Togo : l’OTR face à une évaluation TADAT de 2025, vers une fiscalité plus transparente et performante

L’un des grands atouts du TADAT est de fournir un diagnostic objectif (Crédit image : OTR)


Les points clés :

  • L’Office Togolais des Recettes (OTR) est soumis, du 15 au 30 septembre 2025, à une nouvelle mission TADAT dirigée par le FMI, la Banque mondiale, l’ATAF et la France, pour mesurer ses performances fiscales.

  • Cette évaluation suit celle de 2019 et doit alimenter de nouvelles réformes visant à améliorer le recouvrement, la gouvernance fiscale, et la crédibilité de l’administration des impôts et douanes.

  • Les résultats attendus pourraient orienter des mesures clés pour renforcer les ressources domestiques, consolider la stabilité budgétaire du Togo, et améliorer la confiance des investisseurs.


Depuis sa création, l’OTR joue un rôle central dans la collecte des recettes fiscales et douanières pour le compte de l’État togolais et des collectivités territoriales. Le Togo expérimente depuis plusieurs années une série de réformes destinées à moderniser cette administration, simplifier les procédures, améliorer la conformité des contribuables, et renforcer la transparence. Parmi celles-ci se trouvent l’élargissement de la base fiscale, la digitalisation des déclarations et paiements, ainsi que des mesures plus strictes de gouvernance et de supervision.

L’évaluation TADAT (Tax Administration Diagnostic Assessment Tool) est un outil diagnostique internationalement reconnu, développé par le FMI, la Banque mondiale, l’ATAF (African Tax Administration Forum), et d’autres partenaires, qui permet de mesurer les résultats obtenus par les administrations fiscales selon des indicateurs clairs (conformité, intégrité, efficacité, équité, etc.). L’OTR avait déjà fait l’objet d’une première évaluation en 2019, et celle de 2025 (du 15 au 30 septembre) vise à juger les progrès depuis et à identifier les marges de manœuvre.

Parmi les réformes récentes déjà mises en œuvre, on note une réforme institutionnelle : le Parlement togolais a adopté, en mars 2025, une loi redéfinissant la gouvernance de l’OTR, supprimant le conseil d’administration, simplifiant les procédures de nomination des dirigeants, et renforçant les contrôles externes via l’Inspection Générale de l’État et l’Inspection Générale des Finances. Cette réforme vise à rendre l’OTR plus agile, plus responsable, et plus efficace.

Le Togo, dans le cadre de l’arrangement de Crédit Facilité (Extended Credit Facility, ECF) avec le FMI, a également accepté des engagements de mobilisation des ressources fiscales, de contrôle du déficit budgétaire, et de conduites de réformes structurelles pour améliorer la gouvernance.

Par ailleurs, des études universitaires récentes ont quantifié l’effet des réformes fiscales sur la performance du recouvrement. Une étude utilisant la méthode du « Synthetic Control » montre qu’après neuf ans de réformes, le Togo affiche un gain moyen annuel de 3,09 % du PIB en matière de performance fiscale, par rapport à ce que serait un Togo sans ces réformes. Cela montre que les efforts ont déjà des retombées tangibles, même s’il reste beaucoup à faire.

Forces, défis et leviers attendus

L’un des grands atouts du TADAT est de fournir un diagnostic objectif, reconnu internationalement, qui permet aux autorités de comparer la performance de l’OTR avec des normes et des pratiques globales. Cela donne crédibilité vis-à-vis des bailleurs, des investisseurs et du public. De plus, l’OTR bénéficie de réformes législatives récentes qui renforcent la gouvernance, réduisent les procédures redondantes, et améliorent la responsabilisation.

Cependant, plusieurs défis demeurent. Les ressources humaines devront être renforcées pour gérer les recommandations de TADAT, pour mettre en œuvre les ajustements techniques nécessaires (audit, gestion de la conformité, contrôle des exonérations, vérification des imputations). Les infrastructures numériques doivent être suffisamment robustes pour supporter la digitalisation, la télédéclaration, le suivi en temps réel, etc. Le risque que certaines recommandations restent sans effet est réel si l'appropriation politique et administrative est insuffisante.

Un autre défi est la persistance des exonérations ou préférences fiscales qui réduisent la base imposable, parfois sans retombées claires. Le contrôle des exemptions, la transparence des bénéficiaires effectifs, l’évaluation régulière des impacts des mesures fiscales sont cruciaux. De plus, le contexte macroéconomique (influence des prix internationaux, inflation, endettement) peut limiter la marge fiscale du gouvernement.

Perspectives

Si les conclusions de cette évaluation sont bien intégrées dans les politiques publiques, le Togo pourrait encore améliorer le taux de mobilisation des recettes fiscales, ce qui renforcerait la capacité de l’État à financer ses priorités : infrastructures, santé, éducation, services publics essentiels comme l’eau, l’assainissement, etc.

Une administration fiscale performante contribue aussi à la stabilité macroéconomique, car elle réduit le besoin de financements extérieurs, diminue le déficit budgétaire et peut jouer un rôle de stabilisateur en temps de chocs économiques (hausse des prix, crises externes).

Les réformes peuvent aussi servir à améliorer la confiance des investisseurs étrangers et locaux : une fiscalité prévisible, transparente, avec moins d’arbitraire, est un élément de compétitivité et de confiance.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que la capacité d’un État à collecter des recettes fiscales efficacement est la base de sa souveraineté économique. Sans ressources domestiques suffisantes, les États restent dépendants de l’aide extérieure, des prêts, et sont vulnérables aux conditions imposées ou aux flux instables de financements externes.

Pour le Togo en particulier, l’évaluation TADAT de 2025 représente une occasion majeure de mesurer les progrès accomplis depuis 2019, de corriger les faiblesses, et d’orienter efficacement de nouvelles réformes pour moderniser l’administration fiscale, accroître les recettes, tout en maintenant l’équité et la transparence.

Dans le contexte ouest-africain, de nombreux pays partagent des défis similaires : faible base fiscale, coût élevé de collecte, exemptions mal contrôlées, faible conformité, etc. Les bonnes pratiques validées par TADAT peuvent être partagées, mutualisées et adaptées pour améliorer globalement la mobilisation des ressources dans la région.

Enfin, dans un monde où les dépenses publiques (santé, école, infrastructures) et les défis (crise climatique, migrations, instabilité) s’amplifient, avoir un fisc performant permet non seulement d’offrir des services essentiels, mais aussi de ménager un espace budgétaire pour le développement, tout en évitant un surendettement excessif.

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