Services publics en Afrique : les champions qui tracent la voie selon la BAD
Services publics en Afrique (Crédit image : RT)
Les points clés :
L’Afrique affiche un score moyen de 45,39 /100 à l’Indice PSDI de la BAD.
Maurice, Égypte et Afrique du Sud dominent, suivi par plusieurs pays ouest‑africains.
Le PSDI révèle des failles persistantes en souveraineté alimentaire et en industrialisation.
Dans un contexte africain en pleine mutation, la performance des gouvernements à fournir des services publics de qualité constitue un enjeu stratégique. C’est pour mesurer cette dimension essentielle que la Banque africaine de développement (BAD) a lancé en mai 2025 l’Indice de prestation des services publics (PSDI), évaluant 49 pays sur cinq dimensions clés : énergie électrique, souveraineté alimentaire, intégration régionale, industrialisation et inclusion socio‑économique.
Avec un score moyen de seulement 45,39 sur 100, l’Afrique se trouve largement en dessous du seuil d’excellence, marquant un écart de 54,61 points avec l’idéal. Cet écart est particulièrement prononcé dans les infrastructures industrielles (–71,23), le développement des chaînes de valeur agricoles (–69,49), la libre circulation (–62,43) et l’éradication de l’extrême pauvreté (–60,76) . Ces constats font écho aux défis structurels relevés depuis la pandémie, comme le rappelle la BAD dans son rapport PSDI .
À l’avant-garde de ce classement, Maurice obtient la première place avec un score de 59,96, se distinguant notamment en matière d’inclusion socio‑économique, d’énergie propre et d’industrialisation. Toutefois, elle reste en retrait sur la souveraineté alimentaire et l’intégration régionale . L’Égypte (58,99) et l’Afrique du Sud (58,89) suivent, appuyées par des infrastructures énergétiques solides et des secteurs industriels robustes .
La sous‑région ouest‑africaine est aussi bien représentée. Le Sénégal (56,62) se positionne au 4ᵉ rang, porté par ses réformes institutionnelles et sa stabilité politique. Le Ghana (55,74) décroche la 5ᵉ place au prix d’efforts multisectoriels. Le Maroc (6ᵉ avec 55,22) illustre l’intérêt d’investissements ciblés dans les infrastructures et les énergies renouvelables . Ces performances sont le fruit d’une volonté forte d’aligner les actions nationales sur l’Agenda 2063 et les priorités « High 5 » de la BAD (énergie, industrie, souveraineté alimentaire, intégration, inclusion).
Les Seychelles (7ᵉ, 54,87), la Tunisie (8ᵉ, 53,68), Eswatini (9ᵉ, 53,20) et la Côte d’Ivoire (10ᵉ, 52,35) complètent le top 10. La Côte d’Ivoire, en particulier, montre des signes de reprise institutionnelle post‑crise, illustrant le rôle possible d’un renforcement de gouvernance dans l’amélioration des services publics .
Ce classement révèle un constat crucial : aucun pays africain n’atteint encore les 60 % sur l’ensemble des dimensions, et même les meilleurs présentent des déséquilibres sectoriels. Le Kenya, par exemple, excelle en énergie (72,04) mais sombre en industrialisation (37,71), selon le PSDI . Ces contrastes soulignent l’importance d’une approche ciblée : l’amélioration des performances publiques passe par la remédiation des déficits spécifiques.
Ce PSDI n’est pas un simple outil de comparaison ; il incarne une orientation stratégique. La BAD prévoit de lancer en 2027 le Prix de la prestation des services publics, afin de récompenser les progrès tangibles de certains États. Selon le président Akinwumi Adesina, la performance publique doit être mesurée non pas seulement en infrastructures, mais en capital social et développement privé. Le professeur Kevin Urama rappelle que ce suivi constitue une boussole essentielle pour atteindre les objectifs continentaux.
Pourquoi est-ce important ?
L’Afrique de l’Ouest, par ses champions comme le Sénégal et le Ghana, démontre que des réformes ciblées peuvent produire des effets significatifs sur la qualité des services publics. Cette dynamique crée un cercle vertueux : un secteur public plus efficient stimule l’investissement privé, améliore la confiance citoyenne, favorise la croissance inclusive et renforce l’industrialisation.
L’identification claire des faiblesses structurelles, par exemple, la souveraineté alimentaire ou l’accès à l’énergie, permet d’orienter les financements publics et privés vers les priorités stratégiques. Le futur Prix PSDI renforcera cette incitation, en valorisant les meilleures pratiques. À l’heure où l’intégration régionale gagne en importance, une prestation publique efficace devient un levier essentiel pour soutenir le commerce intra-africain et valoriser les ressources autochtones.
En bref, le PSDI n’est pas seulement un outil de diagnostic : il est une invitation à l’action. Pour une Afrique de l’Ouest ambitieuse, son usage stratégique pourrait contribuer à combler de larges fractures, renforcer la résilience économique et bâtir les fondations d’une intégration continentale efficace et durable.