Nigéria : une usine solaire d’un gigawatt en gestation pour accélérer la souveraineté énergétique


Les points clés :

  • Le Nigéria, via REA, InfraCorp et la firme néerlandaise Solarge BV, met en place Solarge Nigeria Limited, une usine de panneaux solaires d’une capacité de 1 gigawatt, visant à couvrir 50 % de contenu local en 3 ans.

  • REA s’engage à acheter 200 mégawatts de modules par an pendant cinq ans pour alimenter les institutions publiques, garantissant une demande stable pour la nouvelle usine.

  • L’usine s’inscrit dans le cadre des programmes fédéraux NPSSI (National Public Sector Solarisation Initiative) et RHIDF (Renewed Hope Infrastructure Development Fund), et ambitionne de réduire la dépendance aux importations et d’augmenter la valeur ajoutée locale dans le secteur des énergies renouvelables.


Depuis quelques années, le Nigéria intervient dans une phase de transformation énergétique où la solarisation et les renouvelables sont au cœur des politiques publiques. Le plaidoyer pour une fabrication locale des équipements photovoltaïques s’intensifie alors que le pays importe massivement panneaux, cadres, cellules, etc. Le projet de Solarge Nigeria Limited est l’une des réponses les plus ambitieuses à cette dynamique.

L’accord de création de Solarge Nigeria Limited lie trois acteurs : l’Agence d’Électrification Rurale (REA), InfraCorp (agence de financement des infrastructures) et Solarge BV, entreprise néerlandaise spécialisée dans les modules solaires. Selon le site officiel de la REA, ce partenariat public-privé (PPP) est structuré de manière à combiner expertise technologique étrangère, financements locaux et pilotage public pour garantir la cohérence avec les politiques de solarisation du secteur public.

L’usine aura une capacité de production de 1 GW par an, ce qui représente une montée en puissance significative dans la fabrication locale. Le plan est de parvenir à un contenu local de 50 % dans les trois premières années, une exigence forte pour stimuler le tissu industriel intérieur (matières premières, main d’œuvre spécialisée, composants auxiliaires).

Pour garantir la viabilité économique, le REA s’engage via un mécanisme d’offtake (achat garanti) à acquérir au moins 200 MW de modules solaires par an pendant cinq ans, pour desservir ses programmes publics, notamment NPSSI et autres initiatives d’électrification publique. Cette forme de marché captif réduit les risques financiers pour l’investisseur.

Le contexte législatif joue aussi en faveur de ce projet : le Nigéria a récemment renforcé ses régulations sur le contenu local, approuvé des politiques pour encourager la fabrication locale (Electricity Act, politiques de solarisation, etc.). L’idée est de réduire le fardeau des importations de panneaux solaires, qui coûtent cher non seulement en devise, mais aussi en délais, transport, logistique, certification.

Forces, défis et leviers du projet

L’une des principales forces de ce projet est le modèle de partenariat entre public et privé, combinant les capacités de financement (InfraCorp), politiques publiques (REA) et l’expertise technologique étrangère (Solarge BV). Ce cadre permet d’apporter les garanties structurelles qu’exige une usine de grande envergure.

Le fait de prévoir un achat garanti sur plusieurs années (200 MW/an pendant 5 ans) est un levier majeur : il réduit le risque lié à la demande, assure une base opérationnelle minimum, augmente la confiance des investisseurs.

Le contenu local visé à 50 % est un signal fort pour le développement de la chaîne de valeur : cela stimule la production locale des composants accessoires, la formation, les infrastructures, les fournisseurs locaux, la création d’emplois directs et indirects.

Cependant, le projet fait face à des défis non négligeables. Le Nigéria devra s’assurer que la chaine d’approvisionnement locale (matière première, composants, logistique) soit capable de répondre à la qualité et aux volumes requis pour être compétitive. Si les composants importés restent dominants, les coûts resteront élevés.

La stabilité réglementaire est un autre élément critique. Les droits de douane, les taxes à l’importation des composants non produits localement, la clarté des normes techniques, la certification de qualité, les incitations financières (subventions, allègements fiscaux) sont des conditions essentielles pour que l’usine soit viable et compétitive. Des incertitudes dans ces domaines peuvent freiner l’investissement ou rallonger les délais.

L’accès à l’énergie, la disponibilité d’électricité stable pour la production, les infrastructures (routes, ports, transport de composants lourds) sont également des défis importants.

Enfin, il y a le défi du financement initial (capex) et de la gestion de la monétique des devises ; le fait que certains équipements ou matières premières doivent être importés expose le projet aux fluctuations du taux de change. Le Nigéria devra veiller à protéger ce type de projet contre les risques macro-économiques et offrir des garanties ou mécanismes de couverture.

Perspectives attendues

Ce projet pourrait transformer le secteur solaire nigérian. D’ici quelques années, on pourrait assister à une réduction sensible des importations de panneaux solaires, à une baisse des coûts pour les utilisateurs finaux (institutions publiques, communautés rurales, etc.), à une amélioration de la fiabilité des livraisons, et à une montée en compétence significative de la main-d’œuvre locale dans la fabrication, l’assemblage, le contrôle qualité.

L’industrialisation du secteur solaire peut stimuler des emplois nombreux, non seulement dans l’usine elle-même, mais aussi dans les activités connexes : transport, logistique, installation, maintenance, services de certification, ingénierie.

L’amélioration de l’accès à l’énergie propre pour écoles, hôpitaux, bureaux publics via les programmes NPSSI ou RHIDF contribuera à résorber le déficit énergétique du secteur public, à réduire les coûts d’exploitation (moins de dépendance diesel, etc.), et à accroître la résilience aux chocs énergétiques mondiaux.

Si ce modèle fonctionne, il pourrait devenir une référence pour d’autres pays d’Afrique de l’Ouest, voire au-delà, souhaitant développer une industrie solaire domestique forte, moins dépendante des importations, plus intégrée localement, plus durable.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que le Nigéria, en tant que la plus grande population d’Afrique, le potentiel économique le plus élevé dans la région, et l’un des plus gros consommateurs d’énergie, sert souvent de baromètre pour les tendances régionales. Si le Nigéria réussit à construire une usine de fabrication solaire de 1 GW avec 50 % de contenu local et une demande publique garantie, cela envoie un signal fort : l’Afrique peut produire ses propres technologies énergétiques et ne plus dépendre exclusivement des importations pour ses transitions vertes.

Pour les finances publiques, cela peut réduire les sorties de devises liées aux importations de panneaux solaires, ce qui contribue à la stabilité macroéconomique. Pour l’environnement, la transition vers l’énergie solaire propre dans le secteur public allège les émissions, réduit la dépendance aux générateurs fossiles, améliore la fiabilité énergétique dans les zones sensibles (écoles, hôpitaux).

Sur le plan social et de développement, l’industrialisation locale ouvre des opportunités d’emploi qualifié, stimule l’innovation locale, permet de développer des compétences techniques, et renforce l’écosystème des PME locales dans la filière solaire, ce qui peut avoir un effet multiplicateur sur l’économie.

Dans le cadre de l’intégration régionale, un Nigéria plus industrialisé dans le solaire peut devenir un fournisseur pour les pays voisins, contribuer à la réduction des coûts de l’énergie, et aider à accroître l’inclusion énergétique dans l’Afrique de l’Ouest. Cela s’inscrit dans les objectifs plus larges de la zone CEDEAO pour l’énergie et la durabilité.

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