UEMOA : une croissance florissante face à une dette qui monte en silence

La dette n’attend pas (Crédit image : Africa Business +)

Les points clés :

  • Le rebond industriel et la stabilisation des prix masquent une dette publique UEMOA en légère accélération.

  • La dette s’élève à 86 000 milliards FCFA, soit un ratio de 59 % du PIB, sous le seuil communautaire de 70 %, mais en hausse.

  • L’inflation reste maîtrisée (1,5 % en avril, puis 0,6 % en mai), permettant une politique monétaire accommodante.


Les indicateurs sectoriels de l’Union économique et monétaire ouest‑africaine (UEMOA) affichent des performances remarquables. L’inflation est tombée à 1,5 % en avril 2025, confirmant une baisse depuis 2,2 % en mars, puis chutant à 0,6 % en mai, un niveau record . Cette décrue est portée par le recul des prix alimentaires importés (riz, blé, sucre) et une hausse de la production locale, comme en témoigne une progression de 3 % de la production céréalière .

L’activité économique suit cette trajectoire ascendante. En avril 2025, l’industrie a crû de 16,2 %, les services de 8,1 %, et le commerce de 3,5 %. Le climat des affaires, avec un indice à 101,2, reflète la confiance persistante des entreprises . La BCEAO a profité de cette dynamique pour réduire son taux directeur à 3,25 %, en réponse à une inflation durablement basse.

Mais la dette n’attend pas

Néanmoins, ce tableau rassurant cache une réalité moins réjouissante : la dette publique de l’UEMOA a atteint 86 004,5 milliards FCFA fin mars 2025, en hausse de 2,4 % depuis la fin de 2024. Ce niveau équivaut à 59 % du PIB, soit en-dessous du plafond communautaire de 70 %, mais sur une trajectoire ascendante . Cette progression s’explique principalement par le financement des subventions sociales, des dépenses de sécurité et de projets d’infrastructure.

Les Etats membres sollicitent massivement des bailleurs extérieurs. Ainsi, la Banque mondiale a déboursé 296,2 milliards FCFA, la BAD 162,1 milliards, l’AFD 84 milliards, et le FMI a soutenu le Niger à hauteur de 31,8 milliards début 2025. Sur le marché international, le Bénin a levé en janvier 318 milliards via une euro-obligation, suivi de la Côte d’Ivoire avec 1 286 milliards en mars.

Défis et arbitrages : la voie de l’assainissement

L’analyse du FMI souligne la nécessité de consolider la discipline budgétaire et d’accroitre les recettes domestiques. L’Union est encouragée à revenir à un déficit maximal de 3 % du PIB d’ici 2025 et à renforcer la mobilisation fiscale. Sans cela, les déficits et le poids de la dette pourraient fragiliser les finances publiques et réduire la marge de manœuvre en cas de choc.

Des réformes structurelles sont également recommandées : transparence budgétaire, réduction du poids de la masse salariale, réformes fiscales, et renforcement des institutions douanières, essentielles pour soutenir la ZLECAF et favoriser un commerce intra-régional fluide.

Vers une croissance durable ?

Malgré ces défis, l’avis des institutions reste positif. L’UEMOA profite d’un environnement macroéconomique stable, d’une croissance estimée à 6,3 % en 2025, après 6 % en 2024. Les prix maîtrisés et la BCEAO proactive soutiennent l’activité. Mais la trajectoire de la dette exige d’enclencher une politique de gestion prudente pour ne pas remettre en cause cette dynamique.

Pourquoi est-ce important ?

Cette conjoncture favorable offre une fenêtre d’opportunité pour les économies ouest‑africaines. La stabilité des prix et la croissance sont des atouts précieux pour attirer les investissements et renforcer la compétitivité régionale. Cependant, la dette croissante rappelle que la frugalité budgétaire et une stratégie endogène de mobilisation des ressources sont indispensables pour soutenir l’essor économique sur le long terme.

Face aux aspirations de la ZLECAF et aux enjeux de transition (verte, industrielle, agricole), l’UEMOA doit conjuguer ambition et discipline. Les récentes émissions obligataires, bien que bénéfiques, accroissent la vulnérabilité aux retournements de marchés. Une consolidation budgétaire verte et structurante, alliée à des réformes fiscales et douanières, serait la clé pour bâtir une économie plus résiliente et inclusive.

En définitive, la bonne santé actuelle de l’UEMOA appelle à l’action : investir malin, maîtriser la dette et poursuivre les réformes. Autrement, la croissance d’aujourd’hui pourrait devenir la dette de demain.

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