Nigeria : suspension de la taxe d’importation FOB de 4 % pour éviter flambée des prix et crise industrielle


Les points clés :

  • Le gouvernement nigérian suspend la taxe FOB de 4 % sur les importations après une forte opposition des fabricants et importateurs.

  • Cette taxe, introduite récemment pour remplacer des redevances antérieures, menaçait d’alourdir les coûts, stimuler l’inflation et détériorer la compétitivité des entreprises.

  • L’État annonce une révision du mécanisme en concertation avec les acteurs économiques pour trouver un compromis fiscal plus équilibré.


La mesure de suspension émane d’annonces officielles récentes. Selon Reuters, le ministère des Finances nigérian a ordonné la suspension immédiate du prélèvement FOB de 4 % sur tous les produits importés, mesure introduite par le Nigeria Customs Service (NCS) seulement un mois plus tôt. Cette décision fait suite aux inquiétudes sérieuses exprimées par les industries, importateurs, et autres parties prenantes, qui mettaient en garde contre un choc pour les coûts d’importation, l’inflation et la compétitivité.

La taxe FOB (Free on Board) de 4 % devait remplacer deux dispositifs précédents : le CISS (Comprehensive Import Supervision Scheme) d’1 % et une taxe de collecte de 7 % sur certains produits importés. L’idée était de simplifier le système fiscal, réduire la multiplicité des redevances, et renforcer les recettes non pétrolières de l’État. (Zawya)

Cependant, l’opposition s’est manifestée rapidement, notamment via la Manufacturers Association of Nigeria (MAN) : elle a souligné que cette taxe uniforme de 4 % augmente les coûts d’importation de matières premières, machines, pièces qui ne sont pas produites localement, ce qui pénalise les producteurs. De plus, le secteur manufacturier déjà confronté à des taux d’intérêt élevés, une inflation élevée (≈ 21,9 % en juillet selon certaines sources) et une monnaie nationale affaiblie, a averti que le cumul des charges risquait de faire fuir les importateurs vers le commerce informel ou d’autres marchés moins exigeants.

Face à ces pressions, le ministre des Finances, Wale Edun, a suspendu la mesure. Le gouvernement a expliqué que la suspension vise à réexaminer le dispositif, consulter les parties prenantes, afin de trouver un mécanisme plus équitable, moins pénalisant pour l’activité économique, tout en maintenant les objectifs de dynamisation des recettes non pétrolières.

Enjeux macro-économiques et politiques

La suspension traduit la complexité pour les États africains, notamment le Nigéria, de concilier deux impératifs pressants : accroître les recettes pour réduire la dépendance aux revenus pétroliers déclinants, et préserver un environnement économique favorable pour les entreprises, surtout les entreprises manufacturières et importatrices de biens essentiels.

Le coût des importations joue un rôle central dans l’économie nigériane : matières premières, intrants industriels, machines, biens de consommation. Si ces coûts augmentent fortement, l’inflation importée monte, la compétitivité industrielle baisse, et les prix finaux pour les consommateurs s’en ressentent directement.

Maintenir un équilibre fiscal viable sans étouffer l’activité économique exige des calibrages précis : taux applicable, exemptions pour certains secteurs ou produits essentiels, mécanismes de transit ou de suspension pour ne pas pénaliser les chaînes d'approvisionnement, mais aussi dialogue avec le secteur privé.

Comparaison régionale et précédents

Dans d’autres pays ouest-africains comme le Ghana, la Côte d’Ivoire ou le Sénégal, les frais ou redevances sur importation ou inspection sont souvent moindres, autour de 0,5 % à 1 % FOB pour des inspections ou collecte de frais, et non à 4 %. Cela place le Nigéria dans une position atypique si le taux proposé avait été maintenu.

Par ailleurs, le cas révèle l’importance de la prévisibilité fiscale pour attirer ou maintenir l’investissement industriel. Des changements abrupts de politique, surtout sans consultation, tendent à créer de l’incertitude, ce qui peut repousser des investissements privés ou accroître le risque perçu.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que l’affaire FOB au Nigéria ne concerne pas qu’une taxe : elle cristallise l’ensemble des tensions entre fiscalité, industrie, inflation et pouvoir d’achat dans un contexte où l’Etat cherche des ressources alternatives au pétrole, mais où les ménages et les entreprises supportent déjà de fortes pressions économiques.

Pour l’économie ouest-africaine, le Nigéria étant la première économie du continent, ses décisions fiscales pèsent lourd. Une mesure mal calibrée ou mal communiquée peut générer des effets de contagion : importateurs de biens manufacturés pouvant canaliser leurs importations via d’autres pays, industries locales détériorées, inflation importée qui se répand dans les biens concurrents.

L’équilibre trouvé ici, suspension, révision, consultation, pourrait devenir un exemple de bonne pratique pour d’autres pays de la région cherchant à augmenter leurs recettes sans nuire à la compétitivité ou à la stabilité économique. Les leçons tirées (transparence, consultation, impact sur inflation, exemptions ciblées) peuvent servir à améliorer la conception d’autres mesures fiscales dans l’UEMOA ou au Sahel.

En fin de compte, toute réforme fiscale dans ces économies doit être pensée non pas seulement sous l’angle des recettes, mais aussi de ses effets sur les chaînes de valeur, la fabrication locale, les consommateurs, et la confiance dans le gouvernement. Le bon calibrage permet non seulement d’accroître les ressources, mais aussi de soutenir la croissance, d’impulser l’industrialisation, et d’améliorer le bien-être des populations.

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