Burkina Faso : Vincent Ouédraogo prend la tête de TotalEnergies Burkina racheté par Coris Invest Group
Les points clés :
Coris Invest Group finalise le rachat des actifs de TotalEnergies au Burkina Faso, marquant une percée nationale dans le secteur de l’énergie.
Cette acquisition s’inscrit dans une tendance de désengagement progressif des majors étrangères en Afrique de l’Ouest, au profit de groupes locaux capables d’assurer la continuité opérationnelle.
L’opération renforce la souveraineté énergétique du Burkina Faso et illustre la montée en puissance de la stratégie régionale de contrôle national des secteurs stratégiques.
L’annonce est devenue officielle : le 8 septembre 2025, lors d’une cérémonie tenue à Dakar, le Groupe Coris Invest a pris contrôle des activités de TotalEnergies au Burkina Faso. Il ne s’agit pas simplement d’un changement de propriétaire, mais d’un tournant stratégique dans le paysage énergétique national, avec des implications profondes pour la gouvernance, la souveraineté locale, l’emploi, et plus largement pour le modèle économique burkinabè.
TotalEnergies avait annoncé la cession de ses actifs burkinabè dès le 18 février 2025, via son représentant pour l’Afrique de l’Ouest, Badara Mbacké, en lien avec le ministre burkinabè de l’Industrie, Serge Gnaniodem Poda. Ce désengagement fait partie d’une stratégie plus large du groupe énergétique français, qui cède également ses opérations dans d’autres pays de la région, notamment au Mali.
Coris Invest Group, dirigé par l’homme d’affaires burkinabè Idrissa Nassa, s’étend dans des secteurs stratégiques. Jusqu’à présent bien implanté dans les services financiers, bancaires et assurantiels, le groupe entre désormais dans l’aval pétrolier et énergétique. Le rachat concerne notamment les stations service, la distribution locale des hydrocarbures et le marketing de produits pétroliers sous la marque Total.
L’opération s’est déroulée sous garantie de continuité : Coris Invest assure le maintien des activités, la continuité des services, et l’engagement envers les employés, clients et partenaires. Le gouvernement burkinabè a appuyé l’opération, la considérant comme un pas vers une autonomie accrue dans le secteur énergétique.
Enjeux, défis et perspectives
L’importance stratégique de cette acquisition ne saurait être sous-estimée. Le secteur énergétique, et tout particulièrement la distribution des produits pétroliers, est vital dans une économie où l’importation, le transport, la logistique et les coûts carbure aux infrastructures publiques et privées. Coris Invest Group hérite d’un réseau existant, de clients établis, et de la complexité réglementaire, fiscale et sociale associée à un secteur sensible.
Parmi les défis, la gestion des prix à la pompe, la sécurisation des approvisionnements en produits pétroliers, l’entretien et l’investissement dans le transport et stockage, la conformité environnementale, la transparence financière, et la capacité à absorber les coûts d’exploitation tout en restant compétitif. L’infrastructure logistique intérieure au Burkina Faso, les coûts du transport, les marges, les taxes, tous ces éléments seront cruciaux.
Un autre aspect central est la gouvernance : pour que cette transition soit durable, Coris devra démontrer qu’il assure non seulement la performance économique mais aussi la responsabilité sociale (maintien d’emplois, sécurité, transparence), la fiabilité des services, et une relation stable avec l’État et le régulateur. Le soutien de l’État, notamment en matière fiscale, réglementaire, et peut-être en incitations pour les investissements dans les chaînes logistiques ou les énergies alternatives, sera déterminant.
Sur la perspective régionale, ce type d’acquisition localisée par un acteur national pourrait inspirer d’autres pays ouest-africains. En Afrique de l’Ouest, de nombreux États cherchent à réduire la dépendance vis-à-vis des majors étrangères et des importations dans le secteur énergétique. L’entrée d’un groupe local maîtrisant le marketing, la distribution, et ayant déjà une forte assise financière, renforce l’idée que les acteurs africains peuvent prendre le relais dans des secteurs de haute importance stratégique.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que cette transaction incarne la convergence de plusieurs dynamiques économiques majeures pour l’Afrique de l’Ouest : la quête de souveraineté énergétique, la montée en puissance des acteurs locaux, la réduction de la dépendance extérieure, et le renforcement de la durabilité économique.
Au Burkina Faso, cela signifie potentiellement des gains dans la chaîne de valeur locale : taxe ou redevance restituée à des acteurs locaux, bénéfices liés à la distribution gardés à l’intérieur du pays, opportunités pour les fournisseurs locaux, les emplois, les entrepreneurs de maintenance, logistique, transport. C’est une étape vers une autonomie réelle dans un secteur souvent considérablement dépendant des importations, des compétences étrangères ou de la mainmise de compagnies multinationales.
Cela s’inscrit aussi dans une tendance régionale : plusieurs États ouest-africains questionnent aujourd’hui leur dépendance énergétique, cherchent à nationaliser ou à rendre aux acteurs nationaux des pans de leur secteur énergétique, ou veulent renforcer les capacités locales – infrastructures, main d’œuvre, régulation. Dans un contexte global marqué par les risques de chaîne d’approvisionnement, les variations des prix du pétrole, les fluctuations du change, etc., avoir une entreprise locale solide opérant dans l’énergie permet de mieux absorber les chocs.
En outre, pour les investisseurs étrangers, cette opération envoie un signal. Elle montre qu’il est possible pour des acteurs locaux de racheter, de gérer, et de faire évoluer des entreprises dans des secteurs à barrière d’entrée élevée, que ce soit pour des raisons réglementaires, logistiques ou capitalistiques. Cela peut aussi encourager d’autres investisseurs à regarder vers l’Afrique de l’Ouest non seulement comme un terrain pour des cessions d’actifs, mais comme un espace d’innovation, d’investissement local, de partenariats.