Réhabilitation des barrages urbains : Ouagadougou réécrit son futur bleu
Barrage hydroélectrique de Samandéni (Crédit image : Studio Yafa)
Les points clés :
Le Burkina redynamise ses barrages urbains de Ouagadougou avec un projet de plus de 300 milliards FCFA.
Ce chantier vise à restaurer l'approvisionnement en eau, développer le tourisme et créer un écosystème économique autour des plans d'eau.
Le projet s'inscrit dans les ambitions de développement endogène du président Traoré et dépendra d’un financement massif et d’un pilotage institutionnel fort.
À Ouagadougou, la capitale burkinabè voit renaître l’un de ses anciens fleurons environnementaux : les barrages urbains 1, 2 et 3. Construites en 1963 pour alimenter la ville en eau potable, ces retenues, d’une capacité initiale de près de 14,96 millions m³, ont progressivement souffert d’une dégradation préoccupante. Occupation anarchique des berges, prolifération de jacinthes d'eau, pollution et maraîchage informel ont aujourd’hui terni leur vocation première et contribué à une salubrité inquiétante. C’est dans ce contexte que l’Agence de l’Eau du Nakanbé (AEN), sous la houlette du ministre Roger Baro, a relancé le projet de réaménagement de ces infrastructures, lors d’un atelier stratégique du 10 juillet dernier.
Porté par la volonté du président de la transition, Ibrahim Traoré, le projet va bien au-delà de la simple restauration hydraulique. Il présente une vision intégrée d’aménagement urbain et de transition écologique endogène. L’objectif est de transformer ces barrages en véritables pôles d’attractivité, avec des plans d’eau navigables, des zones touristiques et des espaces commerciaux, s’inscrivant dans le Programme national de refondation urbaine.
Une ambition chiffrée : plus de 300 milliards FCFA sur la table
Selon les études préliminaires de 2007, le coût de la rénovation s’élèverait à plus de 300 milliards FCFA (environ 535 millions USD). Pour justifier un tel effort financier, le directeur général de l’AEN, Boukaré Sabo, a insisté sur les retombées envisagées : amélioration de l’accès à l’eau, création d’emplois liés au tourisme et à la culture, valorisation de l’environnement et dynamisation de l’économie locale.
Ces fonds visent notamment à financer le curage des bassins, la réhabilitation des digues, la construction de ponts et voies d’accès, ainsi que des infrastructures de loisirs et services. Toutefois, le financement reste une question centrale : la réussite du projet dépendra de la mobilisation de financements publics et partenariaux, ainsi que de la volonté politique de garantir une gestion pérenne et respectueuse des usages.
Protection, gouvernance et enjeux de résilience
Derrière la charge financière, se cache la complexité de la gouvernance. La réussite du chantier exige la coordination entre l’AEN, le ministère de l’Eau, les collectivités territoriales (comme la Ville de Ouagadougou), et les utilisateurs actuels des barrages (agriculteurs, entreprises, communautés riveraines). La mise en place de Comités Locaux de l’Eau (CLE), instruments de concertation créés dès 2007, sera essentielle pour structurer un dialogue inclusif.
Ces comités pourront arbitrer entre respect des bandes de servitude, contrôle des prélèvements et préservation de la ressource, comme l’expérience menée à Loumbila l’a montré. Il s’agit aussi d’inscrire le projet dans une stratégie de lutte contre les plantes envahissantes, la pollution et de promouvoir la résilience face à des pressions urbaines croissantes.
Pourquoi est-ce important ?
Ce projet de réaménagement des barrages de Ouagadougou est stratégique non seulement pour le Burkina Faso, mais aussi pour l’économie ouest-africaine. D’abord parce qu’il incarne une transition vers une urbanisation durable, confrontée au défi d’équilibrer croissance démographique et préservation des ressources. Il illustre un modèle de développement endogène mis en avant par le président Traoré, soucieux d’ancrer la croissance dans les réalités locales.
Ensuite, il envoie un message clair sur la capacité de mobilisation des acteurs publics, privés et communautaires autour d’un objectif commun. Il favorise aussi un meilleur accès à l’eau potable, enjeu critique pour la santé et la productivité urbaine. Enfin, en ciblant le tourisme, les loisirs et les services, il crée des débouchés économiques nouveaux pour la jeunesse, tout en consolidant la résilience urbaine face au changement climatique.
Au-delà de Ouagadougou, ce projet offre un modèle exportable vers d’autres agglomérations africaines confrontées à des défis similaires. Il avance un concept de gestion intégrée des ressources, appuyé par l’AEN et les CLE, qui valorise à la fois l’environnement, l’économie et la cohésion sociale. Dans un continent en quête de solutions innovantes pour ses villes, le projet des barrages urbains du Burkina prend ainsi une dimension symbolique et pragmatique, à la fois test grandeur nature et laboratoire de bonne gouvernance.
Ce chantier, s’il est mené jusqu’à son terme, pourrait devenir un repère d’excellence dans le continent, démontrant que l’investissement massif, inscrit dans une vision globale de gestion de l’eau et de développement urbain, est non seulement une nécessité, mais aussi une opportunité pour générer des bénéfices sociétaux, environnementaux et économiques durables.