Togo : un soutien du FMI aux réformes, mais à quel prix ?

Les points clés :

  • Le FMI débloque 60,5 M $ pour soutenir le budget togolais dans le cadre d’un prêt structurel.

  • La croissance économique solide (5,3 % en 2024) est contrebalancée par une dette publique élevée (≈ 69 % du PIB) et des contraintes sécuritaires.

  • Des réformes fiscales et institutionnelles profondes sont exigées, au prix d’un ajustement social potentiellement douloureux.

Le 30 juin 2025, le Conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a autorisé un décaissement immédiat de 60,5 millions de dollars (44 millions de DTS) au Togo, dans le cadre de sa Facilité Élargie de Crédit (FEC). Cette enveloppe fait suite à la réussite de la deuxième revue de l’accord, et illustre la confiance de l’institution dans la trajectoire économique nationale.

Ce prêt s’inscrit dans un programme ambitieux de 42 mois et 390 millions $, débuté en mars 2024. Les autorités togolaises ont globalement respecté les objectifs définis, notamment une augmentation des recettes fiscales et non fiscales, malgré un léger dépassement des dépenses qui alourdit la dette publique .

Une croissance robuste, mais fragile

Les indicateurs macroéconomiques du Togo présentent un visage contrasté : une croissance économique dynamique, estimée à 5,3 % en 2024, bien orientée vers une projection à moyen terme de 5,2 % en 2025 et 5,5 % par la suite . L’inflation, quant à elle, est maîtrisée à 2,6 % en avril 2025, contribuant à stabiliser le coût de la vie.

Pourtant, cette performance masque des fragilités. L’essor économique est freiné par des défis sécuritaires persistants dans le nord du pays, qui pèsent sur les dépenses publiques. De plus, le rythme de consolidation budgétaire a été plus lent que prévu, entraînant une accumulation rapide de la dette. Selon les chiffres officiels, la dette publique du Togo avoisine désormais 69 % du PIB, bien au-dessus des 55 % visés d’ici 2027.

Des réformes structurelles conditionnelles

Le soutien du FMI est assorti d’un ensemble exigeant de réformes, destinées à soulager le fardeau budgétaire et à renforcer la bonne gouvernance.

  1. Mobilisation accrue des recettes fiscales et non fiscales, avec mise en place d’une stratégie à moyen terme pour accroître l’assiette fiscale .

  2. Suppression progressive des subventions aux carburants, dans la même logique que l’ajustement recommandé pour stabiliser les finances publiques.

  3. Réévaluation des tarifs des services publics (eau, électricité) pour assurer la viabilité financière des services .

  4. Publication d’un audit complet de la gouvernance, incluant une évaluation diagnostique, et alignement des obligations de déclaration de patrimoine sur les normes anti-corruption internationales.

  5. Réduction de la dette publique à 55 % du PIB d’ici 2027, un objectif ambitieux qui implique un arbitrage entre austérité et soutien à la croissance .

Ces mesures reflètent une feuille de route claire, mais laissent entrevoir la perspective d’un ajustement budgétaire sévère, risquant de peser sur les couches les plus vulnérables.

Impact socio-économique : vers une tension sociale sous-jacente

Cette configuration crée un dilemme structurant. Si la croissance et l’inflation donnent des motifs d’espoir, l’exécution des réformes pourrait générer des tensions sociales. La réduction des subventions et la hausse des tarifs de l’énergie et de l’eau risquent d’exacerber la pression sur les ménages à faibles revenus.

De plus, l’obligation pour l’État de stabiliser sa dette à long terme impose une discipline fiscale stricte, au risque de limiter les investissements sociaux et la qualité des services publics.

Une trajectoire ouest-africaine sous influence

L’intervention du FMI au Togo s’inscrit dans un mouvement global en Afrique de l’Ouest, où plusieurs pays s’efforcent de stabiliser leurs économies via des programmes structurés (Sierra Leone, Bénin, Burkina Faso). Dans la région UEMOA, en particulier, la préparation aux défis macroéconomiques exige une coordination étendue.

Le Togo, malgré sa taille modeste, peut se positionner comme un “modèle pilote” dans la mise en œuvre de réformes ambitieuses, si toutefois il parvient à en maîtriser les effets secondaires.

Pourquoi est-ce important ?

Le dénouement du second examen FEC constitue un jalon majeur pour le Togo : il confirme la crédibilité internationale du pays et permet de consolider ses fondamentaux macroéconomiques. Néanmoins, il ouvre une période de tensions possibles, où l’innovation institutionnelle devra s’opérer sans sacrifier la cohésion sociale.

Sur le plan régional, la démarche togolaise peut inspirer d’autres nations de la CEDEAO, confrontées aux mêmes équations de croissance, dette et inclusion. La réussite d’un tel programme repose sur la capacité des États à combiner discipline budgétaire, justice sociale et gouvernance transparente.

Au final, le pari du Togo est clair : transformer les conditions imposées par le FMI en opportunités de transformation structurelle, en s’appuyant sur une croissance soutenue, une administration modernisée et un front social apaisé. Ce défi, s’il est relevé, pourrait contribuer à renforcer la résilience économique de l’Afrique de l’Ouest face à un contexte mondial volatile.

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