Réformes minières : le Ghana prend le contrôle
Ces réformes touchent aussi aux partenariats financiers (Crédit image : ABC Global Communications)
Les points clés :
Le gouvernement ghanéen réduit la durée maximale des baux miniers (30 ans) pour accroître la flexibilité et la responsabilisation des opérateurs.
Les futurs contrats mineront obligatoirement un pourcentage des ventes brutes au profit des communautés locales, via des accords standardisés de développement communautaire.
Les accords de stabilité fiscale et les renouvellements automatiques de licences seront supprimés pour les entreprises non conformes, mais sans rétroactivité sur les contrats existants.
Le Ghana, premier producteur d’or du continent, opère une révision majeure de sa législation minière, qui apparaît comme la plus profonde depuis vingt ans. Sous l’impulsion du ministre Emmanuel Armah‑Kofi Buah, l’État entend limiter les dérives d’un modèle extractif trop longtemps dominé par les intérêts internationaux non foutus de garantir des retombées tangibles pour les communautés.
Les principaux axes de réforme prévoient une réduction sensible de la durée des permis de prospection et des baux miniers, anciennement plafonnés à 30 ans renouvelables, désormais soumis à des critères stricts d’éligibilité. Les licences automatiques seront supprimées dès lors que les entreprises ne respectent pas les normes environnementales, sociales ou de production.
Parallèlement, chaque nouveau projet devra être accompagné d’un contrat de développement communautaire : une partie des revenus issus de la vente des minéraux sera allouée à des projets locaux d’accès à l’eau, de santé, d’éducation ou de diversification économique. La transparence et le suivi de ces accords feront l’objet d’un encadrement légal, répondant aux attentes croissantes des populations touchées par les activités minières.
Ces réformes touchent aussi aux partenariats financiers. Les « stability agreements », qui garantissent des exonérations fiscales et réglementaires prolongées jusqu’à 15 ans, sont désormais limités à la période strictement nécessaire au retour sur investissement d’infrastructures majeures, afin de préserver la souveraineté budgétaire.
Le Ghana, contrairement à ses voisins du Sahel, refuse la rétroactivité : les contrats déjà signés restent intacts. Cette position, qualifiée de responsable et prudente, vise à maintenir la stabilité juridique tout en corrigeant les dysfonctionnements à venir.
Un exemple concret illustre ce tournant : la société Gold Fields n’a pas vu prolonger automatiquement le bail de sa mine de Damang à l’échéance de 30 ans. L’État a pris le contrôle via un bail transitoire de 12 mois en attendant une évaluation approfondie, rompant avec le principe de renouvellement automatique.
Les réformes s’inscrivent dans un contexte plus global de gouvernance renouvelée. Le Ghana a mis en place un organe unique, la Ghana Gold Board (GoldBod), pour centraliser l’achat, la vente, l’exportation et la traçabilité de l’or artisanal. Depuis sa création, le pays a exporté 55,7 tonnes d’or officiellement, soit 5 milliards USD en seulement cinq mois. En complément, un groupe spécial (“GOLDBOD Task Force”) combat activement le « galamsey », l’or illégal, marquant une volonté d’ordre et de transparence.
Pourquoi est‑ce important ?
Ces réformes marquent une inflexion profonde dans la stratégie ghanéenne : reprendre la main sur l’exploitation des ressources et réorienter la production vers une logique de développement inclusif. À l’instar du Mali, du Burkina et de la Côte d’Ivoire, Accra entend capturer une part plus significative des retombées minières, stabiliser sa monnaie et investir dans des infrastructures génératrices de revenus durables.
Pour les économies ouest-africaines, ces mesures envoient un signal puissant : l’époque des arrangements coloniaux implicites tourne la page. La mise en place d’accords communautaires standardisés et contraignants inspire une équité contractuelle longtemps absente, tout en contribuant à limiter la pauvreté, les déplacements forcés et la dégradation environnementale.
Le Ghana devient un modèle de transition douce mais ferme entre réformes économiques, souveraineté et attractivité. La création d’une licence « moyen-échelle », le renforcement des acteurs locaux via le MIIF (Minerals Income Investment Fund) et la nouvelle approche d’équité sociale dans les contrats montrent que la croissance minière peut et doit bénéficier à tous.
Ces transformations font du Ghana un pôle d’exemplarité pour la sous-région, en phase avec les aspirations d’une population qui exige justice, transparence et prise en compte des impacts environnementaux. En relocalisant les bénéfices dans les communautés touchées, le pays prépare le terrain d’une industrie minière plus durable, légitime et résiliente.