Côte d’Ivoire : un boom économique qui laisse la moitié du pays sur le carreau

Gouvernance et perspectives : vers une Côte d’Ivoire inclusive ?


Les points clés :

  • Le PIB ivoirien a bondi de +43,9 % en huit ans, passant de 27 086  à 48 294 milliards FCFA entre 2015 et 2023.

  • Le secteur secondaire a explosé en 2023 avec une croissance de +14,9 %, tandis que le primaire recule de –2,2 %.

  • La pauvreté chute marginalement mais reste élevée à 37,5 % en 2021, avec des écarts ruraux/urbains profonds (54,4 % vs 22,2 %).


De 2015 à 2023, l’économie ivoirienne a connu une expansion remarquable, avec une augmentation du PIB de 21 208 milliards FCFA, soit +43,9 %. Le PIB par habitant a suivi la même tendance, passant de 1,063 à 1,556 million FCFA, tandis que le RNB par habitant s’établissait à 1,496 million FCFA en 2023. Cette progression illustre une montée générale du niveau de vie, bien que nuancée par des disparités géographiques et sociales.

En 2023, l’économie a crû de 6,5 %, soutenue par un secteur secondaire florissant (+14,9 %), tiré par l’industrie et la construction, et un secteur tertiaire robuste (+5,4 %). L’agriculture, en revanche, a légèrement fléchi (–2,2 %), soulignant la montée en puissance des autres secteurs. Les exportations, représentant 24 % du PIB, ont atteint 11 712 milliards FCFA. L’inflation s’est maintenue autour de 3,5 %, reflétant une gestion macroéconomique maîtrisée. L’essor industriel se reflète aussi dans un indice de production en hausse de 6,95 % et un chiffre d’affaires industriel grimpant de 12,98 %.

La Banque mondiale confirme une trajectoire robuste : croissance annuelle moyenne entre 2021 et 2023 estimée à 6,5 %, supérieure à la moyenne régionale.

PME, emplois et inégalités : des progrès encore fragiles

Au 2024, la Côte d’Ivoire comptait 82 548 entreprises formelles, soit plus de 95 % de PME. Entre 2021 et 2022, leur excédent brut d’exploitation a bondi de +55 %, atteignant 3 900 milliards FCFA, avec un taux de rentabilité passant de 3 % à 4,1 %. Ces données témoignent d’une vitalité entrepreneuriale croissante.

Le marché de l’emploi reste largement national. En 2022, 94 % des postes formels étaient occupés par des Ivoiriens, dont 83 % en contrat permanent. Cependant, la participation féminine demeure très basse (19 %), après une baisse de 20,3 % à 18 % entre 2018 et 2021. Le chômage, officiellement faible (3,1 % en 2021), cache des disparités marquées : 6,3 % à Abidjan contre 0,9 % en zones rurales, avec un taux élevé chez les femmes (4,1 %).

Le taux de pauvreté monétaire a reculé de 1,9 point à 37,5 % en 2021. Toutefois, le creux urbain/rural persiste (22,2 % vs 54,4 %). La différence liée au niveau d’éducation reste frappante : 51,4 % de pauvreté chez les ménages non alphabétisés contre 25,4 % chez les autres.

La baisse de l’indice de Gini de 0,351 à 0,333 entre 2018 et 2021 montre une réduction modeste des inégalités. Cependant, les 10 % les plus riches absorbent près de 19 % de la consommation nationale, contre moins de 5 % pour les 10 % les plus pauvres.

Gouvernance et perspectives : vers une Côte d’Ivoire inclusive ?

Côté gouvernance, l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) est passé de 36 à 45 entre 2021 et 2024 selon Transparency International, ce qui indique une amélioration de la perception de la transparence publique. Par ailleurs, le pouvoir d’achat des ménages a progressé de +22,2 % entre 2015 et 2022, selon l’ANStat.

Le secteur primaire, en recul en 2023, demeure central pour l’emploi et l’exportation (agriculture recouvre près de 19 % du PIB, jusqu’à 60 % des exportations), confirmant la nécessité de renforcer les chaînes de valeur locales.

Pourquoi est-ce important ?

L’analyse décennale révèle une Côte d’Ivoire en pleine mutation. La croissance soutenue, la diversification de l’économie et l'essor des PME déclinent un pays en renouveau. Mais les inégalités territoriales, éducatives et de genre demeurent marquées, freinant une croissance véritablement inclusive.

Le défi à relever est celui d’un développement harmonisé : renforcer l’agriculture, soutenir l’emploi féminin, réduire les écarts de revenus et de pauvreté rurale. Une gouvernance plus transparente et des politiques ciblées feront la différence, notamment pour atteindre les objectifs de la Banque mondiale et de la Côte d’Ivoire pour 2030, notamment la réduction de moitié de la pauvreté.

Si des progrès ont été accomplis, la consolidation de la croissance nécessite l’intégration des plus vulnérables dans les bénéfices économiques – la clé d’un modèle de développement durable pour l’Afrique de l’Ouest.

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