Vols internationaux : quand les taxes aériennes africaines étranglent durement la compétitivité
Le Gabon détient le record de redevances internationales (Crédit image : Afrimag)
Les points clés :
Taxes aériennes africaines record : les passagers paient en moyenne 68 $ par vol international, bien plus que les 30–34 $ en Europe ou au Moyen-Orient.
Le Gabon (297,7 $), la Sierra Leone (294 $) et le Nigeria (180 $) imposent les plus fortes redevances internationales.
L’Afrique de l’Ouest (109,5 $) et l’Afrique centrale (106,6 $) affichent les frais les plus élevés, freinant l’intégration régionale et le secteur du tourisme.
À l’appui du rapport AFRAA 2024 sur les taxes et redevances aériennes, l’analyse révèle que les voyageurs internationaux quittant l’Afrique payent en moyenne 68 $ de taxes par billet, contre 30–34 $ en Europe ou au Moyen‑Orient. Ces redevances, imposées par les États, aéroports et autres prestataires, ont augmenté en 2024 par rapport à 2022, alors que la demande peine à compenser l’inflation des coûts. Le rapport souligne que les tickets incluent en moyenne 3,5 types de charges par vol international, contre 2,5 en Europe .
La situation est particulièrement criante en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, les régions les plus taxées, affichant respectivement 109,49 $ et 106,62 $ de taxes moyennes par passager, malgré n’accueillir que 23 % du trafic aérien continental. En contraste, l’Afrique du Nord est la plus compétitive avec 25,27 $ en moyenne.
D’après le palmarès AFRAA, le Gabon détient le record de redevances internationales avec 297,70 $ par passager, suivi de la Sierra Leone (294 $) et du Nigeria (180 $). Le Bénin (123,4 $), le Niger (130,7 $), le Sénégal (122,6 $), le Libéria (115 $), le Ghana (111,5 $) et la RDC (109,9 $) complètent le top 10. À l’opposé, la Libye (1,3 $), le Malawi (5 $), le Lesotho (5,7 $), l’Algérie (9,8 $), l’Eswatini (14,2 $), le Tunisie (15,4 $), le Botswana (18,9 $) offrent des charges nettement inférieures, illustrant un modèle fiscal cohérent avec les principes de l’ICAO (neutralité, proportionnalité, transparence).
Cette divergence se traduit dans une fracture économique régionale majeure. L’Afrique de l’Ouest et centrale imposent des coûts intercontinentaux trois à quatre fois supérieurs à ceux de l’Afrique du Nord, tout en générant moins de trafic. Si les pays du Nord représentent 35 % du trafic aérien continental, leurs charges restent contenues, favorisant attractivité et rentabilité.
Cette fiscalité excessive est dénoncée par AFRAA comme un frein structurel à la demande, à l’essor du tourisme et à l’intégration régionale. Le secteur aérien contribue pourtant à hauteur de 75 milliards de dollars au PIB africain et soutient 8,1 millions d’emplois, mais il reste structurellement déficitaire. AFRAA appelle les gouvernements à réviser les régimes fiscaux, limiter les redevances au coût réel des services, harmoniser les politiques selon les normes ICAO et recourir à des modes de financement alternatifs pour les infrastructures.
Pourquoi est-ce important ?
Cette situation n’est pas un simple désagrément passager : elle affaiblit l’ensemble de la chaîne de valeur économique ouest‑africaine. Les coûts prohibitifs de déplacement limitent le tourisme, freinent les investisseurs de la diaspora, et réduisent la fluidité des échanges intra-africains. L’asymétrie entre sous-régions renforce la marginalisation de certains hubs comme Lomé, Dakar ou Accra face aux hubs du Maghreb.
Des réformes alignées sur les principes de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO), taxation liée au coût, consultation, transparence et non-discrimination, sont essentielles pour restaurer la compétitivité de l’aviation africaine. L’Afrique du Nord démontre que ces normes peuvent être compatibles avec un trafic aérien dense et rentable.
Enfin, la limitation des charges aériennes est également un enjeu de justice sociale et de démocratisation de la mobilité : les classes moyennes en émergence, les entrepreneurs, les professionnels de la diaspora, les étudiants internationaux, tous pâtissent d’un accès réduit à un transport accessible. Réduire ces taxes, c’est améliorer l’intégration continentale, stimuler les échanges économiques, créer des emplois et renforcer les dynamiques post‑ZLECAf.