Le Bénin crée le Fonds d’Investissement Communal (FIC) en vue d’une nouvelle ère pour le financement local des communes
Les points clés :
Le Bénin institue le Fonds d’Investissement Communal (FIC) pour remplacer le FADeC, afin de renforcer l’autonomie financière et les capacités d’investissement des communes.
Le FIC intégrera des financements intérieurs et extérieurs, assurera transparence, péréquation, montée en compétences locales et suivi-évaluation des projets communaux.
En 2025, le FADeC mobilisait déjà ≈ 58,23 milliards FCFA, dont près de 19,82 milliards consacrés aux investissements, ce qui servira de base de comparaison pour mesurer les progrès du FIC.
Le mercredi 17 septembre 2025, le gouvernement béninois a annoncé la création du Fonds d’Investissement Communal (FIC), instrument qui succède et remplace le Fonds d’Appui au Développement des Communes (FADeC). Le FIC ambitionne de renforcer les capacités d’investissement des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), d’élargir les sources de financement, et d’améliorer la gouvernance dans la gestion des fonds communaux.
Le communiqué officiel indique que le FIC visera à offrir « de nouvelles et innovantes sources de financement », tout en s’appuyant sur le principe de péréquation pour assurer l’équité dans la distribution des ressources. Le fonds sera habilité à collecter pour le compte des communes les rétrocessions issues de la fiscalité partagée, ce qui est un élément important pour assurer la prévisibilité des ressources des collectivités locales.
Les missions du FIC incluent non seulement le financement, mais aussi le renforcement des compétences locales : analyse financière, montage de dossiers, suivi et évaluation des projets financés afin de garantir leur pertinence et leur durabilité. Le gouvernement veut instaurer un cadre plus structuré pour la mobilisation et la gestion des ressources locales, en cohérence avec sa politique de développement territorial équilibré.
Le FADeC, qui existe depuis la création des 77 communes en 2003, a joué un rôle clef dans la décentralisation grâce à un soutien financier régulier. Selon CONAFIL, pour 2025, le FADeC dispose d’une enveloppe globale de 58,231 milliards FCFA, contre 53,748 milliards en 2024. Dans ce budget, les moyens affectés au fonctionnement des communes sont de 23,002 milliards FCFA, tandis que ceux destinés aux investissements connaissent une forte progression : de 5,598 milliards en 2024 à 19,816 milliards FCFA en 2025. Ce bond reflète la priorité donnée par l’État béninois aux infrastructures locales et aux investissements publics communaux.
Par ailleurs, les ressources extérieures destinées au FADeC vont également connaître une hausse spectaculaire : passant de 1,255 milliard FCFA en 2024 à 8,921 milliards FCFA pour 2025, soit une augmentation d’environ 611 %. C’est un indicateur fort que les partenaires extérieurs sont prêts à accompagner le Bénin dans cette dynamique de renforcement du développement local.
Forces, défis et leviers
Le FIC présente des forces notables. D’abord, le fait d’être conçu pour remplacer le FADeC avec une enveloppe déjà importante offre un bon point de départ. La forte augmentation des fonds d’investissement prévus pour 2025 montre une volonté politique de rendre les communes plus actrices du développement, non plus seulement bénéficiaires passifs.
L’équité (via la péréquation) et la transparence annoncées sont des signaux positifs pour les communes moins favorisées, qui souvent souffrent d’un retard en infrastructures ou en services publics locaux.
Le renforcement des compétences locales est également essentiel : souvent, des projets locaux échouent ou sont mal mis en œuvre à cause d’un manque de capacités techniques ou de suivi. Le FIC ambitionne d’intégrer ces volets ce qui peut réduire les pertes d’efficacité.
Mais des défis de taille subsistent. Premièrement, l’exécution effective des budgets : les retards dans la mise en œuvre des investissements, la lenteur dans les marchés publics, la capacité des communes à monter des projets viables, et les capacités humaines et techniques. On note déjà que dans certains cas, les communes peinent à consommer les dotations d’investissement du FADeC dans les délais, ce qui peut nuire à la crédibilité et à l’effet attendu.
Deuxièmement, la dépendance aux financements extérieurs, bien que bénéfique, présente des risques de volatilité, de conditions liées qui peuvent limiter la flexibilité des communes, ou encore de délais de décaissement longs.
Troisièmement, la différence de capacité entre communes bien dotées, proches des centres urbains, et communes rurales plus isolées. L’accès aux infrastructures (routes, eau, électricité, internet) et aux services financiers peut être plus difficile dans les zones éloignées, ce qui peut limiter la portée du FIC s’il n’y a pas des mécanismes de soutien différenciés.
Quatrièmement, le suivi évaluation exigera des outils de gouvernance locale, de reddition de comptes, de transparence, et la mise en place d’indicateurs de performance fiables, ainsi que des audits communaux ou externes réguliers.
Perspectives
Le FIC pourrait changer substantiellement la donne du développement local au Bénin. Avec des investissements plus importants, mieux focalisés, et une meilleure structure de gestion, les communes pourront réaliser davantage de projets de proximité : écoles, centres de santé, forages ou adductions d’eau, routes rurales, éclairage public, etc. Cela pourrait améliorer les conditions de vie locale, freiner les migrations internes vers les grandes villes, et stimuler des économies locales.
Le renforcement des capacités locales signifiera que les communes deviendront plus aptes non seulement à recevoir les financements, mais à les gérer efficacement, à planifier et à maintenir les infrastructures sur le long terme. Cela induit un cercle vertueux : meilleure performance → meilleur financement → meilleur service rendu.
Le FIC pourrait également améliorer l’image du Bénin auprès des bailleurs internationaux et des investisseurs, en montrant un engagement sérieux vers la décentralisation, la gouvernance locale, la transparence et l’efficacité dans l’utilisation des fonds publics. Cela peut attirer des partenaires techniques et financiers qui valorisent ces qualités.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que le développement local est l’assise de l’équité territoriale. Si les communes, les collectivités les plus proches des citoyens, sont bien financées, bien gouvernées et capables d’investir efficacement, cela se traduit directement par une amélioration des services de base, une meilleure qualité de vie, et une confiance accrue dans les institutions. Le FIC, en remplaçant le FADeC, offre l’opportunité de renforcer ce pilier fondamental du développement.
Pour le Bénin, c’est une stratégie pour rendre la décentralisation plus qu’un mot : pour qu’elle soit source d’autonomie, de responsabilisation, de développement harmonieux entre zones urbaines et rurales. La capacité des communes à absorber, à planifier, à exécuter des projets d’investissement local sera un indicateur majeur de la réussite du FIC.
Dans la sous-région ouest-africaine, beaucoup de pays sont en proie à des déséquilibres territoriaux : des infrastructures mal réparties, des différences de services publics entre zones rurales et urbaines, des difficultés de mobilisation des ressources propres locales. Le modèle du FIC, s’il fonctionne bien, pourrait servir de référence. Les bons rendements du FADeC dans le passé montrent que le Bénin a une base crédible sur laquelle construire.
Enfin, dans un monde où les exigences de transparence, de bonne gouvernance et de développement durable sont de plus en plus fortes, disposer d’un outil comme le FIC renforce la crédibilité de l’État. Cela peut conduire à de meilleures notations, à la confiance des investisseurs locaux et étrangers, et à la mobilisation de financements plus importants à de meilleures conditions, ce qui est crucial pour financer les objectifs locaux de développement, l’adaptation au changement climatique, l’amélioration de l’accès aux services publics, et la réduction des inégalités.