Afrique de l’Ouest : le Nigeria défie les géants avec la plus grande usine de terres rares

Terres rares (Crédit image : Africa Exclusive)


Les points clés :

Le Nigeria s'apprête à accueillir la plus grande usine de terres rares du continent, portée par un investissement de 400 M $.

Le pays vise à faire passer l’apport du secteur minier de moins de 1 % à 10 % du PIB d'ici 2026.

Des zones d’ombre entourent les sources, le financement, le calendrier et la nature exacte des minéraux traités.


Au cœur de l’État de Nasarawa, le projet porté par Hasetins Commodities Ltd promet de transformer le paysage minier nigérian. Comptant porter sa capacité de traitement de terres rares de 6 000 à 18 000 tonnes par an, cette usine, dotée d’un financement annoncé à 400 M $, pourrait devenir la plus importante d’Afrique. Derrière cette ambition, se profile une volonté affirmée du gouvernement d’Abuja de diversifier son économie, actuellement dépendante à plus de 90 % des revenus pétroliers.

Des incertitudes qui appellent des clarifications

Malgré la communication officielle, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Quelles terres rares seront traitées ? Où seront extraites les matières premières ? Le financement avance-t-il réellement ? Aucun calendrier de production ni contrat d’approvisionnement n’a été publié, laissant planer le doute . En comparaison, des pays comme l’Angola et la Tanzanie, avec leurs projets Longonjo ou Ngualla, publient régulièrement des études de faisabilité et des échéanciers clairs.

Un positionnement stratégique pour l’Afrique

Cette initiative s’insère dans un contexte global favorable. La demande mondiale en terres rares, indispensables aux véhicules électriques, éoliennes et technologies vertes, devrait quadrupler d'ici 2030. L’Afrique, riche en ces ressources, ambitionne de capter une part plus importante de la chaîne de valeur. Le Nigeria, 4ᵉ producteur africain selon l’USGS avec 13 000 tonnes en 2024, se positionne comme nouvel acteur devant émergers .

Des retombées potentielles pour les économies ouest-africaines

Le lancement de cette usine pourrait créer plus de 10 000 emplois, générer un transfert de compétences et dynamiser les PME locales, selon le ministre des Mines, Dele Alake. Au-delà du Nigeria, cette dynamique invite les pays voisins à valoriser leurs propres ressources stratégiques, notamment le lithium, cobalt et baryte. L’intégration régionale via la ZLECAf pourrait permettre la circulation de technologies, main-d’œuvre qualifiée et infrastructures adaptées, consolidant ainsi le développement minier local.

Une réaction régionale saluée, mais prudente

Les investisseurs attendent des garanties : information fiable, conditions fiscales transparentes, respect environnemental. L’Union africaine et la CEDEAO pourraient jouer un rôle de coordination, en instaurant des standards pour les minerais critiques et en favorisant l’harmonisation réglementaire. Les pays ouest-africains, en s’inspirant des modèles nigérian ou angolais, pourraient accélérer leur montée en puissance dans ce secteur porteur.

Pourquoi est-ce important ?

Ce projet témoigne d’un tournant pour l’économie ouest-africaine, marquant un passage de l'exploitation brute au traitement local de ressources stratégiques. En construisant une chaîne de valeur complète, l’Afrique peut capter une plus grande part des bénéfices générés par la transition mondiale. Toutefois, pour éviter les pièges du manque de transparence et des risques environnementaux, une gouvernance renforcée, un partenariat public-privé équilibré et des standards régionaux sont indispensables. C’est à cette condition que l’exploitation des terres rares deviendra un puissant levier de croissance inclusive et de souveraineté économique.

Précédent
Précédent

Café, cacao, coton… comment l’offre abondante pèse sur les géants ouest-africains

Suivant
Suivant

Coton ouest-africain : la bataille silencieuse entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso