L’intelligence artificielle (IA) va-t-elle précipiter l’effondrement des retraites en Afrique ?

L’IA tue l’emploi… Qui paiera nos retraites demain ? (Design by Freepik)


Les points clés :

  • L’intelligence artificielle pourrait supprimer jusqu’à 92 millions d’emplois d’ici 2030, frappant aussi les métiers de bureau.

  • Moins d’emplois formels se traduisent par une chute des cotisations, menace directe pour les systèmes de retraite fragiles en Afrique, où plus de 90 % des actifs cotisent peu ou pas du tout.

  • Pour éviter la faillite des caisses, l’investissement à long terme dans l’économie réelle devient indispensable, au-delà de la collecte de cotisations.


L’intelligence artificielle, présentée comme la force douce de notre époque, n’est pas exempte de dangers. Selon le Forum économique mondial (WEF), entre 85 et 92 millions d’emplois pourraient être éradiqués d’ici 2030, au profit de 78 à 97 millions de nouvelles opportunités. Pourtant, ces nouveaux emplois, souvent plus qualifiés, ne compenseront pas totalement la perte des postes standards, en particulier dans les fonctions administratives.

Ce tsunami technologique ne cible pas que les métiers manuels. Les assistants administratifs, analystes juniors ou codeurs basiques subissent eux aussi la vague de l’automatisation. Le remplacement progressif de ces emplois formels érode le socle même du financement des retraites : les cotisations sociales. Le luxe de supprimer un emploi formel est donc loin d’être sans conséquence sur la sécurité sociale.

En Afrique, un modèle de retraite déjà en sursis

En Afrique, plus de 90 % des actifs ne cotisent à rien, révèle un rapport récent de la conférence APSA à Marrakech. Plus de 85 % des travailleurs évoluent dans le secteur informel, sans versements réguliers pour la retraite. Ce chiffre dramatique pérennise un modèle de retraites en faillite.

Le système reste très dépendant des quelques salariés formels. En parallèle, les espérances de vie augmentent. Conséquence : des seniors nombreux, non couverts, et un déséquilibre démographique croissant. Les projections financières indiquent une fin des réserves pour plusieurs caisses d’ici 2030–2037 si rien ne change.

L’enjeu de l’investissement : vers une mutation radicale des caisses

Face à des cotisations incertaines, le rôle des caisses de retraite évolue. Finactu, spécialiste africain, pointe que ces régimes sont de petits investisseurs, mais à court terme : 35 % liquidités, 23 % obligations à court terme, seulement ~33 % dédiés à l’immobilier/action, bien trop peu pour des institutions de long terme. Cette approche revient à bâtir un château de sable : les caisses ne jouent pas leur rôle d’intermédiaire de l’épargne longue.

L’alternative : investir massivement dans l’économie réelle, logements, infrastructures, agriculture, PME. Ces investissements doivent être réfléchis, diversifiés et équilibrer rendement et stabilité. Créer une filiale dédiée pourrait être la clé pour professionnaliser ces allocations stratégiques.

Réglementation et inclusion : deux leviers pour éviter le chaos

Réagir implique de revisiter les fondements des systèmes sociaux. Offrir une couverture aux travailleurs indépendants et informels devient une urgence. Des pays comme le Maroc et la Côte d’Ivoire expérimentent des régimes complémentaires et des assiettes mobiles. Le concept d’architecture sociale globale, adopté à Marrakech, met en avant l’idée de micro-pensions, d’inclusion financière et de fiscalité incitative ([turn0search5]).

Les régulateurs doivent désormais sanctionner non par contrôle administratif, mais par gestion des risques : exiger des réserves, promouvoir les placements à long terme, et mettre en place des indicateurs ESG. Avec des actifs potentiellement disponibles à hauteur de 2 400 milliards USD, l’Afrique a une lame de fonds pour investir dans son propre développement.

Pourquoi est-ce important ?

L’Afrique, ouest-africaine en premier plan, fait face à une confluence de crises : un marché du travail fragmenté, une transition technologique accélérée, et des régimes de retraite au bord de l’effondrement. L’enjeu n’est plus seulement de collecter des cotisations, mais de réinventer la fonction même des caisses de retraite.

Sans réforme accélérée, les économies africaines peuvent se trouver dans une spirale mortelle : moins d’emplois, moins de cotisations, moins de retraites, combien de temps avant l’impasse ? En investissant de manière responsable dans les infrastructures, l’agroindustrie, ou encore l’immobilier à impact, les caisses peuvent devenir des moteurs de croissance, en plus de garanties de solidarité intergénérationnelle.

Les efforts entrepris au Maroc, en Côte d’Ivoire et ailleurs doivent inspirer la région, en démontrant que le modèle africain n’est pas une copie du Nord, mais une réponse adaptée à sa réalité : jeune, informelle, numérique et en pleine croissance. Le chantier est colossal, mais l’IA rend l’urgence encore plus pressante.

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