Fintech Afrique : Kredete lève 22 millions $ pour faciliter crédit et transferts d’argent à la diaspora
Les points clés :
Kredete réalise une levée de 22 millions de dollars pour étendre ses services financiers aux Africains de la diaspora, tout en améliorant leur historique de crédit.
Depuis sa création en 2023, la fintech a déjà près de 700 000 utilisateurs mensuels, facilité 500 millions de dollars de transferts, et permis une amélioration moyenne de 58 points dans le score de crédit aux États-Unis.
La stratégie repose sur une infrastructure API, stablecoins, carte de crédit adossée à stablecoins, comptes en USD/EUR, et ambitionne d’opérer dans plus de 40 pays africains.
Kredete, fondée en 2023 par Adeola Adedewe, est une fintech qui s’est donnée pour mission de combler un vide : celui des migrants et diasporas africaines qui, bien qu’envoyant régulièrement des fonds vers leur pays d’origine, restent largement exclus des systèmes de crédit ou des produits financiers traditionnels dans les pays de résidence.
La récente levée de fonds de 22 millions de dollars est un tour de Série A dirigé par AfricInvest à travers son fonds d’innovation (CAIF) et le véhicule pour l’inclusion financière (FIVE), avec la participation de Partech et Polymorphic Capital. Ce financement porte le total levé par Kredete à 24,75 millions de dollars.
Kredete affirme compter plus de 700 000 utilisateurs actifs mensuellement, avoir facilité 500 millions de dollars de transferts vers plus de 30 pays africains, tout en permettant une augmentation moyenne de 58 points dans le score de crédit aux États-Unis pour ses utilisateurs.
Parmi les innovations clés de Kredete : une carte de crédit adossée à un stablecoin, des comptes rémunérés en USD et EUR pour préserver le pouvoir d’achat face à la volatilité monétaire locale, des rapports de loyer (« rent reporting »), une épargne liée au crédit et des prêts responsables basés sur des objectifs.
Analyse économique : forces, défis et leviers
Kredete se positionne à l’intersection de plusieurs dynamiques porteuses. Le marché des transferts d’argent (remittances) vers l’Afrique est considérable : selon la Banque mondiale, les envois vers l’Afrique subsaharienne se chiffraient à plus de 54 milliards de dollars en 2023, ce qui en fait une des sources de devises les plus importantes dans plusieurs pays.
Ce marché est souvent dominé par des frais élevés, des délais, ainsi que l’absence de reconnaissance formelle des transactions pour construire une crédibilité financière. Kredete apporte une rupture : lier les transferts à un moteur de crédit, ce qui permet aux utilisateurs d’utiliser leur comportement de remises pour construire un profil de crédit dans le pays de résidence, ce qui peut débloquer des produits comme des prêts, des cartes, ou des hypothèques.
L’usage des stablecoins dans les transferts transfrontaliers peut réduire les coûts, améliorer la rapidité, et limiter les pertes dues aux conversions monétaires. Cela est particulièrement pertinent pour des populations migrantes dont les devises locales peuvent être instables.
Mais les défis sont nombreux. La régulation des stablecoins dans certains pays reste incertaine, voire restrictive. Assurer la conformité avec les normes anti-blanchiment et la protection des données dans plusieurs juridictions est complexe. La croissance rapide fait peser le risque opérationnel : scalabilité, sécurité, fiabilité. De plus, bien que 700 000 utilisateurs soit une belle base, l’usage régulier, la conversion en produits financiers plus avancés (crédit, emprunts, etc.) dépend de la confiance, de la transparence, et de l’intégration dans les systèmes financiers locaux et internationaux.
Perspectives d’expansion
Avec les 22 millions de dollars, Kredete planifie une expansion vers le Canada, le Royaume-Uni, et certains marchés européens, en plus de renforcer sa présence sur le continent africain, dans plus de 40 pays.
Le lancement de la carte de crédit adossée à stablecoin dans 41 pays africains est un élément central de sa stratégie. Les comptes en USD/EUR permettront d’atténuer la volatilité, ce qui séduira les diasporas confrontées à la dépréciation des monnaies locales.
L’accent sur des fonctionnalités comme les rapports de loyer ou les prêts liés à l’épargne (savings-linked loans) montre que Kredete ne vise pas seulement les transferts et le crédit mais cherche une offre plus complète, utile et adaptée aux réalités de ses utilisateurs.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que ce que fait Kredete touche directement à des enjeux économiques, sociaux et structurels essentiels pour l’Afrique de l’Ouest, et au-delà. Les diasporas représentent un flux financier stable pour de nombreux pays africains. En reconnaissant ces contributions non seulement comme des transferts, mais comme des éléments de crédibilité financière, Kredete permet d’élargir l’accès au crédit à des populations jusque-là marginalisées.
Pour les économies ouest-africaines, cela peut signifier une réduction de la dépendance aux émigrés pour leurs dépenses de consommation seules, en transformant ces flux en investissements productifs : emprunts pour lancer des entreprises, accès au logement, paiement de biens durables, etc. Cela peut stimuler l’investissement intérieur, accroître l’épargne et renforcer les capacités locales.
Ensuite, dans le contexte de l’inclusion financière, cet exemple marque une accélération : de plus en plus de fintechs africaines ou au service de l’Afrique trouvent des modèles qui lient technologie, régulation, finance internationale, et services utiles pour les populations réelles. Cela crée une pression pour que les États et régulateurs locaux adaptent les cadres (réglementaire, fiscal, protection des données) pour accueillir ces innovations, tout en évitant les dérives.
Enfin, Kredete montre que l’expansion financière ne se mesure pas seulement en millions d’utilisateurs, mais en qualité : en crédibilité reconnue, en capacité à transformer un utilisateur de la diaspora en acteur financier complet, consommateur, épargnant, emprunteur, tant dans son pays de résidence que dans son pays d’origine. Cela renforce la résilience, la souveraineté économique, et l’intégration des économies africaines dans les flux mondiaux de finance numérique.