Classement IDH Afrique 2025 : Ile Maurice et Seychelles en tête, le reste du continent à la traîne
Le rapport 2025 place l’IA au cœur du débat du développement humain (Crédit image : PNUD)
Les points clés :
Les Seychelles (0,848) et Maurice (0,806) sont les deux seuls pays africains classés dans la catégorie « très haut » niveau de développement humain.
Vingt-trois pays africains restent classés en « faible développement humain », dont le Soudan du Sud (0,388), la Somalie (0,404), et la République centrafricaine (0,414).
Le rapport 2025 met en débat le rôle de l’intelligence artificielle : vecteur de progrès ou moteur d’inégalités, selon les choix politiques.
Le Human Development Report 2025, publié par le PNUD, se base sur les données de l’année 2023 pour établir son tableau des performances humaines au plan mondial. Le rapport pose la question capitale : « A matter of choice: People and possibilities in the age of AI », autrement dit, quel rôle les décisions humaines joueront-elles dans un monde où l’intelligence artificielle gagne en influence ?
Selon la base de données du PNUD, l’IDH (Human Development Index) est la moyenne géométrique normalisée de trois composantes : la santé (espérance de vie à la naissance), l’éducation (années attendues + années moyennes scolaires), et le niveau de vie (le revenu national brut par habitant ajusté). Sur le plan africain, les résultats montrent des disparités fortes : seuls deux pays atteignent la catégorie la plus élevée, un petit nombre se situent dans les classes intermédiaires, et une majorité demeure dans les niveaux les plus bas du développement humain.
Au sommet, on retrouve les Seychelles avec un score de 0,848, devançant Maurice qui atteint 0,806. Ces deux îles de l’océan Indien sont les seuls représentants africains dans la catégorie « très haut développement humain » pour 2023. En deuxième rang continentaux, on observe des pays d’Afrique du Nord : l’Algérie (0,763), l’Égypte (0,754), la Tunisie (0,746), la Libye (0,741) et le Maroc (0,710). Parmi les nations d’Afrique subsaharienne, seuls l’Afrique du Sud, le Gabon (0,733) et le Botswana (0,731) atteignent la classe « élevé ».
La majorité des pays africains (19) appartiennent à la catégorie « développement humain moyen », avec des scores compris approximativement entre 0,5 et 0,59. On y retrouve des États comme le Sénégal (≈ 0,530), la Gambie (0,524), la RDC (0,522), le Malawi (0,517). Enfin, 23 pays se trouvent dans la catégorie la plus faible, avec des scores critiques : Soudan du Sud (0,388), Somalie (0,404), RCA (0,414), Tchad (0,416), Niger (≈ 0,419). Ces États sont fréquemment affectés par des conflits, des fragilités institutionnelles, une pauvreté endémique ou un accès très limité aux services sociaux de base.
L’évolution entre les rapports précédents et celui-ci révèle une progression lente mais réelle pour certains pays : certains sortent du bas de tableau, d’autres enregistrent de légères hausses dans l’éducation ou la santé, mais cette progression est irrégulière.
L’intelligence artificielle : potentiel, risques et arbitrages
Le rapport 2025 place l’IA au cœur du débat du développement humain. Il souligne que l’intelligence artificielle ne transforme pas seulement les technologies, mais influe sur les libertés, les capacités individuelles et les choix sociétaux. Il met en garde : l’IA pourrait accentuer les inégalités si son adoption n’est pas guidée par des principes d’inclusion, d’équité et d’orientation humaine.
En Afrique, des initiatives émergent : dans l’éducation, des plates-formes d’apprentissage adaptatif ; en santé, l’usage de diagnostics assistés par IA dans des zones rurales ; en agriculture, des systèmes d’aide à la prévision climatique ou à l’optimisation des semences. Toutefois, la fracture numérique, le manque d’infrastructures, la faible connectivité, la pénurie de compétences techniques risquent de limiter l’effet de levier de l’IA dans les pays les plus vulnérables. (Voir l’étude « Empowering Africa: AI adoption in Africa » sur le paysage africain de l’IA)
Le rapport insiste que l’IA ne doit pas être un substitut du développement humain, mais un complément, un outil mieux utilisé par des décisions éclairées. Les États doivent investir dans la formation (compétences numériques, littératie algorithmique), dans l’éthique de l’IA, dans la réglementation, les données ouvertes, ainsi que dans des partenariats publics-privés. Sans cela, les technologies risquent d’être captées par les élites économiques ou d’amplifier les inégalités existantes.
Enjeux, forces, défis
La grande force de ce rapport est sa capacité à lier les dimensions sociales (santé, éducation, revenu) à la révolution technologique en cours. Il fournit un outil conceptuel pour repenser le développement à l’ère du numérique. Pour l’Afrique, il pose un défi : comment tirer profit de l’IA sans reproduire les inégalités du monde passé.
Un obstacle majeur est le manque de capacités institutionnelles et techniques. La plupart des pays africains peinent à disposer de systèmes de collecte de données fiables, d’écosystèmes technologiques, de régulations robustes et d’humains qualifiés capable d’opérer, contrôler et orienter l’IA. Résultat : l’IA risquerait d’être importée, non maîtrisée, ou contrôlée par des acteurs extérieurs, avec des bénéfices captifs.
Un autre défi est le biais algorithmique, la vie privée, la gouvernance des données. Si les données sont limitées, biaisées, peu inclusives, l’IA pourrait reproduire des discriminations (genre, zones rurales, groupes minoritaires). Il faudra des cadres juridiques, des instances de contrôle, des mécanismes de reddition de comptes.
Enfin, le défi de la mise à l’échelle. Même si certains projets pilotes fonctionnent (diagnostics médicaux par IA, aide agricole, tutoriels intelligents), leur extension à l’ensemble du territoire et leur intégration dans les services publics nécessitent des ressources, des infrastructures durables (connectivité, centres de données, énergie) et une cohésion politique.
Pourquoi est-ce important ?
Parce que l’Indice de développement humain est bien plus qu’un indicateur : c’est un miroir du progrès social, du bien-être, des promesses du développement. Il révèle les marges de progrès possibles dans ce que vivent les peuples — santé, éducation, revenu. Le fait que seul Maurice et les Seychelles dépassent le seuil « très élevé » signale que l’Afrique reste en chantier pour le développement humain.
Parce que l’Afrique tient un enjeu pivot dans l’ère de l’IA : le continent peut soit rester spectateur de l’innovation technologique, soit en être un acteur, et modeler une approche africaine du numérique et de l’humain. Si l’IA est encadrée avec justice, elle peut accélérer l’accès aux services, réduire les coûts, pallier les faiblesses institutionnelles et compenser certaines pénuries.
Parce que les choix faits aujourd’hui, formation, infrastructure numérique, politique ouverte des données, auront un impact durable. Plutôt que d’être subie, l’IA peut devenir une force de transformation inclusive, si les pays africains investissent dans leurs capacités humaines et institutionnelles.
Enfin, pour l’économie ouest-africaine en particulier, ce rapport rappelle que le développement ne peut reposer uniquement sur la croissance économique (produit intérieur brut), mais doit s’accompagner d’amélioration réelle des conditions de vie, de santé et d’éducation. L’intégration progressive de technologies (connectivité, IA, numérique) dans des politiques de développement humain peut constituer un pivot pour emboîter l’Afrique dans les trajectoires d’innovations durables et équitables.