Le Franc CFA résiste : “aucun pays n’a officiellement demandé à quitter la zone”, affirme la BCEAO


Les points clés :

  • Le gouverneur de la BCEAO confirme qu’aucun pays n’a formellement demandé à sortir du franc CFA, malgré les critiques et incertitudes autour de l’Eco.

  • Le projet de monnaie unique d’Afrique de l’Ouest, l’Eco, est confronté à des retards persistants, dus à des divergences économiques et politiques entre États membres.

  • L’institution monétaire, tout en garantissant la stabilité actuelle, navigue entre modernisation prudente et pressions souverainistes croissantes.


Depuis son bureau perché au 19ᵉ étage du siège de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) à Dakar, Jean-Claude Kassi Brou observe sans relâche l’activité du port… un symbole de flux, d'échanges, et aujourd’hui, de stabilité. Interrogé par Jeune Afrique le 29 août 2025, le gouverneur ivoirien, 73 ans, a reconnu un climat tendu autour de la monnaie en Afrique de l’Ouest, mais a réaffirmé avec fermeté qu’« aucun pays n’a officiellement demandé à sortir » de la zone franc CFA.

Ce message rassurant arrive dans une période chargée d’incertitudes : le projet de monnaie unique régionale, l’Eco, censé fusionner le franc CFA et le naira nigérian, est en panne sèche. Le processus, prévu pour 2027, est retardé par des désaccords profonds entre membres de la CEDEAO, des critères de convergence non respectés, ainsi que des tensions politiques, notamment avec l’Alliance des États du Sahel (AES), conservant une hostilité vis-à-vis du système monétaire hérité de la colonisation.

Malgré ces fractures idéologiques et géopolitiques, la BCEAO choisit la continuité. L’institution conserve le CFA franc, monnaie adossée à l’euro, garantissant une stabilité monétaire à huit pays de l’UEMOA. Elle s’efforce également d’intégrer progressivement les fintechs dans son cadre, de renforcer la régulation bancaire, et de tracer prudemment le chemin vers l’Eco.

Dans ce contexte, la BCEAO tient une position délicate : préserver la crédibilité du système actuel tout en préparant, lentement, un avenir monétaire régional incertain. Cette posture est d’autant plus cruciale que des initiatives comme le système de paiement panafricain Papss flottent à l’horizon, cherchant à réduire la dépendance aux devises fortes comme le dollar ou l’euro.

Pourquoi est-ce important ?

Dans une région où chaque décision monétaire porte un poids politique et historique, le maintien officiel du franc CFA est un message clair : la stabilité prévaut face à l’instabilité. Cette monnaie, contestée, offre néanmoins une relative prévisibilité macroéconomique dans des économies souvent fragiles.

L’Eco a longtemps été vu comme l'étape centrale de l’intégration ouest-africaine. Mais l’accumulation de crises, sanctions de l’AES, écarts macroéconomiques, pandémie, guerres, pousse à une réflexion plus prudente. L’adoption d’une monnaie unique requiert une confiance mutuelle, des institutions robustes et des objectifs convergents, éléments aujourd’hui insuffisamment présents.

La BCEAO, avec son discours mesuré, offre un cadre temporel indispensable à toute transition réussie. À l’heure où Papss bâtit une architecture financière panafricaine, l’Afrique de l’Ouest pourrait trouver dans cette approche un chemin vers une souveraineté renforcée, mais durable.

En définitive, ce discours traduit une volonté de continuité et de prudence face à une transformation monétaire longtemps repoussée. Dans la quête de l’intégration, mieux vaut une base solide que des lendemains risqués.

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