Lomé : le dragage stratégique permet au port togolais d’accueillir les plus grands porte-conteneurs de 24 000 EVP
Les points clés :
Le port de Lomé, grâce à un dragage d’ampleur terminé en septembre 2025, atteint une profondeur de -18,60 m dans le chenal d’accès, ce qui le rend apte à accueillir des navires de 19 000 à 24 000 EVP, les plus grands porte-conteneurs actuels.
L’investissement s’élève à environ 7,5 millions d’euros (~5 milliards de FCFA), financé en partie par MSC (via Terminal Investment Limited) et China Merchants Port Holding.
Le port améliore aussi ses infrastructures connexes : le cercle d’évitage, le bassin terminale et l’avant-bassin ; ces modifications renforcent sa position de hub logistique de référence en Afrique de l’Ouest.
Le Port de Lomé, via son opérateur Lomé Container Terminal (LCT) S.A., a achevé un important projet de dragage entre le 31 juillet et le 16 septembre 2025. Les travaux ont permis d’augmenter significativement la profondeur et la navigabilité du port. Le canal d’accès atteint désormais -18,60 mètres, le bassin terminale est à -17,60 m, l’avant-bassin à -17,95 m, et le cercle d’évitage s’est élargi de 500 à 550 mètres. Ces modifications sont stratégiques pour recevoir des navires de très grande capacité.
Financièrement, le projet représente un coût estimé à 7,5 millions d’euros, soit près de 5 milliards de FCFA selon les publications officielles concernant ce dragage. Ce financement est un investissement pour renforcer l’attractivité du port de Lomé, dans une région où la compétition portuaire s’intensifie.
Avant ce dragage, le terminal conteneurs du Port de Lomé via LCT déclarait une profondeur de bassin de 16,60 m, ce qui limitait l’accueil de navires très grands. Avec cette nouvelle profondeur, le port se positionne désormais pour manipuler des navires de 19 000 à 24 000 EVP, ce qui correspond à la nouvelle génération de porte-conteneurs ultra-capables.
Ces améliorations s’inscrivent dans la stratégie de Lomé de devenir un hub logistique majeur non seulement pour le Togo mais pour la sous-région ouest-africaine. Lomé est déjà classé parmi les ports les plus compétitifs de la région, avec un trafic conteneur de l’ordre de 1,9 million EVP en 2023 et une place régulière dans le top 100 mondial selon Lloyd’s List.
Le projet de dragage a été confié en partie à des entreprises spécialisées comme Eiffage Génie Civil Marine, qui avait déjà la tâche d’approfondir le quai principal, pour permettre l’accostage de navires de très grande capacité.
Forces, risques et défis
Le dragage permet à Lomé de renforcer sa capacité à rivaliser avec les autres grands ports ouest-africains, notamment Tema au Ghana, Abidjan en Côte d’Ivoire, et Lekki au Nigeria. L’augmentation du tirant d’eau permet l’accostage de plus gros navires, ce qui réduit les coûts par unité de fret, permet une meilleure économie d’échelle, et attire les armateurs qui préfèrent minimiser les transbordements ou escales intermédiaires. Ceci améliore la compétitivité logistique globale de la région.
Un autre avantage est l’amélioration de la fluidité des opérations : navires plus gros, moins de contraintes de tirant d’eau, réduction des surcoûts liés au transbordement ou aux limitations d’accostage. Cela peut aussi réduire les délais, améliorer la fiabilité des chaînes d’approvisionnement, ce qui est crucial pour les importateurs/exportateurs locaux et pour les pays enclavés qui dépendent fortement du port pour leurs échanges extérieurs.
Cependant, certains risques doivent être pris en compte. L’entretien courant est essentiel : les dragages perdent de leur effet avec le temps, érosion, dépôts de sédiments, affouillement, etc., peuvent limiter rapidement les gains en profondeur si les investissements de suivi ne sont pas promis. La gestion de la logistique terrestre, des voies routières ou ferroviaires reliant le port à l’arrière-pays sera aussi mise sous pression : accueillir de gros navires est utile uniquement si les marchandises peuvent circuler efficacement hors du port.
De plus, les infrastructures du terminal (quais, grues, aires de stockage, accès) doivent être compatibles avec le fret accru : il ne suffit pas d’accueillir le navire, il faut pouvoir le charger/décharger rapidement pour respecter les routings et éviter des surestaries (coûts de temps d’attente). La disponibilité de personnel formé, des équipements modernes (grues super-post panamax, reach stackers, etc.) et la maintenance technique ainsi que la sécurité sont des dimensions critiques.
Interconnexions régionales (douane, transport routier, procédures administratives) doivent aussi être fluides pour que le port ne soit un goulot d’étranglement. Dans certaines parties de l’Afrique de l’Ouest, les délais douaniers ou les inefficacités logistiques à l’intérieur (routes, pistes) peuvent annuler les bénéfices de tels investissements portuaires.
Perspectives
Avec ces améliorations, le Port de Lomé pourrait monter en capacité annuelle de conteneurisation, les sources parlent déjà d’un potentiel de 2,5 millions d’EVP pour le terminal rénové. Cela permette non seulement de capter davantage de trafic international, mais aussi de jouer un rôle plus fort dans les opérations de transbordement pour les pays de l’hinterland (Burkina Faso, Niger, Mali), réduisant leur dépendance aux ports moins performants.
Le renforcement des profondeurs permettra au port d’accueillir des navires de « nouvelle génération » à pleine charge, ce qui améliore le coût/EVP, attire davantage de lignes maritimes, et renforce la place du Togo dans les flux maritimes mondiaux. Cela pourrait aussi encourager des initiatives pour moderniser encore plus les infrastructures logistiques, pour anticiper la croissance du trafic, et pour diversifier les services portuaires (valorisation des zones logistiques, entreposage, industries auxiliaires).
Un autre impact potentiel est sur l’emploi direct et indirect : manutention, logistique, transport, services associés au commerce international.
Pourquoi est-ce important ?
Cette transformation du port de Lomé est plus qu’un simple dragage : c’est un virage stratégique pour toute l’économie ouest-africaine. Dans une région où le coût logistique est souvent un frein majeur au commerce, l’amélioration de la capacité portuaire se traduit par des gains concrets pour les importateurs, exportateurs, les entreprises locales, et les consommateurs.
Pour le Togo, cela renforce son rôle de plateforme maritime pour les pays enclavés, Burkina Faso, Mali, Niger, et pour les pays de l’hinterland qui dépendent de la mer pour leurs importations/exportations. Une meilleure efficacité portuaire se traduit par des coûts de transport réduits, des délais plus courts, ce qui soutient la compétitivité des produits locaux et des entreprises.
Au niveau régional, Lomé renforcé peut exercer une concurrence bénéfique sur les autres ports ouest-africains, pousser vers de meilleures performances dans les infrastructures portuaires, plus de transparence, plus d’efficacité, et encourager les investissements dans les chaînes logistiques et les infrastructures connexes (routes, chemins de fer, entreposage). Cela peut contribuer à la réduction des coûts pour le commerce intra-régional, ce qui est essentiel pour l’intégration économique de la CEDEAO.
Enfin, dans une perspective globale, avec la croissance des échanges maritimes, l’augmentation de la taille des navires et les exigences de durabilité (réductions de nombre d’escales, réduction des émissions), les ports doivent s’adapter. Lomé prend un pari sur l’avenir, un pari qui s’il est réussi, confirmera que les ports africains peuvent rivaliser sur la scène mondiale, non seulement sur le volume, mais sur la qualité, la profondeur, la fiabilité et la rapidité des opérations.