

Mais il y a des opportunités importantes. En reprenant la main, l’État peut structurer une exploitation conforme aux standards du nouveau code : transparence, participation locale, respect des engagements à la sécurité, et meilleure intégration des communautés avoisinantes. Le gouvernement envoie aussi un signal fort sur la discipline contractuelle et sur la souveraineté économique : les ressources naturelles doivent profiter effectivement à la population.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que le Burkina Faso est l’un des poids lourds de l’or en Afrique de l’Ouest, et qu’il dépend fortement de ce secteur pour ses exportations, ses recettes fiscales, et l’emploi. Quand une mine comme Taparko ne fonctionne pas correctement, ou que ses engagements ne sont respectés, les pertes ne sont pas seulement pour l’entreprise, mais pour toute une région, pour des services publics, pour la sécurité et la cohésion sociale.

Cette décision montre que le nouveau code minier de 2024 n’est pas seulement un texte formel, mais un outil réel de gouvernance, de responsabilité et de reddition de comptes. Elle pourrait inciter d’autres pays ouest-africains à renforcer leurs codes miniers, à exiger transparence, respect des engagements sociaux, sécurité dans les opérations.

La reprise par l’État du contrôle présente aussi une opportunité pour maximiser les retombées locales : royalties, impôts, emplois, mais aussi investissements locaux dans les infrastructures, sécurité, services sociaux. Cela pourrait améliorer la confiance des populations et des communautés proches des zones minières.

Dans un contexte de volatilité des prix des métaux précieux et des tensions pour les ressources, affirmer que les concessions minières sont conditionnelles à la performance et au respect contractuel est un signe de maturité politique et économique. Pour l’économie ouest-africaine, cela contribue à asseoir des pratiques plus durables, plus équitables, et à défendre la souveraineté nationale face à la pression internationale.

Suivant
Suivant

La BCEAO agrée 10 nouvelles fintechs : l’inclusion financière s’accélère dans l’UEMOA