Le secteur informel dans l’UEMOA : une vitalité économique qui coûte cher aux États
Il sera nécessaire à l'avenir de combiner des politiques plus inclusives
Les points clés :
Le secteur informel domine les économies de l’UEMOA, représentant jusqu’à 60 % du PIB et employant près de 90 % de la main-d’œuvre non agricole, mais il échappe en grande partie à l’impôt.
Cette situation coûte plus de 1 000 milliards de FCFA par an en pertes fiscales, fragilise les finances publiques et accentue les inégalités entre acteurs économiques.
Malgré des réformes fiscales et numériques, la formalisation reste difficile à cause de la méfiance, du manque d’incitations et de lourdeurs administratives.
L'économie des pays adhérents à l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) est largement dominée par le secteur informel. D'après les calculs de la BCEAO et d'autres organisations régionales, sa contribution au produit intérieur brut (PIB) varie entre 40 à 60 % selon les pays, et il offre un emploi à environ 80 à 90 % de la main-d'œuvre active non agricole. Cependant, cette apparente vitalité dissimule une faiblesse structurelle significative : une importante diminution des revenus fiscaux pour les États.
Le problème majeur est le défaut de déclaration des revenus et l'absence d'enregistrement des acteurs informels auprès des autorités fiscales. Les petits commerçants, artisans, transporteurs, marchands ambulants, réparateurs ou encore prestataires de services à domicile agissent fréquemment sans tenir de registre officiel, ce qui les rend invisibles aux yeux du fisc. Cela entraîne un déficit significatif de gains. Par exemple, la Commission de l'UEMOA estime que le secteur informel non structuré fait perdre chaque année plus de 1 000 milliards de FCFA en recettes fiscales à la région.
Cette situation entraîne de nombreuses conséquences. D'un côté, les États font face à un manque de ressources pour soutenir les infrastructures, les services publics élémentaires et les politiques sociales. En outre, cela engendre une sorte d'inéquité fiscale à l'égard des entreprises du secteur formel, qui sont soumises à une pression fiscale accrue et à des obligations réglementaires plus pesantes.
Les recherches nationales soutiennent également cette idée. Selon l'Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD) du Sénégal, environ 97% des unités de production sont issues du secteur informel urbain, cependant, ce dernier ne contribue qu'à hauteur de 4% des revenus fiscaux. D'après le Trésor public en Côte d'Ivoire, le secteur informel représente plus de 70 % des transactions commerciales de détail, tout en contribuant proportionnellement moins au paiement des impôts. Concernant le Bénin, où le commerce informel transfrontalier, surtout avec le Nigéria, est très actif, la Direction Générale des Impôts reconnaît que le potentiel fiscal est grandement sous-utilisé en raison de l'absence d'instruments d'identification et de taxation adéquats.
Conscients du défi, les pays de l'UEMOA ont lancé diverses réformes visant à intégrer progressivement ce secteur. Cela inclut l'extension de l'assiette fiscale, l'établissement de systèmes d'imposition simplifiés tels que la taxe des micro-entreprises ou encore le Régime de l'impôt synthétique. On fait également appel au numérique, à l'instar de la croissance des transactions numériques, des bases de données en ligne et de l'identification biométrique.
Les résultats restent cependant restreints. Une formalisation à grande échelle est entravée par divers facteurs tels que la méfiance envers l'État, le déficit de sensibilisation, le manque d'incitations explicites et la complexité administrative. Pour amorcer un changement structurel durable, il sera nécessaire à l'avenir de combiner des politiques plus inclusives, des démarches simplifiées, des encouragements vers la sécurité sociale et un soutien vers l'accès bancaire.