Crédits-carbone, cuisinières propres : le Ghana ouvre la voie… l’Afrique suivra-t-elle ?

Emission de crédits carbone en Afrique de l’Ouest (Crédit image : JA)

Les points clés :

  • Le Ghana a lancé la première vente de crédits-carbone ITMO via des cuisinières améliorées, en vertu de l’Article 6.2 de l’Accord de Paris.

  • Spark+ et Envirofit visent une hausse de capacité de 60 000 à 120 000 cuisinières d’ici 2026, avec un financement total prévu de 6,85 M $.

  • L’Afrique subsaharienne compte encore 900 M de personnes sans cuisson propre et a vu une hausse de population sans accès en 2023, malgré les progrès.

L’Afrique croule sous le défi des fumées domestiques et de la déforestation due à la cuisson traditionnelle. Le Ghana a pris une longueur d’avance en inaugurant sa première vente de crédits-carbone issus de cuisinières améliorées, dans le cadre d’un accord bilatéral avec la Suisse sous l’Article 6.2. Spark+ Africa Fund a amorcé le projet en 2024 avec 4 M USD, porté par Envirofit, un acteur reconnu dans les solutions de cuisson durable. L’inclusion d’une rallonge de 2,85 M USD doit permettre la distribution de 120 000 cuisinières d’ici 2026 au lieu de 60 000, multipliant ainsi les bénéfices sur le climat et la santé.

Ces foyers améliorés réduisent la consommation de bois ou charbon, diminuent les émissions toxiques jusqu’à 80 %, tout en engendrant des crédits-payés par la Suisse. Ce modèle combine efficacité énergétique, impact social (création d’emplois) et performance climatique, tout en générant un cercle vertueux de financement.

Un impact multi-dimensionnel : santé, climat, développement local

L’Afrique subsaharienne compte environ 900 millions d’individus dépendants de la cuisson polluante, et le rapport Tracking SDG7 de la Banque mondiale indique qu’en 2023, l’accès a reculé de 14 millions de personnes. Cette situation provoque chaque année des centaines de milliers de décès prématurés liés à la pollution atmosphérique domestique, principalement chez les femmes et les enfants.

Les cuisinières améliorées Envirofit réduisent les émissions de CO₂ et les fumées intérieures jusqu’à 80 %, favorisant une qualité de vie meilleure. Le modèle mis en œuvre au Ghana génère aussi des emplois (environ 300), grâce à la construction locale d’unités d’assemblage.

La finance carbone comme levier de montée à l’échelle

Le projet constitue un jalon, le Ghana étant le premier pays africain à exporter des ITMOs en vertu d’un accord Article 6.2. La Suisse, via la Fondation KliK, a souscrit un accord à prix fixe pour ces crédits, sécurisant la viabilité économique.

La finance carbone africaine explose : en 2024, les revenus liés aux crédits cuisinières ont atteint les 107 M $, soit quatre fois le niveau de 2020, selon l’AIE. Les cuisinières représentent près de 80 % des transactions carbone dans le secteur énergie en Afrique au cours de la dernière décennie.

Un modèle reproductible ? Entre promesses et défis

Certains observateurs alertent sur la robustesse des méthodes de mesure et la crédibilité des crédits. Malgré ces critiques, l’initiative implique des standards reconnus (Gold Standard, surveillance rigoureuse, validation Article 6.2), renforçant sa fiabilité.

Au-delà du Ghana, des modèles similaires existent : en Kenya, Burn Manufacturing conçoit des cuisinières électriques dont 4,5 M ont été vendues, et des crédits forward pour l’Afrique. Le plan à 2,2 M $ de l’AIE, financé en partie par Shell et TotalEnergies, envisage un déploiement massif de technologies de cuisson propre sur le continent.

Pourquoi est-ce important ?

Le projet ghanéen montre que l’Afrique peut transformer un problème sanitaire et environnemental en véritable opportunité économique. Le mariage de technologies efficaces et de finance carbone ouvre une voie viable d’accès à l’énergie propre, tout en générant des emplois locaux et des ressources durables.

À l’échelle ouest-africaine, ce modèle transnational, combinant action publique, ONG, entreprises privées et mobilité intergouvernementale, pourrait aider à atteindre les objectifs SDG 7 d’accès à une énergie propre. Il préfigure une nouvelle catégorie de projets à impact triple (santé, climat, développement) qu’il reste à généraliser dans des pays comme le Bénin, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire.

La clef réside désormais dans l’échelle : s’assurer que les mécanismes de suivi, de prix, de gouvernance et de distribution permettent de passer de dizaines à centaines de milliers puis millions d’unités, et surtout de crédits carbone. Le Ghana a montré la voie. À l’Afrique de jouer.

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