Canal+ rachète MultiChoice, un pas de géant sans le secteur médiatique en Afrique
Les points clés
Canal+ a finalisé le rachat de MultiChoice pour environ 35 milliards de rands (~2,02 milliards USD), prenant le contrôle de l’un des leaders de la télévision payante en Afrique.
Le nouveau groupe combiné compte plus de 40 millions d’abonnés dans près de 70 pays, renforçant considérablement sa présence sur les marchés africains, anglophones, lusophones et francophones.
L’acquisition devient irréversible après avoir satisfait toutes les conditions réglementaires, notamment celles posées par le tribunal de la concurrence en Afrique du Sud, marquant une étape majeure dans la consolidation du secteur audiovisuel en Afrique.
Depuis plusieurs années, Canal+ cherchait à étendre son influence sur le continent africain, non seulement dans les zones francophones où il est historiquement bien implanté, mais aussi dans les marchés anglophones et lusophones, souvent dominés par MultiChoice via ses plateformes comme DStv. Le marché de la télévision payante en Afrique confrontait déjà de multiples défis : concurrence croissante des plateformes de streaming, piratage, coûts liés à l’infrastructure, pressions réglementaires et situation économique des consommateurs.
Canal+ avait déjà une participation significative dans MultiChoice (46 % avant la finalisation) mais souhaitait sécuriser le contrôle total pour aligner sa stratégie, ses dépenses de contenus, ses offres de service, et ses économies d’échelle. Après avoir proposé différentes offres, dont R105 puis R125 par action, et avoir concédé à certaines conditions réglementaires, l’accord est devenu irrévocable en septembre 2025.
Les retombées économiques et stratégiques
L’acquisition de MultiChoice par Canal+ redessine les contours de l’industrie audiovisuelle en Afrique. Le groupe Canal+ devient un acteur plus intégré et plus puissant, capable de mobiliser des contenus variés et de mieux négocier les droits sportifs, de divertissement et les contenus locaux, langues africaines, etc. L’un des effets attendus est une rationalisation des coûts de production et de diffusion, mais aussi une meilleure capacité à investir dans le streaming, le numérique, et les services over-the-top qui gagnent du terrain sur le continent.
Pour les marchés africains, cela pourrait signifier une offre plus diversifiée, potentiellement des prix plus compétitifs (à condition que les gains d’échelle soient bien retransmis), mais aussi un risque si la consolidation réduit la concurrence. Les consommateurs pourraient bénéficier de meilleure qualité, plus de choix, mais aussi subir des hausses si les coûts internes ou réglementaires ne sont pas maîtrisés.
L’opération représente aussi un signal fort pour les investisseurs étrangers : le marché africain de la télévision payante reste considéré comme porteur, et les grandes sociétés estiment qu’il y a encore du potentiel. Cela pourrait attirer davantage d’investissements dans les infrastructures de diffusion, la connectivité internet, les plateformes numériques, la production de contenus locaux, etc.
Défis associés
Même si le rachat est finalisé, le défi ne fait que commencer. Premièrement, l'intégration effective des activités, la gestion des patrimoines (chaînes, licences, marques), la coordination entre catalogues contenus, abonnés francophones vs anglophones vs lusophones, etc., demandent des ressources et une vision stratégique.
Deuxièmement, les réglementations locales, notamment en Afrique du Sud, restent sensibles : propriété étrangère, règles de “Black Economic Empowerment”, quotas de contenus locaux, droits de diffusion, etc. Le respect de ces cadres est crucial pour éviter des conflits politiques ou juridiques, ou des blocages réglementaires.
Troisièmement, la concurrence avec les plateformes de streaming internationales (Netflix, Amazon Prime, Disney+, etc.), les opérateurs gratuits, le piratage, les coûts d’accès à Internet haut débit restent des obstacles majeurs.
Enfin, le pouvoir d’achat des abonnés africains est souvent limité, soumis à l’instabilité des devises, aux coupures d’électricité, aux frais de distribution. Transformer ce géant en succès durable dépendra de la capacité à proposer des offres adaptées (prix, formats, langues, technologies) dans chaque région.
Perspectives à moyen-terme
Dans les prochaines années, Canal+ pourra bâtir un modèle hybride : télévision payante traditionnelle + streaming + contenus locaux africains, tout en optimisant ses chaînes de monétisation (publicité, contenus premium, partenariats). Le groupe pourrait développer davantage ses plateformes digitales, étendre son portefeuille de services (vidéo à la demande, sports live, contenus éducatifs, etc.).
Le rachat pourrait aussi favoriser la production locale de séries, documentaires, films dans les pays africains, s’il y a investissements dans les studios, chaînes de production, formation technique. Cela créerait des emplois, renforcerait les industries culturelles, et pourrait avoir un effet multiplicateur sur les économies locales.
Pour les infrastructures, l’obtention et la diffusion de contenus nécessitent une bonne connectivité internet, des réseaux plus fiables, un meilleur accès au numérique, ce qui pourrait déclencher des investissements dans les réseaux, les datacenters, etc.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que cette acquisition marque une étape de consolidation inédite dans un secteur clé pour la culture, l’information, la langue, et l’identité sur le continent africain. Le fait que Canal+ prenne le contrôle de MultiChoice signifie qu’il y a volonté de concentrer des capacités de diffusion, de production, et de distribution, ce qui donne plus de poids pour négocier, investir, et orienter les contenus selon les réalités africaines.
Du point de vue économique, le secteur des médias est un socle de génération de revenus, d’emplois, de services connexes (technique, logistique, numérique), de création artistique. Il contribue au PIB via les abonnements, la publicité, les exportations de contenus. Pour les pays africains, un tel mastodonte peut contribuer à accroître l’offre locale de contenus, valoriser les langues africaines, stimuler les talents locaux, et améliorer l’accès à la culture pour des populations éloignées.
Dans une économie mondiale où les médias et le streaming définissent de plus en plus les modes de consommation, de formation, de divertissement, et où les plateformes globales gagnent du terrain, il est stratégique pour les acteurs africains d’avoir une taille critique. Ce rachat permet à Canal+ / MultiChoice de se rapprocher de cette taille, d’affronter les plateformes internationales sur plus d’un pied.
Enfin, cela affecte l’intégration régionale et les marchés pan-africains : un groupe fort avec une couverture sur de nombreuses langues et régions peut dessiner des passerelles entre francophonie, anglophonie, lusophonie, et catalyser l’intégration des contenus, réduire les coûts de droits pan-africains, harmoniser les standards.