Blanchiment d’argent : la Côte d’Ivoire épinglée par l’Union européenne, quelles conséquences économiques en Afrique de l’Ouest ?

Cette décision repose sur les évaluations du GAFI


Les points clés :

  • La Côte d’Ivoire est désormais classée « pays à haut risque » par l’UE en matière de blanchiment d’argent.

  • Cette décision repose sur les évaluations du GAFI, qui pointe d’importantes faiblesses structurelles dans les régulations ivoiriennes.

  • Le placement sur cette liste menace les flux d’investissements, la collaboration financière avec l’UE, et sollicite des réformes urgentes.


La décision prise par la Commission européenne le 10 juin 2025 d’inscrire la Côte d’Ivoire sur sa « liste noire » des juridictions à haut risque pour le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme marque un tournant significatif dans la dynamique financière régionale. Aux côtés de l’Algérie, de l’Angola, du Kenya, et de la Namibie, Abidjan est désormais sous une surveillance renforcée quand il s’agit des transactions impliquant des entités opérant dans l’Union européenne.

La mise en évidence par Bruxelles des lacunes structurelles ivoiriennes, absence d’un cadre législatif complet criminalisant le délit d’initié ou le financement du terrorisme, illustre un appel clair à profondes réformes. Le président du jury de la Commission, Maria Luís Albuquerque, ne s’y trompe pas : cette inclusion vise à inciter Abidjan à renforcer ses mécanismes de prévention et de répression sur le blanchiment et le financement des activités terroristes .

En s’appuyant sur le travail du Groupe d’action financière (GAFI), l’Union européenne entérine ainsi une décision cohérente avec sa quatrième directive anti-blanchiment, créant des obligations supplémentaires pour les institutions financières européennes qui traitent avec la Côte d’Ivoire.

Des signaux financiers à ne pas négliger

Sur le plan économique, le risque d’un « déclassement financier » pèse sur l’attractivité ivoirienne. Les banques opérant en Côte d’Ivoire devront appliquer des mesures de diligence renforcée, potentiellement entraînant des surcoûts, une réduction des flux de capitaux, et une moindre appétence des investisseurs étrangers . À l’inverse, les pays retirés simultanément de la liste comme le Sénégal illustrent la portée tangible que peuvent avoir les réformes en matière de LBC/FT.

Dans la région, le rôle de la GIABA, l’organisme FSRB de la CEDEAO, devient crucial. Il devra coordonner avec le GAFI pour aider les États à renforcer leurs législations et leurs systèmes de supervision. La performance de la Côte d’Ivoire dans ces chantiers déterminera directement son aptitude à sortir de cette liste.

Des réformes en cours, mais insuffisantes

Abidjan a déjà amorcé des réformes : renforcement de la surveillance des professions non financières, amélioration de la transparence foncière, et collaboration accrue avec le GAFI. Néanmoins, la Commission européenne pointe l’inefficacité persistante des sanctions et le manque d’accès aux informations essentielles sur les bénéficiaires effectifs.

Dans ce contexte, la nécessité d’une gouvernance plus stricte du secteur financier et d’une implication plus active de toutes les parties prenantes (autorités publiques, régulateurs, secteur bancaire) est plus pressante que jamais.

Pourquoi est‑ce important ?

L’inscription de la Côte d’Ivoire sur la « liste noire » de l’Union européenne représente un avertissement foudroyant pour le système financier de la sous‑région. Au-delà d’un simple marqueur politique, elle résonne comme un défi économique majeur : une intensification des contrôles et un risque accru de fuite de capitaux peuvent ralentir les ambitions de croissance et d'intégration régionale. Alors que la quasi-totalité des économies de l’UEMOA ambitionnent une rehausse de leur profil d’investissement, la situation ivoirienne rappelle qu’une gouvernance rigoureuse des flux financiers n’est pas un luxe mais une condition sine qua non pour renforcer la confiance des investisseurs, promouvoir la stabilité et rendre l’Afrique de l’Ouest plus attractive sur la scène mondiale.

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