« Togo-BAD 2025 : évaluation du portefeuille de 22 projets à 72 % de décaissement, quel bilan et quelles priorités ? »


Les points clés :

  • Le portefeuille de la Banque Africaine de Développement (BAD) au Togo compte 22 opérations pour un montant total d’environ 425 millions d’Unités de Compte, avec un taux de décaissement atteint de 72,71 %.

  • Ces projets couvrent les secteurs agricoles, des transports, de l’énergie, du social, de la finance et de la gouvernance.

  • La revue en atelier (22–25 septembre 2025) vise à tirer les leçons, ajuster les orientations et renforcer l’alignement entre les priorités togolaises et les interventions de la BAD.


La relation entre le Togo et la BAD s’étend sur plusieurs décennies, fondée sur une coopération couvrant l’infrastructure, l’agriculture, l’énergie, le développement social, la gouvernance et l’intégration régionale. Le 22 septembre 2025, à Lomé, s’est ouvert un atelier de revue du portefeuille 2025, dans le cadre des préparatifs de la prochaine stratégie-pays de la BAD pour le Togo. Cette démarche reflète l’importance accordée à la performance opérationnelle et à la relecture stratégique conjointe.

Selon les données annoncées, le portefeuille actuellement en cours d’exécution comprend 22 opérations : 16 projets nationaux et 6 projets régionaux, pour une enveloppe globale d’environ 425 millions d’Unités de Compte, ce qui correspond, selon le média togolais TogoFirst, à environ 343 milliards FCFA (soit ~ 1 UC ≈ 806 FCFA). Le taux de décaissement global atteint 72,71 %, un chiffre relativement élevé, indiquant que les projets ne sont pas simplement approuvés mais qu’une part importante des financements a été libérée pour la mise en œuvre.

Ces projets recouvrent plusieurs domaines : la finance, le transport, l’agriculture, l’énergie, la gouvernance et le social. Parmi les initiatives phares, on compte la réhabilitation de la RN2, le Projet de Transformation Agroalimentaire (PTA II) évalué à 16,4 milliards FCFA, ainsi qu’une garantie partielle de crédit de 130 milliards FCFA pour soutenir les investissements verts et sociaux.

La revue vise à capitaliser les expériences, identifier forces et faiblesses, exposer les contraintes opérationnelles et proposer des ajustements pour améliorer l’efficacité du portefeuille et consolider le partenariat entre le Togo et la BAD. Le secrétaire général du ministère de l’Économie et des Finances, Stéphane Tchasso Kpobiew Akaya, a souligné l’importance de faire converger la feuille de route nationale Togo 2025 avec les interventions de la Banque, dans la perspective d’un plan national de développement 2026–2030.

Forces déjà à valoriser

Le taux de décaissement de plus de 70 % est un signal positif, montrant que les ressources se matérialisent concrètement sur le terrain. Il témoigne d’une capacité relativement avancée des organes d’exécution à absorber les fonds. La variété sectorielle (agriculture, énergie, transport, gouvernance) confère une résilience au portefeuille face aux chocs sectoriels.
L’existence de projets régionaux dans le portefeuille souligne l’ambition du Togo d’insérer ses infrastructures dans des schémas d’intégration sous-régionale, ce qui peut générer des externalités positives.

Contraintes structurelles et opérationnelles

Malgré le bon taux de décaissement, des défis demeurent. Tout d’abord, la qualité des projets : certaines opérations peuvent souffrir de retards, de faiblesses dans le pilotage, de problèmes de suivi-évaluation ou d’écarts de coût non anticipés. La capacité administrative nationale, parfois limitée, est mise à rude épreuve.
Ensuite, l’alignement entre la vision stratégique nationale et les priorités de la BAD doit être constamment ajusté, pour éviter des projets “hors cadre” ou mal intégrés dans les plans locaux. Le processus de co-conception, la gouvernance locale et la concertation territoriale sont des leviers clés pour corriger ces déséquilibres.
Un autre défi est la prévisibilité budgétaire et la mobilisation des contreparties nationales, souvent requises dans les projets de développement. Si l’État ne peut assumer ses engagements, l’exécution souffre.
Enfin, les chocs exogènes (climatiques, pandémies, crises économiques internationales) pèsent lourd sur les ressources publiques et peuvent retarder le décaissement ou la mise en œuvre effective.

Un élément complémentaire à considérer est l’efficacité des investissements publics au Togo, comme le montre l’évaluation C-PIMA (Climate Public Investment Management Assessment) menée en 2024 par le FMI pour le Togo. Elle identifie des marges d’amélioration dans la planification, la coordination, l’évaluation ex post et la transparence des investissements publics, notamment dans les projets sensibles au climat.

