Rapport GII 2025 : Ile Maurice et le Maroc en tête de l’innovation africaine, quelles leçons pour le Togo et l’UEMOA ?


Les points clés :

  • Maurice occupe la première place africaine dans l’innovation en 2025, gagnant deux rangs mondiaux pour se classer 53ᵉ sur 139 pays.

  • Le Maroc effectue la plus forte progression relative parmi les pays en Afrique du Nord, bondissant de 9 places pour atteindre le 57ᵉ rang mondial, avec de bonnes performances en design industriel, productivité du travail et dépenses d’éducation.

  • Douze pays africains sur 36 étudiés dans le rapport améliorent leur position, mais des défis structuraux persistent : capital humain, recherche-développement, infrastructure et sophistication des marchés restent à renforcer.


Le rapport Global Innovation Index 2025 publié par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI/WIPO), en collaboration avec Cornell University et l’INSEAD, présente une photographie mondiale de l’innovation en s’appuyant sur environ 80 indicateurs répartis en sept piliers : institutions, capital humain et recherche, infrastructures, sophistication des marchés et des entreprises, résultats en matière de technologies et de connaissance, et créativité.

Maurice conserve son rang de pays africain le plus innovant, prenant la 53ᵉ place mondiale contre 55ᵉ en 2024. Cette progression modeste mais constante reflète une dynamique soutenue, notamment en capital-risque.

Le Maroc figure désormais comme deuxième sur le continent, avec un bond de 9 places par rapport à l’édition précédente pour se positionner 57ᵉ mondial. Parmi ses performances, on note des rangs élevés pour les dépenses en éducation (16ᵉ mondial), la croissance de la productivité du travail, et le dépôt de marques/intangible assets. Toutefois, certains piliers comme l’infrastructure, la sophistication des marchés, ou le capital humain/Recherche restent des points faibles.

Parmi les autres pays africains en progression : l’Afrique du Sud (61ᵉ), les Seychelles (75ᵉ), la Tunisie (76ᵉ), l’Égypte (86ᵉ), le Botswana (87ᵉ), le Sénégal (89ᵉ), et la Namibie (91ᵉ). Le Cap-Vert complète le top 10 africain avec le rang 95ᵉ.

Le Nigéria aussi gagne du terrain : il progresse de 8 places pour atteindre le 105ᵉ rang mondial. Toutefois, même parmi ceux qui progressent, beaucoup restent en deçà des attentes par rapport à leur potentiel, en raison des investissements insuffisants dans la recherche, la faible part de R&D dans le PIB, le manque d’infrastructures robustes ou de financement local de l’innovation.

Un des signaux d’alarme du rapport est le ralentissement de la croissance des dépenses en recherche et développement (R&D). En 2024, celle-ci aurait cru de seulement 2,9 %, contre 4,4 % en 2023. Cette décélération est attribuée à l’inflation élevée dans beaucoup de pays, aux contraintes budgétaires, et à la concurrence mondiale pour le financement.

Forces et faiblesses identifiées

Les pays qui progressent dans le classement semblent avoir en commun certains atouts : un environnement institutionnel relativement stable, des politiques publiques favorables à l’innovation, une meilleure capacité à attirer du capital-risque, à promouvoir l’entrepreneuriat, à améliorer la qualité de l’éducation et à stimuler les résultats en technologie et créativité.

Cependant, les faiblesses restent nombreuses. Beaucoup de pays africains se trouvent dans une situation où les intrants d’innovation (investissements, infrastructures, capital humain) sont en dessous des normes requises pour des résultats significatifs. Des freins comme le taux faible ou instable de financement public et privé pour les universités ou laboratoires, le manque de coordination entre les secteurs public/privé, des régulations inadéquates et un manque d’accès suffisant au capital-risque local limitent l’effet de rattrapage possible.

Le rapport pointe aussi des disparités internes : par exemple, certains pays avancent fortement dans les secteurs créatifs, les marques, le design industriel, tandis qu’ils peinent dans la recherche fondamentale, les brevets, la sophistication des entreprises ou des marchés. L’infrastructure (connectivité internet, accès à l’énergie stable, transport) reste un obstacle majeur dans plusieurs économies.

Implications pour l’Afrique de l’Ouest & le Togo

Ces avancées du GII 2025 constituent une opportunité pour l’Afrique de l’Ouest, et plus précisément pour les pays comme le Togo, de s’inspirer des trajectoires de Maurice ou du Maroc, en renforçant les piliers faibles. Pour le Togo, souvent classé autour du 117ᵉ rang mondial, les leviers d’amélioration incluent l’augmentation des dépenses publiques/privées en R&D, l’amélioration des infrastructures numériques, le soutien au capital-risque, et la mise en place de politiques favorables à la créativité et aux entreprises innovantes.

La région UEMOA pourrait bénéficier d’un effort coordonné sur la formation supérieure et la recherche, la mise en réseau des incubateurs, la mutualisation des infrastructures de recherche, le soutien financier aux startups technologiques, la facilitation de l’accès aux marchés via des plateformes régionales. Ces efforts, s’ils sont alignés avec des stratégies nationales et régionale, peuvent permettre de faire progresser les classements, mais surtout d’augmenter l’impact concret de l’innovation sur l’emploi, l’industrialisation et la croissance inclusive.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que l’innovation est désormais un élément central non seulement de la compétitivité internationale, mais aussi de la résilience économique, particulièrement pour les pays ouest-africains exposés aux chocs externes (crises alimentaires, climatiques, économiques, monétaires). Se classer plus haut dans le GII n’est pas une fin en soi, mais cela reflète une capacité à apprendre, à transformer, à créer de la valeur ajoutée, à attirer des investissements de qualité, à générer des emplois dans les secteurs à forte intensité de connaissance.

Pour les gouvernements ouest-africains, cet indice constitue un baromètre : il montre où sont les lacunes, ce sur quoi il faut concentrer les efforts. Il montre aussi que certains pays peuvent progresser rapidement si les politiques sont cohérentes (soutien à l’éducation, à la recherche, au financement, à la création d’entreprise).

À l’échelle de la population, une amélioration dans l’innovation se traduit par des technologies plus adaptées, des services plus efficaces (santé numérique, éducation en ligne, énergie renouvelable, agriculture de précision), ce qui peut améliorer la qualité de vie, réduire les inégalités et renforcer la souveraineté économique.

Enfin, pour le Togo et d’autres nations de l’UEMOA, il s’agira de ne pas rester spectateurs : les progrès de Maurice ou Maroc montrent que même dans des contextes de contraintes budgétaires et infrastructurelles, des avancées réelles sont possibles avec une volonté politique, un écosystème entrepreneurial digne de ce nom, une stratégie claire, et des partenariats publics/privés. L’innovation est un levier crucial, non pas pour suivre le peloton, mais pour le transformer.

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