Sénégal : « Jubbanti Koom », un ambitieux plan de redressement économique et social

Le Sénégal se trouve à un carrefour critique (Crédit image Jeune Afrique)


Les points clés :

  • La dette publique du Sénégal atteint 119 % du PIB, avec un déficit budgétaire de 14 %, selon de nouveaux audits publics.

  • Le plan de redressement repose à 90 % sur des financements domestiques, rompant avec l’habitude des prêts extérieurs.

  • L’ambition est double : rétablir la soutenabilité financière tout en réinventant un modèle endogène basé sur des réformes structurelles et non sur l’endettement.


À Dakar, le 1ᵉʳ août 2025, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté le plan de redressement économique et social dit “Jubbanti Koom” (redressement collectif), fruit d’un constat brutal mais assumé : une dette de 119 % du PIB et un déficit budgétaire de 14 %, conditions qui avaient été largement dissimulées sous l’ancien régime. Le plan s’inscrit dans un projet à long terme, la Vision 2050, dont la première phase est une cure de redressement triennale, visant à poser les bases d’un modèle économique endogène et inclusif.

Dans cette présentation, Sonko a insisté sur la rupture avec le passé : transparence totale, vérité des chiffres, et priorité donnée à la main d’œuvre, aux ressources intérieures et à la mobilisation citoyenne.

Le plan repose sur trois piliers principaux. Le premier consiste à réduire la dépense publique, en réformant la commande publique, digitalisant les processus budgétaires, et en réduisant la taille de l’État. La rationalisation des coûts vise une économie estimée à 100 milliards FCFA.

Le deuxième pilier met l’accent sur la mobilisation des ressources domestiques. Taxer plus efficacement le mobile money, atteindre une taxation de 70 % sur les paris en ligne, et instaurer une fiscalité environnementale ou genre-responsive sont autant de leviers pour stimuler les recettes internes.

Le troisième pilier promeut une finance endogène et diversifiée : promotion de l’épargne publique, du capital-investissement local, de la finance islamique, du financement participatif, et renégociation des contrats stratégiques, afin de réduire la dépendance extérieure.

Selon les estimations, le plan devrait générer 5 600 milliards FCFA d’ici 2028 :

  • 2 111 milliards issus des nouvelles ressources domestiques,

  • 1 091 milliards par recyclage d’actifs,

  • 50 milliards issus de la réduction des dépenses publiques,

  • 1 352 milliards via le financement endogène sans endettement.

Pourquoi est‑ce important ?

Le Sénégal se trouve à un carrefour critique où l’autorité publique et la confiance citoyenne peuvent être reconstruites par un exercice de vérité. En misant sur une financement domestique massif, le pays cherche à reconquérir sa souveraineté économique, dans la droite ligne du modèle de gouvernance républicaine revendiqué par Sonko et le président Faye.

Cette démarche résonne au-delà des frontières sénégalaises : c’est un appel à toute l’Afrique de l’Ouest pour prioriser la mobilisation citoyenne plutôt que les prêts extérieurs. Dans un contexte où les institutions régionales comme la ZLECAf gagnent en importance, un Sénégal stabilisé et autonome peut devenir un facteur d’inspiration.

La mise en œuvre de ce plan marquera un point de bascule si elle parvient à conjuguer rigueur budgétaire, justice sociale et croissance endogène. Elle constituera un test de gouvernance pour toute la région, en réaffirmant que le développement peut partir des ressources et capacités locales, et non de la dette internationale.

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