Kalana renaît de ses cendres au Mali : l’or industriel recrée du pouvoir… et soulève des questions de souveraineté
La réactivation de Kalana marque un tournant pour le Mali (Crédit image : Africa Business+)
Les points clés :
La mine d’or de Kalana, première exploitation industrielle du Mali, va rouvrir en partenariat avec Endeavour Mining.
Avec un potentiel estimé à 4 tonnes d’or par an pendant 11 ans, elle pourrait générer jusqu’à 135 milliards FCFA (238 M USD) de revenus annuels.
Le code minier de 2023 permet à l’État de détenir jusqu’à 35 % des parts, renforçant les leviers de contrôle public mais suscitant aussi des tensions avec les opérateurs étrangers.
L’exploitation de Kalana avait démarré en 1984 sous le régime soviétique, puis stoppé en 1991 après des années de production modeste (~ 500 kg/an). L’acquisition du site par Endeavour Mining en 2017 a permis des études plus ambitieuses : 150 000 onces/an (≈ 4 t) sur 11 ans, tirées de réserves estimées à 1,8 million d’onces et ressources comprises supérieures à 2,3 mio onces (~ 66 tonnes).
Ce virage stratégique s’accompagne d’un protocole signé en juillet 2025 entre l'État malien et Endeavour, le projet devant entrer en construction six mois après signature et fonctionner dans les 18 mois.
Des retombées économiques substantielles
Le ministre des Finances malien table sur des revenus annuels de 135 milliards FCFA (≈ 238 M USD) pour Kalana, auxquels se rajoutent 50 milliards pour Bagama et 75 milliards pour Faboula, autres gisements relancés.
Ces revenus s’intégreront dans un cadre fiscal renforcé : le code minier de 2023 offre à l’État 10 % de parts gratuites, puis une option d’achat de 20 % supplémentaires, et une rétrocession de 5 % aux investisseurs maliens pour assurer localement un ancrage de l’activité à hauteur de 35 % au total.
Gouvernance et enjeux politiques
L’adoption du nouveau code minier en août 2023 a permis d’augmenter significativement les recettes de l’État : une hausse prévue de 500 milliards FCFA (≈ 800 M USD) par an, pour porter la contribution du secteur à 15–20 % du PIB, contre 9 % auparavant.
Ce renforcement de l’héritage national est inscrit dans une stratégie de souveraineté économique assumée. Toutefois, il génère des tensions visibles, notamment avec Barrick Gold et Resolute Mining, dont les dirigeants ou employés ont été arrêtés dans un contexte de renégociation agressive des participations et taxes.
Le défi Endeavour : financement et rentabilité
Selon l’étude de 2021, il faudra 297 millions USD pour remettre Kalana en production, coût assumé par Endeavour. La société, numéro un régional, a produit 341 000 onces au T1 2025 dans les pays voisins, confirmant sa capacité technique.
L’impact sur les filières et PME locales sera renforcé par les exigences de contenu local et formation professionnelle, déjà mises en œuvre sur d'autres sites d'Endeavour. Mais la défiance des investisseurs étrangers face aux détentions et au climat réglementaire oppressif demeure un freineur non négligeable.
Pourquoi est‑ce important ?
La réactivation de Kalana marque un tournant pour le Mali, en repositionnant le pays dans une trajectoire où les ressources naturelles servent d’abord l’intérêt national. Avec un potentiel de 66 tonnes d’or et des recettes annuelles significatives, le projet contribue à la diversification économique et à la réindustrialisation.
Sur le plan ouest-africain, cette initiative fait écho à la tendance contintentale vers des codes miniers plus assertifs, en Ghana, Burkina ou Sénégal, encourageant les États à revendiquer une part active dans l’exploitation de leurs ressources. Si elle est bien gérée, cette relance peut incarner un modèle de cohabitation réglementée entre investisseurs internationaux et souveraineté nationale, avec retombées en emplois, fiscalité et développement territorial.
Cependant elle rappelle aussi que le climat politique et sécuritaire est déterminant pour attirer des capitaux industriels lourds. Les tensions avec Barrick ou Resolute soulignent que le choix souverain doit être accompagné d’un environnement réglementaire stable et prévisible.
En somme, Kalana devient plus qu’une mine : un symbole du Mali qui choisit de faire briller son or pour les Maliens, mais en conservant un équilibre fragile entre contrôle public et attractivité économique.