Togo : 1 700 milliards de FCFA pour transformer la RN1 et l’aéroport de Lomé

Les points clés :

  • Le Togo engage environ 2,9 milliards de dollars pour dédoubler la nationale N°1 (Lomé-Cinkassé), une artère vitale pour l’intégration régionale.

  • Le portefeuille actif de la BAD au Togo s’élève à près de 425 millions d’unités de compte (≈ 343 milliards de FCFA), avec un taux de décaissement de 72,7 %.

  • L’aéroport de Lomé-Tokoin est en pleine extension pour renforcer son rôle de hub logistique, avec des travaux déjà bien avancés sur le terminal et les parkings.

Le 22 septembre 2025, lors de la session de réévaluation du portefeuille de la stratégie-pays 2022-2026 de la Banque africaine de développement (BAD), le Togo a relancé deux de ses projets d’infrastructures les plus ambitieux : le dédoublement de la nationale RN1 (Lomé-Cinkassé) et l’extension de l’aéroport international de Lomé-Tokoin. Ces projets visent non seulement à moderniser le pays, mais cherchent à positionner le Togo comme un hub économique sous-régional, capable de dynamiser le commerce, de fluidifier la logistique et de renforcer l’intégration avec les pays voisins.

Le projet RN1 : une artère stratégique porteuse de promesses

La RN1 relie Lomé au nord, jusqu’à Cinkassé, faisant d’elle un axe central non seulement pour le Togo, mais pour les pays enclavés comme le Burkina Faso, le Niger, voire le Mali. Le projet « Unity Highway RN1 » nécessite un investissement estimé à 2,9 milliards de dollars. Ce coût place ce projet parmi les plus importants en termes de budget infrastructurel dans le pays.

Cette artère est cruciale pour le commerce de transit, car beaucoup de marchandises, notamment agro-alimentaires, matières premières, produits manufacturés, transitent par le Togo pour atteindre d’autres marchés de l’intérieur de l’Afrique de l’Ouest. Améliorer cette route, c’est réduire les temps de transport, les coûts logistiques, les pertes sur les biens sensibles, tout cela favorisant compétitivité et attractivité.

Le portefeuille de la BAD : ampleur et efficacité

Selon plusieurs sources, le portefeuille actif de la Banque africaine de développement au Togo atteint environ 425 millions d’unités de compte (≈ 343 milliards de FCFA), réparti sur 22 opérations (16 nationales, 6 régionales) avec un taux de décaissement global de 72,7 %. Ce portefeuille finance des secteurs clés : transport (routes, logistique), énergie, agriculture, gouvernance, social.

Cette performance de décaissement (près de 73 %) est relativement élevée, signe d’une capacité administrative et institutionnelle du Togo à mobiliser les financements et à mettre en œuvre les projets. Mais les fonds engagés restent gigantesques, ce qui expose aussi aux risques liés à la supervision, aux délais de réalisation, aux surcoûts ou aux retards.

L’extension de l’aéroport de Lomé : modernisation et ambition régionale

L’aéroport international Gnassingbé Eyadema de Lomé (AIGE), géré par la Société aéroportuaire de Lomé-Tokoin (SALT), connaît une série de travaux d’extension : agrandissement du terminal, création de nouveaux parkings pour gros porteurs, rénovation des espaces commerciaux. Les salles d’attente seront agrandies pour accueillir environ 500 passagers supplémentaires, dans le but de faire grimper le trafic de 1,4 million actuellement à environ 2 millions de passagers par an. 

Ces travaux visent à renforcer les normes de sécurité et sûreté conformes aux standards internationaux, à améliorer l’expérience passager, et à attirer de nouvelles compagnies aériennes. Tout cela dans une logique de hub régional, ce que la géographie du Togo semble favoriser, s’il parvient à bien connecter ses infrastructures terrestres et aéroportuaires.

Coûts, financement et défis

Le coût du projet RN1 de 2,9 milliards USD dépasse les efforts de financements précédents. Le financement devrait provenir de la BAD et de partenaires associés.  Quant à l’aéroport, bien que les montants précis pour l’extension récente (travaux de terminal, parkings, etc.) ne soient pas toujours clairement chiffrés dans toutes les sources, le fait que les travaux soient avancés montre que des financements ont déjà été mobilisés. 

Parmi les défis : l’impact des délais, des coûts additionnels, des problèmes logistiques, de maintenance, mais aussi la mobilisation de financements complémentaires (secteur privé, investisseurs étrangers) pour couvrir les besoins non seulement des constructions mais de leur exploitation à long terme.

