Burkina Faso : exit les chèques dans l’administration dès octobre 2025, vers une trésorerie publique entièrement digitale
Une période transitoire de 30 jours est prévue (Crédit image : The Banking Association South Africa)
Les points clés :
À partir du 1er octobre 2025, l’administration publique du Burkina Faso n’acceptera plus les paiements par chèque, même certifié, une décision institutionnelle majeure.
Les moyens de paiement alternatifs validés seront le numéraire (dans les limites légales), le mobile money, les virements bancaires ou la plateforme électronique Faso Arzêka.
Cette réforme vise à réduire les incidents de paiement, les retards, améliorer la transparence et moderniser la gestion de la trésorerie publique, dans une logique de digitalisation accrue.
Le gouvernement burkinabè a adopté une mesure forte pour moderniser ses finances publiques : une circulaire du ministère de l’Économie, des Finances et de la Prospective, en date du 9 septembre 2025, stipule que les chèques, y compris les chèques certifiés, ne seront plus acceptés pour les paiements de l’État à compter du 1er octobre 2025. Cette décision concerne l’ensemble des administrations centrales, les collectivités territoriales, les établissements publics et toute entité recevant des fonds publics ou agissant pour le compte de l’État.
La suppression du chèque intervient après des constats récurrents : incidents de paiement, retards dans les règlements, coûts de traitement élevés, et complexité dans le suivi et la traçabilité. Les chèques, bien que traditionnels, apparaissent de plus en plus comme un frein aux exigences modernes de gestion de trésorerie, surtout dans un contexte où l’efficacité et la responsabilité financière sont sous pression.
Les moyens de remplacement proposés incluent le numéraire dans les limites réglementaires, les virements bancaires, le mobile money, ainsi que l’usage de Faso Arzêka, plateforme électronique de paiement déjà utilisée pour certaines taxes, redevances et frais publics. Une période transitoire de 30 jours est prévue, durant laquelle les chèques émis avant le 1er octobre pourront encore être encaissés ; au-delà, ils ne seront plus acceptés.
Cette suppression s’inscrit dans une dynamique plus large de digitalisation des administrations publiques au Burkina Faso, visant à accroître la transparence, réduire la corruption, améliorer la rapidité des transactions et optimiser la gestion de la trésorerie publique. Elle rejoint des initiatives similaires dans la sous-région ouest-africaine où les chèques sont de moins en moins utilisés par les états dans les règlements internes, en raison de leurs faiblesses structurelles.
Forces, risques et défis
Cette réforme présente plusieurs avantages nets. Elle permet d’abord une meilleure traçabilité des transactions publiques, car les chèques, en tant que documents physiques, sont sujets à pertes, falsifications ou délais d’acheminement. L’administration gagne ainsi en transparence et en responsabilité. Elle permet aussi de réduire les frais administratifs associés à la gestion des chèques, impression, envoi postal, traitements manuels, avaries, etc.
Ensuite, la mesure s’inscrit dans la tendance vers la digitalisation des paiements publics, ce qui peut améliorer la vitesse des transactions, réduire les délais de paiement aux fournisseurs, renforcer la confiance des partenaires publics et privés, et améliorer la gestion de la trésorerie de l’État. L’outil Faso Arzêka pourrait jouer un rôle central dans cette transformation.
En revanche, plusieurs défis sont à relever. Premièrement, l’accessibilité pour tous : toutes les entités ou personnes traitant avec l’État n’ont pas nécessairement un compte bancaire ou un accès facile au mobile money ou à internet. Il faudra que l’État assure une transition inclusive : formation, sensibilisation, extension de l’accès bancaire ou des services financiers mobiles dans les zones rurales.
Deuxièmement, la fiabilité des moyens de remplacement devra être garantie : les virements bancaires exigent une infrastructure bancaire stable, des liquidités suffisantes, et une interconnexion sécurisée. Le mobile money doit être fiable, suffisamment utilisé, et ses frais correctement encadrés. La plateforme Faso Arzêka doit être techniquement robuste, sécurisée contre les fraudes, et capable de supporter la charge d’un usage considérablement accru.
Troisièmement, des résistances pourraient arriver, notamment des administrations ou fournisseurs habitués aux chèques, ou des retards dans les paiements si les procédures digitales ne sont pas parfaitement adaptées. Le risque de rupture dans les chaînes de paiement existe s’il n’y a pas une bonne coordination.
Perspectives
À long terme, cette réforme peut devenir un pivot de la modernisation des finances publiques au Burkina Faso. En supprimant les chèques, le gouvernement crée les conditions pour une trésorerie plus agile, des délais de paiement réduits, une meilleure planification budgétaire, et une amélioration générale de la crédibilité financière de l’État.
Elle pourrait encourager l’adoption accrue des solutions de paiement numérique, stimuler l’inclusion financière, par exemple, en faisant que des individus ou entreprises qui n’avaient pas de banque ou d’accès au numérique se fassent accompagner, voire que des points d’accès au mobile money se multiplient.
Sur le plan régional, le Burkina Faso pourrait servir de modèle pour d’autres pays ouest-africains qui cherchent à réduire l’usage du papier dans les transactions publiques, à améliorer la gouvernance, et à adopter des systèmes digitaux efficaces (plateformes de paiement électroniques, mobile banking, etc.).
Pourquoi est-ce important ?
Cette décision de bannir définitivement les chèques dans l’administration publique est bien plus qu’un ajustement bureaucratique : c’est une stratégie essentielle pour renforcer l’intégrité, la rapidité, et la fiabilité de la gestion des finances publiques. Dans un contexte où les États ouest-africains sont souvent confrontés à des contraintes sur les recettes fiscales, des dépenses imprévues, des retards de paiements qui minent la confiance et alimentent les coûts, toute amélioration de la transparence et de la fiabilité a un effet multiplicateur.
Pour le Burkina Faso, cela signifie qu’il pourra mieux gérer ses liquidités, honorer ses engagements envers les fournisseurs, améliorer la crédibilité de ses engagements internationaux, faciliter la mobilisation de financements extérieurs ou conditionnels (prêts, dons) qui exigent une bonne gouvernance financière.
Au niveau de l’économie ouest-africaine, ce type de réforme contribue à l’harmonisation des pratiques administratives, facilite l’intégration financière, et encourage la numérisation des services publics. D’autres pays dont le Mali, la Côte d’Ivoire, le Niger pourraient s’inspirer de cette mesure pour moderniser leur propre système de paiement public.
En définitive, les gains attendus ne sont pas seulement en termes d’efficacité, mais aussi de réduction de la corruption potentielle, de mise en confiance des citoyens et des investisseurs, et d’alignement avec les normes internationales de gouvernance financière. C’est un pas concret vers un État plus fonctionnel, plus responsable, et plus réactif aux défis du 21ᵉ siècle.