Côte d’Ivoire : six permis aurifères attribués, une relance stratégique de l’exploration sous l’ère Ouattara
Les points clés :
Le gouvernement ivoirien a octroyé six permis d’exploration aurifère lors du Conseil des ministres du 17 septembre 2025, dans des zones nord, est, ouest et centre-ouest du pays.
Ces permis, d’une durée de quatre ans chacun, concernent des sociétés locales et étrangères, dans le but d’attirer investissement, diversifier l’économie et renforcer la production aurifère ivoirienne.
L’octroi s’inscrit dans une stratégie plus large de réglementation et de suivi des permis existants, indiquant une volonté de transparence, de durabilité environnementale et d’optimisation des retombées économiques.
Le 17 septembre 2025, la Côte d’Ivoire a franchi une étape notable dans sa stratégie d’expansion minière avec l’adoption de sept décrets au Conseil des ministres. Parmi ces décrets figurent six nouveaux permis de recherche aurifère. Ces autorisations concernent plusieurs départements à travers le territoire : Tengréla au Nord, Abengourou, Agnibilékro et Koumfaou à l’Est, Sinfra et Bouaflé au Centre-Ouest, Béhoumi et Sakassou, Niakara-Mandougou, et enfin un large périmètre à l’Ouest incluant Duékoué, Zoukoubeu, Issia et Bié. Chaque permis est délivré pour quatre ans, conformément aux critères techniques et environnementaux encadrés par le code minier local.
Les bénéficiaires de ces permis sont des sociétés telles que Somaco Global Resources (SGR) SARL, Gold Finders SARL, Viroc Mine Roll SARL, Alpha Mining SARL (qui obtient deux permis distincts), et Laudi Exploration SARL. Ces entreprises auront à mener des explorations dans des zones souvent peu exploitées jusqu’à présent, ce qui pourrait révéler de nouveaux gisements aurifères.
Le Gouvernement n’a pas seulement ouvert de nouveaux permis. Il a aussi modifié au moyen d’un septième décret le permis d’exploitation de la société Persus Yaoré SARL, dans le département de Bouaflé. Cette mise à jour vient renforcer le contrôle et le suivi des opérateurs déjà actifs, démontrant que la stratégie minière ivoirienne ne se contente pas de l’expansion, mais vise aussi à ajuster les permis existants.
Cette décision s’inscrit dans un contexte de fort intérêt international pour l’or, de hausse des prix mondiaux du précieux métal, de pression pour des investissements plus durables (normes environnementales et sociales), et du besoin pour la Côte d’Ivoire de diversifier ses ressources économiques en s’appuyant sur son potentiel minier. Agence Ecofin note que le secteur aurifère est considéré comme un des piliers de la diversification économique aux côtés du cacao, du pétrole, et des énergies nouvelles..
Forces, risques et défis
Parmi les forces de cette démarche, on note la volonté politique affichée de stimuler l’exploration. En effet, pour de nombreux pays producteurs d’or, le gisement ne suffit pas : il faut découvrir, confirmer, extraire, transformer, et commercialiser. Ces nouveaux permis sont un des premiers maillons de cette chaîne. L’existence de sociétés actives localement et la réglementation renforcée garantissent une base institutionnelle plus solide.
Un autre point favorable est l’éparpillement géographique des permis : cela permet de diversifier les zones d’exploration, ce qui peut aider à limiter les risques liés aux infrastructures, à la sécurité ou aux contraintes environnementales et géologiques.
Cependant, des défis importants demeurent. Le coût de l’exploration est élevé, surtout dans les zones éloignées ou peu accessibles, ou soumises à des contraintes logistiques, de transport ou de sécurité. La disponibilité des données géologiques fiables, des infrastructures routières, de l’énergie sont souvent des goulots d’étranglement.
L’environnement réglementaire doit être stable et transparent pour rassurer les investisseurs. Les contraintes techniques et environnementales imposées peuvent augmenter les coûts, et si elles ne sont pas bien calibrées, risquent de décourager les exploitants. De plus, il faudra que les retombées économiques (emplois locaux, taxes, formation, valorisation locale) soient bien gérées pour éviter des critiques autour de la « rente minière » et des inégalités.
La seconde problématique, rarement évoquée mais liée à l’hygiène publique, touche la pollution aurifère, l’impact des explorations sur les sols, l’eau, l’air, et la cohabitation avec les activités agricoles. Les zones d’or peuvent être le siège de prospections utilisant des produits chimiques ou des méthodes ayant un risque environnemental (mercure, etc.), surtout si le suivi réglementaire est faible.
Perspectives
Si ces permis donnent lieu à des découvertes notables, la Côte d’Ivoire pourrait accroître sa production aurifère, non seulement pour l’exportation mais peut-être pour la transformation locale. L’or pourrait devenir un catalyseur plus fort de l’industrialisation : usines de transformation, raffineries, entreprises de services connexes, emplois spécialisés.
Le secteur pourrait aussi bénéficier de la pression actuelle sur les marchés mondiaux de l’or, de la montée des investisseurs soucieux des normes ESG (environnement, social, gouvernance), ce qui pourrait pousser les applications des conditions environnementales dès le départ, bénéfique si bien régulé.
Pourquoi est-ce important ?
Cet acte d’octroi de permis n’est pas un simple geste administratif. Il illustre la volonté de la Côte d’Ivoire de tirer profit de ses ressources naturelles pour soutenir sa croissance, diversifier ses revenus, et renforcer sa souveraineté économique. En Afrique de l’Ouest, où plusieurs États dépendent fortement de quelques exportations agricoles ou énergétiques, l’or constitue une ressource stratégique moins volatile qu’on ne le croit, si bien gérée.
Du point de vue de l’hygiène publique, un secteur souvent mis de côté dans les politiques minières, ce développement doit s’accompagner d’engagements forts en matière de protection de l’environnement, gestion des rejets, traitement des eaux, surveillance des substances toxiques, maintien des zones de santé, etc. Les populations proches des zones minières, et plus largement, toutes celles exposées via l’eau, le sol ou l’air, ont besoin d’être protégées contre les risques sanitaires associés. Si l’on oublie ces aspects, les coûts sanitaires pourront ronger les gains économiques.
Pour la Côte d’Ivoire, bien menée, cette politique minière pourra créer des emplois, accroître les recettes fiscales, améliorer les infrastructures, favoriser la transformation locale des minerais. Pour les investisseurs étrangers mais aussi pour les communautés locales, cela peut signifier des opportunités : formation, développement économique régional, renforcement de l’autonomie financière locale.
Et pour la sous-région ouest-africaine, l’un des enseignements majeurs est que l’exploration doit aller de pair avec la responsabilité environnementale et sanitaire, la transparence, et la participation des communautés locales. Les pays voisins peuvent observer ce modèle, en espérant que ce soit la qualité des permis, la clarté des contrats et le suivi environnemental qui fassent la différence entre des exploitations qui enrichissent tous les acteurs et celles qui creusent des inégalités ou provoquent des dégâts durables.