Projets structurants et perspectives en appui

La revue 2025 n’est pas seulement un bilan, mais une plateforme pour réorienter et prioriser les projets futurs. Parmi les opérations déjà identifiées figurent le dédoublement de l’Autoroute de l’Unité (RN1) entre Lomé et Cinkassé, estimé à 2,9 milliards USD, et l’extension de l’aéroport de Lomé, avec des investissements projetés à plus de 100 millions d’Unités de Compte.

Parmi les engagements récents, le gouvernement togolais et la BAD ont signé un financement de 16,4 milliards FCFA (≈ 20 millions d’UC) pour la phase II du Projet de Transformation Agroalimentaire (PTA II), visant à consolider les acquis agricoles, développer les infrastructures de transformation et promouvoir l’investissement privé dans les filières clés.

La BAD, de son côté, organise des journées portes ouvertes pour les organisations de la société civile (OSC) au Togo afin de renforcer la transparence, l’appropriation locale des projets et la participation citoyenne dans toutes les phases (planification, mise en œuvre, évaluation). En juin 2025, une telle journée a réuni une trentaine d’OSC à Lomé.

Le renforcement des partenariats avec la société civile est une condition nécessaire pour renforcer la qualité des projets et minimiser les frictions territoriales. Le dialogue tripartite (gouvernement / BAD / société civile) est désormais promu comme un standard de gouvernance inclusive.

Recommandations pour maximiser l’impact

Au lieu d’apparaître comme une simple liste de recommandations techniques, les pistes évoquées pour maximiser l’impact de cette revue prennent une dimension stratégique. Elles insistent d’abord sur la nécessité de consolider le système de suivi-évaluation. Des indicateurs précis, des audits périodiques et des outils de remontée d’information en temps réel permettraient de mieux détecter les blocages et d’y remédier rapidement.

Dans le même esprit, le dialogue territorial et la gouvernance locale doivent être renforcés. L’implication des collectivités, des acteurs locaux et même des citoyens dès la conception des projets garantirait plus de transparence et une meilleure appropriation des initiatives.

Face aux chocs exogènes, qu’il s’agisse de crises économiques, climatiques ou géopolitiques, la gestion des risques reste également un axe prioritaire. Prévoir des clauses de contingence ou des mécanismes financiers flexibles, tels que des réaménagements ou reports, pourrait offrir une résilience accrue.

L’alignement stratégique des projets constitue un autre levier déterminant. Les nouvelles opérations doivent s’inscrire dans la continuité du futur plan national 2026-2030, appelé à succéder à la feuille de route 2025, et répondre aux priorités de transformation structurelle du pays.

La question du financement n’est pas en reste. Pour alléger la pression sur la BAD et sur l’État togolais, le recours aux cofinancements, qu’ils proviennent du secteur privé, de bailleurs bilatéraux ou de fonds climatiques, est fortement encouragé.

Par ailleurs, le renforcement des capacités institutionnelles apparaît comme un pilier incontournable. La formation des équipes nationales, la digitalisation des processus de gestion et l’adoption d’outils modernes de pilotage du portefeuille de projets donneraient une efficacité accrue à l’action publique.

Enfin, l’expérience accumulée doit être mieux valorisée. Produire des études de cas, partager les leçons apprises et organiser des panels avec d’autres pays bénéficiaires contribuerait à enrichir la stratégie commune entre la BAD et le Togo, en la rendant évolutive et toujours mieux adaptée aux réalités.

Pourquoi est-ce important ?

Parce que ce portefeuille de projets de la BAD ne constitue pas simplement une “liste d’actions”, mais un levier potentiel de transformation structurelle pour le Togo. Une exécution réussie, efficace et équilibrée peut accélérer l’industrialisation, l’intégration régionale, la sécurité alimentaire, la connectivité, l’inclusion sociale. Si au contraire les projets piétinent par manque de pilotage, la crédibilité du partenariat et la confiance des investisseurs peuvent être fragilisées.

À l’échelle ouest-africaine, le Togo se positionne comme un exemple de pays de taille modeste cherchant à maximiser le rendement de l’aide publique au développement. Le succès de cette revue pourrait inspirer d’autres États à renforcer l’évaluation, la transparence et la cohérence de leurs portefeuilles de projets multilatéraux.

Enfin, dans un contexte de contraintes budgétaires accrues, de compétitions internationales pour les financements et de fortes attentes sociales, chaque projet compte. Il faut que les financements décaissés génèrent des résultats tangibles, routes en service, champs agricoles transformés, énergies connectées, services sociaux renforcés, pour que la BAD et le Togo puissent revendiquer un surcroît de légitimité et encourager de nouvelles vagues d’investissement.

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