Nigéria : Aliko Dangote envisage la construction d’un port « géant » à Olokola
Une ambition grandeur nature (Crédit image : Entrepreneuriat par excellence en Afrique)
Les points clés :
Dangote ambitionne de construire le plus grand port en eau profonde d’Afrique de l’Ouest à Olokola pour soutenir ses activités industrielles.
Cette plateforme multimodale doit fluidifier les exportations de gaz, d’engrais et de carburants, tout en allégeant la saturation portuaire à Lagos.
Le projet s'inscrit dans une stratégie d’intégration verticale et d’industrialisation panafricaine portée par l’un des rares groupes transcontinentaux du continent.
Aliko Dangote, classé homme le plus riche d’Afrique avec près de 27,8 milliards USD, s’attaque désormais au maillon manquant de son empire : les infrastructures portuaires. Fin juin, le conglomérat a déposé une demande officielle de construction d’un gigantesque port maritime à Olokola, dans l’État d’Ogun, à environ 100 km au nord de Lagos. Cette infrastructure, déclarée comme la plus grande et la plus profonde du Nigéria, vient compléter le complexe industriel déjà impressionnant de Dangote à Lekki, incluant raffinerie et usines d’engrais. Situé à 100 km de là, ce port vise à résoudre le goulot d’étranglement paralysant les ports de Lagos.
Lancement d’une nouvelle ère portuaire
Selon Dangote, il ne s’agit pas de s’approprier le transport, mais de stimuler l’investissement privé. Du côté des autorités, le soutien du gouverneur Dapo Abiodun et du gouvernement fédéral a permis de ranimer ce projet mis en pause il y a plus d’une décennie à Olokola. Le projet vise à s’inscrire dans une dynamique panafricaine, en lien avec l’AfCFTA, pour fluidifier les flux sur le golfe de Guinée.
Optimisation des chaînes énergétiques
L’infrastructure dessert directement les activités pétrochimiques et gazières de Dangote. Elle facilitera l’exportation de gaz naturel liquéfié via un pipeline jusqu’à la mer, un contournement des voies existantes dépendantes des installations de NLNG. Les fertilisants et carburants seront ainsi acheminés plus efficacement, avec un impact notable sur la chaîne logistique et les coûts associés.
Selon une estimation, l’investissement global pour la raffinerie s’élèverait à 3,5 milliards de dollars pour le seul port, tandis que l’ensemble du complexe avoisinerait les 20 milliards. Comparativement, le port de Lekki a représenté un coût d’environ 1,3 milliard USD.
Une réponse aux congestions portuaires
Les ports de Lagos, bien qu'ayant bénéficié du Lekki Deep Sea Port (2,5 millions TEU/an), restent saturés et limités. Olokola pourrait absorber une part des volumes, notamment ceux liés à l’industrie énergétique, et promettre un allègement structurel pour l’économie nationale et régionale. Les projections du Nigerian Economic Summit Group estiment que le port d’Olokola pourrait injecter 1 à 1,5 % supplémentaires dans le PIB d’ici 2026, générer 200 000 emplois directs et indirects, et soutenir la stabilité du naira par les devises générées.
Selon des analystes de Quantum Commodity Intelligence, ce projet pourrait faire d’Olokola un nouveau hub majeur, gérant jusqu’à 5 millions d’EVP (unités équivalentes vingt pieds) en dix ans, derrière Durban et Mombasa. Associé au parc industriel d’Itori et à la raffinerie de Lekki (550 000 barils/j non loin du rendement maximal prévu de 650 000 barils/j), ce port permettrait d’atteindre un effet domino positif sur la balance commerciale, le PIB et la création d’emplois.
Enjeux et risques à considérer
Les défis restent nombreux : fiabilité énergétique, sécurité dans le Delta, risques climatiques et géopolitiques . Cependant, l'expérience de Dangote dans des secteurs comme le ciment ou la logistique pourrait atténuer les risques liés aux infrastructures, à l’administration et à la gouvernance.
Pourquoi est-ce important ?
Ce projet illustre un tournant dans l’industrialisation nigériane et ouest‑africaine. En combinant port, pipeline, raffinage et logistique, Dangote crée une chaîne de valeur intégrée rarement vue sur le continent. Cette initiative offre une réponse structurée à la congestion portuaire, renforce la souveraineté énergétique et ouvre la voie à l’émergence de hubs industriels régionaux.
Pour les économies ouest‑africaines, un tel modèle pourra inspirer des mécanismes d’investissement public‑privé ambitieux, stimuler le développement des infrastructures critiques, favoriser l’emploi et améliorer la compétitivité à l’export. Elle met également en lumière la nécessité pour les pays de renforcer leur cadre réglementaire, sécuritaire et énergétique afin d’attirer des projets de cette envergure.
Enfin, Olokola peut devenir plus qu’un port : un symbole d’indépendance économique, un moteur de coopération régionale, et une vitrine de l’intégration industrielle africaine.