Un levier de croissance mais exigeant

L’investissement dans les infrastructures routières et aéroportuaires n’est pas simplement un coût, c’est un multiplicateur de croissance. Améliorer la RN1 réduira les coûts de transport pour les entreprises nationales, permettra une circulation plus rapide des marchandises, réduira l’usure des véhicules, et améliorera la sécurité. Pour les agriculteurs des zones productrices du nord, cela signifie accéder plus facilement aux marchés, moins de pertes, plus de revenus.

L’aéroport, pour sa part, renforce le potentiel du Togo à devenir un centre logistique pour les échanges aériens, les correspondances, les escales, les services de fret express, etc. Cela peut attirer des compagnies, favoriser le tourisme, stimuler les services annexes (hôtellerie, restauration, transport, services d’affaires).

Risques financiers, endettement et viabilité

L’un des défis majeurs réside dans le financement des projets. Un coût de 2,9 milliards USD est élevé pour un pays dont le PIB n’est pas énorme. Les financements externes, prêts concessionnels, garanties de la BAD ou autres bailleurs seront essentiels, mais impliquent aussi des obligations (remboursements, conditions, délais).

Si les retards interviennent, ou si l’entretien n’est pas pris en compte, les infrastructures peuvent perdre rapidement de leur potentiel. L’exploitation, la maintenance, la sécurité, les ressources humaines qualifiées, tout cela pèse fortement une fois les travaux terminés.

Gouvernance, transparence et capacité administrative

Le taux de décaissement de près de 73 % est encourageant, mais les revues du portefeuille montrent des goulots d’étranglement : délais de signature des conventions, lenteurs dans les décaissements initiaux, parfois complexité dans les marchés publics. Ces défis sont typiques, mais dans les projets d’envergure, peuvent creuser les coûts ou réduire les retours.

D’autre part, la nécessité de coordonner les projets régionaux (par exemple pour la route qui sert aussi aux pays voisins) impose une vision intégrée, des accords transfrontaliers, des normes compatibles, etc.

Impact socio-économique et compétitivité

Au-delà des aspects purement infrastructurels, ces investissements ont une dimension sociale. Réduire le temps de trajet, améliorer les services aéroportuaires, diminuer les coûts logistiques, cela signifie pour beaucoup de citoyens un meilleur accès aux biens, aux services de santé, à l’emploi. Les gains de productivité peuvent se traduire par une baisse des coûts de certains produits, ou du moins une maîtrise de l’inflation importée par les coûts de transport.

Pourquoi est-ce important ?

Pour le Togo comme pour toute l’Afrique de l’Ouest, l’enjeu dépasse la modernisation superficielle. L’investissement massif dans des infrastructures de transport terrestres (RN1) et aéroportuaires (Lomé) peut être un catalyseur de transformation économique, pouvant contribuer à :

• améliorer l’intégration régionale : la RN1 facilite les corridors de commerce, permet aux pays enclavés de mieux accéder aux marchés internationaux via le port de Lomé, ce qui peut modifier les équilibres géopolitiques et économiques dans la sous-région ;

• renforcer la compétitivité du Togo : coûts logistiques plus bas, attractivité pour les investisseurs, meilleure connectivité aérienne et terrestre, ce qui peut stimuler l’industrie, le commerce et les services ;

• créer de l’emploi et dynamiser les secteurs locaux : construction, entretien, services connexes, tourisme, agro-industrie, tous peuvent bénéficier de l’effet d’entraînement ;

• atténuer les coûts liés aux déséquilibres infrastructurels : réduction des pertes post-récolte, diminution des frais de transport, de l’usure des véhicules, des délais de livraison, autant de charges qui pèsent particulièrement sur les économies rurales ou périphériques ;

• préparer le futur : dans une ère où les chaînes de valeur mondiales se redéploient, où la logistique et la connectivité comptent de plus en plus, disposer d’infrastructures solides peut permettre au Togo de capter des parts de marché que beaucoup ne peuvent plus revendiquer.

Cependant, ce pari est conditionnel, conditionnel à une gouvernance transparente, à une mobilisation judicieuse des financements, à la capacité d’entretien, et à une vision cohérente de développement. Les pays de la région regardent : si le Togo réussit ce tournant, cela peut être un modèle ; s’il échoue ou se heurte à des échecs dans l’exécution, cela pourrait décourager les bailleurs ou exacerber les inégalités internes (zones favorisées vs zones reculées).

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