L'avenir de l'aide au développement : l’urgence de se réinventer et d’innover

Aide publique au développement (Crédit image : Basta)

Les points clés :

  • L'aide publique au développement (APD) perd de son attractivité politique dans plusieurs pays donateurs.

  • Les cofinancements et les outils financiers innovants sont des solutions clés pour compenser la baisse des ressources.

  • L'AFD s'adapte en diversifiant ses partenariats avec des banques multilatérales et des fondations privées.

Face aux réductions budgétaires massives de plusieurs grandes puissances mondiales, l'aide publique au développement (APD) connaît une période de réévaluation. Autrefois perçue comme essentielle pour aider les pays du Sud, cette aide est aujourd'hui remise en question, notamment par les critiques sur son efficacité et l'épuisement des ressources. À cela s’ajoute un changement de priorités politiques dans les pays donateurs, amplifié par la montée des gouvernements conservateurs et populistes en Europe et en Amérique du Nord.

En réponse, l'Agence française de Développement (AFD) ajuste sa stratégie et cherche de nouveaux leviers pour maintenir ses interventions en Afrique, en Asie, en Amérique latine et ailleurs. Lors du 5ᵉ Forum Finance en Commun, Papa Amadou Sarr, directeur exécutif de l’AFD, a souligné la nécessité de développer un nouveau modèle d'investissement solidaire afin de garantir des résultats concrets malgré les défis actuels.

Une aide en déclin, une urgence à innover

Les restrictions budgétaires dans les pays donateurs comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la France, associés à la pause des financements de l’USAID aux États-Unis, marquent un tournant décisif dans l’histoire de l'APD. Le Royaume-Uni a par exemple réduit son budget d’aide de plus de 4 milliards de livres sterling, tandis que les Pays-Bas ont coupé un tiers de leurs financements. La France, quant à elle, a dû revoir à la baisse certaines enveloppes cruciales, y compris celles du programme 209, qui finance directement les projets de l'AFD.

D'après Papa Amadou Sarr, cette tendance s'explique par deux principaux facteurs. D’une part, la « fatigue de l’aide » : un sentiment croissant que l'APD profite davantage aux pays donateurs qu'aux bénéficiaires. D'autre part, la montée de gouvernements populistes, qui prônent un repli sur soi et remettent en question la pertinence même de la solidarité internationale.

Un recours stratégique aux cofinancements

Face à ces défis, l'AFD mise sur le cofinancement pour compenser la diminution des ressources disponibles. Entre 35 et 45 % des financements de l’agence sont désormais cofinancés avec des institutions multilatérales comme la Banque mondiale, la Banque africaine de développement (BAD), et des fondations privées telles que la Fondation Bill & Melinda Gates. Cela représente environ 3 milliards d'euros de financements prévus d'ici 2025.

L'AFD ne s'arrête pas là et explore également des outils financiers innovants comme les obligations durables et les mécanismes de financement mixte (blended finance). Ces approches permettent de combiner des subventions avec des prêts à faible taux d'intérêt pour attirer davantage d'investisseurs privés.

Pourquoi est-ce important ?

L'adaptation de l'AFD est cruciale pour l'avenir du financement des projets dans les pays en développement, notamment en Afrique de l'Ouest. L'effort collectif des banques multilatérales et des fondations privées permet non seulement de combler les déficits de financement, mais aussi de stimuler l'investissement dans des secteurs clés tels que les infrastructures, l'énergie et l'éducation. Ces financements jouent un rôle majeur dans le développement économique de la région et contribuent à la stabilité de nombreux pays.

Pour l'Afrique de l’Ouest, la collaboration entre institutions comme la BAD et des partenaires privés est essentielle pour pallier la diminution de l'APD. Cela permet de financer des projets structurants, essentiels pour renforcer les économies locales et créer des emplois. Dans un contexte où la jeunesse africaine représente une proportion croissante de la population, ces financements sont plus que jamais nécessaires pour offrir des opportunités d'emploi et de développement.

En conclusion, l'aide au développement ne disparaît pas, mais évolue. Grâce à des mécanismes d’investissement solidaires, des partenariats stratégiques et des outils financiers innovants, l'AFD continue d’agir pour accompagner les pays du Sud dans leur transformation. Les nouveaux modèles adoptés, basés sur la coopération internationale et le cofinancement, jouent un rôle primordial pour maintenir les efforts de développement dans un contexte de contraintes budgétaires.

Précédent
Précédent

Corruption au Nigeria : 500 millions de dollars récupérés en un an, un record

Suivant
Suivant

Le Sénégal en route pour devenir un hub numérique africain : 1,7 milliard de dollars investis dans le “New Deal Technologique”