Café, cacao, coton… comment l’offre abondante pèse sur les géants ouest-africains

Café (Crédit image : RT)


Les points clés :

  • Les cours du café chutent à cause d’une offre mondiale en hausse et de stocks abondants.

  • Le cacao s’effondre sous l'effet de pluies favorables en Afrique de l’Ouest et de niveaux d’inventaires américains record.

  • Des signaux mitigés émergent sur le coton, tandis que le sucre et l'énergie oscillent entre tension et prudence.


L’évolution récente des marchés de matières premières révèle un glissement significatif : l’équilibre semble désormais reposer sur le poids de l’offre plutôt que sur la spéculation. Le marché du café en illustre parfaitement la dynamique. Les prix de l’arabica ont perdu près de 8 % en un mois, tandis que les cours du robusta touchent leur point le plus bas en 13 mois. L’USDA prévoit une légère hausse de la récolte brésilienne, soit 65 millions de sacs, et une progression de presque 7 % en Vietnam. Les conditions climatiques, particulièrement des pluies récentes au Brésil, laissent entrevoir des récoltes plus rassurantes et accentuent la pression sur les cours. Néanmoins, la vigueur persistante de la demande (le déficit mondial d’arabica étant projeté à environ 8,5 millions de sacs en 2025/26) maintient un équilibre encore fragile.

Dans le cacao, la baisse est plus nette et rapide. Les prix sur les marchés de New York et Londres ont enregistré leur niveau le plus bas depuis deux à trois mois, tirés vers le bas par de fortes précipitations en Afrique de l’Ouest . Ces pluies promettent une récolte abondante dans le cœur de la filière mondiale, tandis que les stocks américains approchent un sommet de neuf mois, après être passés d’un creux de 21 ans. Les exportations ivoiriennes, bien que ralenties, n’ont pas été suffisantes pour inverser cette tendance.

L’incertitude caractérise pour sa part le coton. Après une phase haussière, les investisseurs semblent adoptent désormais un comportement attentiste. Les inquiétudes portent sur le niveau de la prochaine production dans les pays clés, notamment les États-Unis et l’Inde, ainsi que sur la fragilité de l’équilibre entre stocks et demande textile dans un contexte de tensions commerciales et de fluctuations monétaires.

Le sucre retrouve de la vigueur : un rebond de ses cours est perceptible, soutenu par des perspectives de récolte réduite au Brésil et une forte demande du Pakistan. De plus, la hausse du cours du pétrole renforce l’attrait pour l’éthanol, au détriment du sucre. Enfin, les prix de l’énergie voient un léger reflux, tant le marché demeure en proie à l’incertitude géopolitique, notamment les tensions américano-iraniennes, et aux aléas de la négociation sino-américaine.

Cette semaine marque un retour en force des fondamentaux. L’abondance des récoltes brésiliennes, les pluies ouest-africaines et les niveaux élevés de stocks pèsent sur les prix. Les matières premières agricoles sont particulièrement soumises à ces ajustements saisonniers, tandis que le marché énergétique reste suspendu à la géopolitique et aux choix monétaires.

Pourquoi est-ce important ?

L’impact de cette tendance sur l’économie ouest-africaine est décisif. Cacao et café représentent des piliers pour de nombreux pays de la sous-région, notamment la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria. Une baisse prolongée des prix alimentaires peut fragiliser des économies dépendantes de ces recettes, réduire les revenus des agriculteurs et limiter les investissements dans l’agriculture durable. Paradoxalement, elle peut aussi offrir une fenêtre pour renforcer la transformation locale : dans la filière coton, par exemple, la concurrence entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso pour atteindre 550 000 tonnes en 2025/26 montre que la montée en gamme, avec des pratiques plus résilientes et mieux calibrées, devient un atout stratégique.

Pour l’ensemble de la région, ces fluctuations rappellent l’urgence de diversifier l’économie rurale, de renforcer les capacités logistiques, d’investir dans de meilleurs intrants et de développer les capacités de transformation locale. Certains États, comme le Bénin, le Sénégal ou le Togo, ont initié des politiques incitatives pour encourager les investissements agro-industriels et stabiliser le revenu agricole. Mais la volatilité reste une épée de Damoclès.

Dans un contexte mondial tendu, l’Afrique de l’Ouest doit tirer parti de périodes de baisse des prix pour renforcer sa résilience. Cela passe par l’adoption de couvertures de prix, la création de stocks stratégiques, l’accélération de l’intégration régionale afin d’optimiser les chaînes de valeur et la promotion d’un accès facilité au financement agricole.

Le rôle des gouvernements et des organisations régionales comme la CEDEAO est essentiel : assurer une prise en charge concertée des politiques agricoles, favoriser l’investissement dans la recherche (variétés résistantes, infrastructures), et établir des systèmes de surveillance des marchés.

Le retour en force des fondamentaux agricoles invite à repenser les stratégies à long terme. Il offre la possibilité de transformer la vulnérabilité actuelle en opportunité structurelle. C’est cet objectif que doivent embrasser les décideurs ouest-africains, conscients que la richesse agricole peut devenir le moteur d’un développement stable et inclusif.

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